« Peuple Corse et Etat français » par @EdmondSimeoni

Définitions :

* Peuple Corse, communauté d’hommes et de femmes, d’origine ou d’adoption, qu’ils vivent dans ou aussi hors de l’île (la diaspora a un million de personnes). C’est une communauté de destin. , mêlant intimement « droit du sol « et « droit du sang ».

* Nation Corse : communauté de femmes et d’hommes, soudés par l’Histoire, dotés d’une culture spécifique, enracinés depuis des millénaires dans une terre : l’île de Corse, et ayant la volonté de vivre un avenir commun. On peut souscrire à la nation sans être nécessairement autonomistes ou indépendantistes.

La Corse qui a été indépendante puis soumise par la force des armes françaises, en 1769, à Pontenovu a , dès lors, dû subir un triple refus de la tutelle : de sa nationalité, de sa globalité, de son insularité. Elle a été coulée dans un moule uniforme, inadapté, privatif de liberté, qui explique, à la fois, et la permanence du refus insulaire et le rejet de la greffe. Là est sans doute la raison fondamentale de l’échec bi séculaire de la colonisation. Et du divorce éclatant entre des richesses naturelles, humaines et financières – une épargne pléthorique- et un bilan économique, social et culturel médiocre.

Gramcsi a démontré que les victoires idéologiques précèdent les victoires politiques ; en Corse, nous en sommes à cette étape ; nous avons gagné la bataille des idées mais, collectivement, nous le savons pas ; l’Etat sait, lui, qu’il a perdu la partie mais refuse obstinément cette évidence. « Errare humanum est sed perseverare diabolicum ».

La période actuelle est à haut risque : nous naviguons sur une mer hérissée de récifs où, liguées, les forces conservatrices locales et la tutelle française préfèrent le naufrage à une arrivée, concertée, négociée et d’intérêt mutuel, à bon port. « Après moi, le déluge » Comment briser les chaines de la soumission et des prisonniers politiques ? Comment passer d’une économie archaïque, assistée, à une économie moderne, développée, plus équitable ?

On ne peut pas trancher un tel nœud gordien, très serré, par la révolution – il n’y a pas le potentiel- par l’improvisation, par l’anarchie. IL est impossible de faire l’économie, face à un tel imbroglio, d’une méthode rigoureuse, de la fixation des objectifs, -hiérarchisés- et du choix de la stratégie. La Corse a, dans la diversité et la richesse de son corps social, les compétences, les ressources pour engager et aménager la transition démocratique ; avec trois orientations simultanées et complémentaires :

* Emanciper la nation : la rééducation sera douloureuse car trop longtemps différée ; il faut briser le lien d’aliénation et substituer nos priorités à celles du pouvoir colonial. La violence est un piège car elle restreint la mobilisation, isole les militants, et fait le choix de l’affrontement inégal où le rapport de forces est défavorable à la Corse. La radicalisation nous éloigne du nécessaire débat et compromet la construction démocratique de la société. De surcroit, l’image véhiculée à l’extérieur est négative ; par contre, le chemin de la non-violence, véhiculé par le MAN – Mouvement d’Alternatives Non-violentes- dispose d’une panoplie majeure de moyens , enrichis, sans limites, par la créativité : communication, non-coopération, désobéissance civile, obstruction passive… Ce choix, philosophique, est plus encore celui de l’efficacité : il disqualifie la répression, attire l’attention à l’extérieur des frontières et suscite la solidarité internationale ; il mobilise largement toutes les couches du peuple, et facilite l’abord et la transition vers une société apaisée et fraternelle.

Une démarche fondatrice, constituante, sur le mode des Etats Généraux, allierait la démocratie et la volonté populaire, validerait les choix collectifs, établirait le calendrier et serait le socle de la novation. La Méditerranée et l’Europe sont nos partenaires naturels qui nous apporteront aides, conseils et soutiens ; en échange et très modestement, nous participerions aux démarches communes

* déclaniser simultanément la société corse ; le système de clientèle est incompatible avec la démocratie, la bonne gestion, le développement durable ; il faut le faire progressivement, sans rupture brutale et substituer la responsabilité à l’assistance, l’implication à la dépendance. Les vrais remèdes sont la démocratie, accompagnée par l’éducation, par la formation, par la justice, par le développement mieux partagé. Et la solidarité.

* Construire le projet national…. Nous sommes pourvus de ressources, de femmes et d’hommes capables ; c’est un problème de volonté politique puis d’ingénierie. Les jeunes générations s’y attelleront, en s’ouvrant au monde, aux valeurs de l’humanisme.

La situation de la Corse est très difficile mais n’est pas désespérée ; une voie raisonnable qui existe partout en Europe – l’autonomie démocratique- nous attend ; et l’heure approche où la raison prévaudra nécessairement, dans le cadre d’un contrat renégocié avec la France, prenant en compte les intérêts légitimes des parties, sur le socle reconstruit, fiable et pérenne, de la confiance et de l’amitié.

Ajaccio le 23 Janvier 2014

Blog Edmond Simeoni

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