L’exemple est probant : dans le domaine particulièrement sensible de l’aliénation foncière, le tribunal administratif invalide les PLU ; l’Etat ne fait pas son travail et par son laxisme permet la construction de nouvelles maisons, très souvent au mépris de la légalité. Ainsi, la loi est contournée.
Dès que l’on aborde un problème complexe, il est nécessaire, pour bien situer les lignes de force, dégager les problématiques et chercher des solutions, d’effectuer de brefs retours en arrière. La situation actuelle de grave aliénation de la terre corse, couplée avec la submersion démographique organisée et le refus féroce de la France de l’octroi de la moindre parcelle de pouvoir réel n’échappe pas à cette règle. Qui conditionne la qualité de l’analyse.
Après sa victoire à Pontenovu, en 1769, la tutelle a usé et abusé de la répression, de la francisation à outrance, du prélèvement des forces vives pour ses guerres et sa fonction publique métropolitaine et coloniale, vidant ainsi la ruralité de tout germe d’espoir et de revitalisation ; et quand elle a commencé, sous la pression locale, à amorcer un très modeste développement local en 1955, ce fut pour élaborer un Schéma d’Aménagement, en Février 1992, qui prévoyait un développement de l’île sans et contre les Corses ; la vigoureuse opposition insulaire dont essentiellement la nôtre devait s’affirmer, s’enraciner dès 1960. Et mettre l’Etat en échec, notamment dans l’affaire des Boues rouges 1973- Pollution-, à Aleria en 1975-colonialisme agraire-, à Bastelica Fesch en 1980, contre les barbouzes impunies de Francia. Et contre les justices d’exception.
L’octroi de trois statuts, -1982, 1990, 2002- insuffisants, frileux, médiocres ne relève pas de la maladresse de Paris mais de son choix délibéré, réfléchi : gagner du temps, corrompre, lasser, renforcer sa courroie de transmission-le clientélisme- réprimer. Nous sommes dans un phénomène de nature coloniale, spécifique même si le degré est moindre par rapport à l’ex-Indochine ou à l’Algérie.
Comment expliquer la remarquable constance de l’Etat français dans cette politique néfaste, qu’il soit de droite ou de gauche ? Où sont les variantes, le inflexions positives, les volontés affirmées de dialogue ? Où et quand, et comment, sinon de façon isolée ou sporadique, l’intelligensia française, si prompte à s’enflammer pour les causes justes, s’est-elle manifestée ?
Malheureusement, la litanie des griefs est accablante ; le refus de création de l’Université de Corse que nous avons arrachée de haute lutte, le refus de la langue corse que des simulacres ou des mesures partielles ne peuvent masquer, sont indéniables. La force de l’Etat, certain qu’il ne peut subir de défaite militaire, en dépit des sacrifices de militants clandestins, joue à plein. Il atermoie, réprime, dissuade, manœuvre, laisse développer la criminalité et le banditisme.
Et pourtant, il est désormais certain que malgré un combat inégal, les forces liguées -isolées et rétrécies-, du conservatisme insulaire et du colonialisme, vont perdre la partie. Les illusions et les faux-semblants se sont brutalement dissipés quand le score de nationalistes, toutes tendances confondues, a été de 36°/°, lors des élections territoriales de 2010 ; récemment, l’Assemblée de Corse, sur un socle majoritaire large, a adopté le préambule du Padduc, consacré au peuple corse, la co-officialité de la langue, la révision de la Constitution française, la nécessité de prolonger les arrêtés Miot, complétés par une autonomie fiscale ; elle travaille aussi sur la résidence, la nécessaire évolution du Statut politique de l’île…. dans la convergence des forces progressistes et nationalistes.
Normalement, cette évolution démocratique, aveuglante et largement partagée aurait dû inciter l’Etat au dialogue réel ; il a préféré un ersatz, un pseudo dialogue mort-né, disant cyniquement non par avance, avant toute discussion, aux principales revendications. Au contraire, le Conseil Constitutionnel s’acharne contre la prorogation de la dérogation fiscale des Arrêtés Miot. Démocratie ou violence ?
Sans aucun doute, le problème de l’urbanisation du littoral est le cas plus flagrant de sa mauvaise foi et de son double jeu. Comment peut-il ne pas se préoccuper de l’invalidation de 13 Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), à l’initiative du Levante et du Collectif Loi-Littoral, par le tribunal Administratif de Bastia, appliquant la loi, avec une régularité de métronome, loi dont normalement le Préfet est chargé de l’application et de l’évaluation de la situation ? Cette sanction chronique, sur des années, n’est pas imputable à une succession d’erreurs locales mais au choix délibéré d’une politique qui veut brader la terre Corse ; ces décisions itératives de la Justice Administrative ne posent donc aucune interrogation à l’Etat, au premier Ministre, au Président de la République ? Récemment le préfet a déclaré que l’Etat n’était pas obligé de suivre les jugements du Tribunal Administratif tandis qu’une responsable de l’Environnement prétendait que les Znieff ne constituaient pas un impedimenta absolu pour construire !!! Démocratie ou violence ?
Corse : le Scandale de l’urbanisation du littoral
Comment peut-on expliquer que la Préfecture et les préfets successifs n’appliquent pas systématiquement la loi, n’effectuent pas les contrôles de légalité, n’exercent pratiquement pas de recours, sinon par la volonté de voir les Corses dépossédés de leur terre ? Comment se fait-il que malgré le risque de trouble grave à l’ordre public, en gestation, causé par ces manquements volontaires, l’Administration, impavide, laisse encore construire, trop souvent, dans une totale illégalité ? Jusqu’où ira cette provocation ? Démocratie ou violence ?
Le peuple corse de l’île et de la diaspora, n’a-t-il d’autre choix que de subir passivement ces offenses organisées ? de s’accommoder de pratiques anti-démocratiques qui scellent sa tombe ? de verser dans une révolte violente dont on connait la vainqueur par avance ? NON, NON et Non. Il a le devoir légitime de s’insurger, d’exiger le respect de la loi en la matière et plus encore de voir affirmé et préservé son droit imprescriptible à l’existence et à la maîtrise de son destin dans son propre Pays.
Il a l’immense possibilité d’en appeler à l’opinion publique corse et française, à la conscience internationale pour imposer la suprématie du droit et de la justice sur la force. Ila la possibilité de s’organiser collectivement pour débattre largement de son sort, choisir son chemin : un Statut d’Autonomie qui est le droit commun des Régions en Europe
Nous devons exiger notamment une Commission d’Enquête parlementaire sur l’urbanisation littorale de la Corse. Là, la vérité éclaterait et montrerait que le chemin de la non-violence n’est pas synonyme de démission mais rime au contraire avec l’engagement civique. Le succès sera, alors, le prix mérité d’une lutte menée par et pour la démocratie. La Corse ne perdra pas cet énième combat pour la liberté car son existence est en jeu mais plus encore parce qu’elle est du côté de l’Histoire et du Droit.
Ajaccio le 23 Janvier 2014
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Revue de Presse et suite de l’article :
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]