Une nouvelle fois le Conseil Constitutionnel, dont Pierre Joxe estime « qu’il vient de monter son caractère profondément réactionnaire [pour ses décisions] concernant les mesures fiscales », a censuré le dispositif fiscal sur les droits de succession en Corse adopté par les parlementaires pour succéder aux Arrêtés Miot. Et dans la crise de la SNCM, la Corse subit une énième fois tous les inconvénients d’une grève de la dernière chance pour les salariés, tandis que Paris et Marseille ont seuls le pouvoir de décider.
Que la SNCM sauve sa peau, ou plutôt réussisse sa mue vers une compagnie en rupture avec l’histoire multi-décennale d’un modèle économique « hors-sol », fondé sur la recherche dans la poche des finances publiques des moyens de financer des excès en tous genres, est évidemment souhaitable. Elle serait alors comparable à la CCM, compagnie à capitaux publics et bénéficiant des retombées de la continuité territoriale, tout en restant dans des clous économiques acceptables. Mais la façon dont cela se passe est complètement folle.
Les ports sont bloqués. Les transporteurs y ajoutent une couche de corporatisme alors que le « service minimum » réclamé pendant tant et tant d’années est enfin réalisé de facto par les bateaux de la Corsica Ferries. Les producteurs de clémentines sont ainsi coupés de leurs marchés au moment le plus fort de leur production et sont donc, avec des milliers d’usagers en détresse, les éternelles victimes d’une machine à bloquer devenue totalement insupportable.
La desserte de la Corse a besoin d’une variété de l’offre. Aucun monopole ne serait acceptable pour l’île, et la triste situation des transports maritimes en Sardaigne, tributaire du monopole de fait exercé par l’entente entre les compagnies privées qui la desservent, est là pour en attester.
Cette desserte doit être créatrice d’emplois en Corse. Le message vaut pour tous, compagnie publique et compagnie privée : l’activité qui les fait vivre est la desserte de la Corse, et non celle de Marseille, Toulon ou Savone. Sans prétendre à l’exclusivité des emplois, la Corse peut prétendre à être largement prioritaire. Dans un cas, Corsica Ferries, les emplois de superstructure et de direction sont en Corse, mais les marins sont étrangers à l’île. En effet, la Corsica Ferries offrant un statut social inférieur à ceux des deux compagnies de pavillon français, CMN et SNCM, les marins corses sont « aspirés » par ses concurrents. Malgré tout, ils restent une part notoirement minoritaire des effectifs des deux compagnies marseillaises qui, par ailleurs, réservent à leurs sièges l’essentiel des postes de direction et de superstructure.
Enfin, la maîtrise de ce dossier doit être insulaire.
C’est vital pour l’avenir de l’île, et l’Assemblée de Corse ne peut rester ad vitam aeternam un simple sas de transit pour les fonds publics de la desserte. Il est significatif, à l’heure des élections municipales, qu’un engagement financier de l’Etat actionnaire, 30 M€, soit annoncé par courrier du premier ministre Jean Marc Ayrault à Patrick Menucci, candidat socialiste pour les élections municipales de Marseille, alors que la demande de mettre fin au gel de la dotation de continuité territoriale, maintenu depuis plusieurs années, avec un effet qui atteint un ordre de grandeur comparable en 2014, n’a jamais fait l’objet de la moindre concession à Paris. Or tout « plan, de reprise » d’une compagnie qui vit pour l’essentiel de cette dotation dépendra bien évidemment de cette réponse.
Approche politicienne de l’Etat, au profit exclusif des enjeux politiques marseillais, par des décideurs au final tous étrangers à la Corse : il est plus que temps que ce modèle politique, qui est déjà responsable du fiasco de la privatisation de 2006, vole en éclats !
L’autre motif de se révolter est l’insupportable récidive exercée par le Conseil Constitutionnel contre les arrêtés Miot. Au delà de l’acharnement sénile et débile de quelques conseillers en mal d’une revanche anti-corse, cette décision intervient pour démontrer l’urgence des questions constitutionnelles portées par l’Assemblée de Corse dans le cadre du débat engagé avec le gouvernement. Ce dossier de la fiscalité des successions est lumineux pour éclairer Mme Lebranchu qui s’interrogeait encore, lors du Cuntrastu de décembre, pour savoir si la simple voie réglementaire ou législative n’était pas suffisante pour traiter du problème corse, sans besoin de recourir à une réforme constitutionnelle pour laquelle elle exprimait les plus vives réticences. Le Conseil Constitutionnel vient de trancher pour nous : sans réforme de la Constitution, il est bel et bien impossible d’obtenir satisfaction sur un dossier alors qu’il a reçu l’assentiment de l’unanimité des députés à l’Assemblée Nationale, l’appui du gouvernement et qu’il fait l’unanimité de l’Assemblée de Corse.
Michel Charasse et ses amis viennent en fait de nous donner définitivement raison : il faut aller au plus vite à une véritable autonomie constitutionnelle de la Corse ! Et les Corses savent ce qu’il convient de faire pour y parvenir : donner encore davantage de force aux mouvements nationalistes lors des futurs scrutins de mars et mai prochain.
François ALFONSI
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