Les luttes de libération nationale ont toujours eu à se développer sur plusieurs terrains afin de se garantir l’occupation maximale de la société qu’elles ont vocation à libérer. Parmi ces terrains, la lutte institutionnelle n’est pas la moindre.
En effet, passant par les sacro-saintes élections, elles donnent une certaine visibilité à des organisations souvent objets de toutes les répressions. Pour autant, un des principaux défauts de cette lutte institutionnelle est de devoir se conformer à chaque moment aux limites imposées par le système en place : impossible d’imposer son propre calendrier, de gérer les institutions en dehors du cadre prévu, restriction à l’expression démocratique en fonction des besoins répressifs de l’Etat (interdiction de listes par exemple). L’autre risque d’investir d’importants moyens sur la lutte institutionnelle est incontestablement le risque de dérive électoraliste. Combien de forces révolutionnaires se sont bureaucratisés au point de perdre toute éthique et de se transformer en parti tout à fait conventionnel ?
Les prochaines élections municipales présentent une particularité en Corse. Pour la première fois depuis l’avènement du mouvement national moderne, des listes nationalistes peuvent sérieusement prétendre prendre en main des exécutifs, de détenir une parcelle du pouvoir politique institutionnel. Or, cette situation nouvelle, loin de clarifier les positions de chacun, brouille les positionnements politiques, en particulier entre les deux grandes forces organisées du nationalisme que sont Corsica Libera et Femu a Corsica.
La stratégie développée par ces mouvements a de quoi surprendre. Là où la victoire est possible, l’union ne se fera pas, tandis que cette dernière existe déjà dans les villes où il s’agira éventuellement de jouer un rôle d’opposition limité à quelques sièges dans un conseil municipal. Comment l’expliquer ? Peut-être par le fait que les leaders de Femu a Corsica, s’imaginant maires de Bastia et Portivechju, ne préfèrent pas entacher leur liste du soutien des « radicaux » indépendantistes, cela les empêchant de draguer les candidats représentants de partis français plus ou moins ouvertement opposés aux clans en place.
Ainsi, pour gagner la mairie, tout est bon. Par exemple à Bastia, Gilles Simeoni pourrait tout à fois rechercher une alliance avec le PS ou avec l’UMP, voire avec les deux en même temps. Certes, tout militant de gauche ne verra que peu de différences entre les deux grands partis de gouvernement français. Mais, cette stratégie des listes Femu a Corsica va bien plus loin et se résume à une position : tout ce qui peut permettre de battre le clan est bon à prendre. Or, cela ne peut qu’être le discours d’un mouvement opportuniste, obsédé par la victoire électorale et prêt à tout pour l’obtenir.
Quant à Corsica Libera, la stratégie essentiellement institutionnelle menée depuis quelques années, notamment au niveau de la CTC trouve là une traduction particulière. Le discours porté sera essentiellement une déclinaison municipale des grandes réformes en vue au sein de l’Assemblée de Corse, sans originalité, alors même que le pouvoir municipal, bien que relativement limité, pourrait être un levier formidable démontrant à l’ensemble du peuple corse ce que peut être une politique indépendantiste, en rupture avec le système en place. Mais la contestation de ce système est-elle toujours aussi présente, alors même que la tête de liste à Aiacciu sera un ancien colistier de Pierre Ghionga à Corti ?
Il y a donc de quoi s’inquiéter car si jamais le mouvement national n’a paru aussi fort sur le plan électoral, il n’a, aussi, jamais paru aussi indécis sur le plan idéologique. Incapable de s’assumer ni à gauche, ni à droite, il ne cherche plus qu’à récupérer les votes des déçus du clanisme. Tous les patriotes corses militent pour le changement dans notre pays, nous en avons un besoin vital : notre peuple est en danger de mort. Mais il existe un impératif : le changement doit se faire sur des bases claires…
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by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]