{Edito} « Politique : la révolution de Corse aura-t-elle lieu ? »

La question des réformes institutionnelles se pose aujourd’hui, à des degrés divers, dans toutes les démocraties occidentales. La République d’Irlande prépare un projet de référendum en vue de supprimer son sénat, trop coûteux dit-on, mais aussi peu favorable à l’expression démocratique contemporaine…

C’est assurément l’impression qui prédomine dans l’opinion publique française quand elle constate l’hostilité des sénateurs à toute modification des règles désormais séculaires, qui président au fonctionnement des régimes républicains bicaméristes. C’est aussi l’impression des Corses, quand ils voient avec quelle pugnacité les conseillers généraux de Corse défendent leur statut. Dans un cas comme dans l’autre, les dits élus représentent la « ruralité », le pays réel en quelque sorte, contre le pays légal,du moins le prétendent-ils . On remarquera que, curieusement, le projet avorté de 2003 préconisait la dissolution des conseils généraux mais pas la disparition des conseillers eux-mêmes, qui se trouvaient récupérés dans une chambre supplémentaire.

L’existence du sénat français ne se pose pas en l’occurrence ; seul se pose la question du cumul des mandats, mais ceci est une autre histoire et la comparaison s’arrête là. En revanche,quand les conseillers généraux de Corse déclarent « qu’ils ne représentent pas des électeurs mais avant tout des territoires », on peut s’insurger du cynisme du propos, du moins a-il le mérite de poser le problème de la fameuse « pertinence » des territoires administrés, qui est au cœur du projet politique que réclame la situation notre pays.En réalité, il en est de la Corse comme de toutes les régions appartenant à des états industrialisés. L’exode rural a fait son œuvre et y a modifié durablement, aussi bien la géographie démographique que les équilibres sociologiques et l’ensemble du système économique. La Corse contemporaine est urbaine à 80%. Son développement se pense naturellement autour des villes, au point que la fameuse « revitalisation de l’intérieur » n’a de sens que quand les communes rurales se trouvent assez proches pour y constituer des zones périurbaines dans leur prolongement. Bref, pour employer l’expression de Braudel, Ajaccio et Bastia jouent leur rôle de « piles électriques » pour l’économie et le système social corses. Il s’agit bien d’une redistribution des cartes ; les découpages électoraux, style 6ème canton d’Aiacciu, n’y pourront rien !

La vie politique s’organise autour des grands centres, qui regroupent eux-mêmes les communes voisines en créant des espaces cohérents.Les rapports de force politiques y sont aussi intenses qu’ailleurs ; mais les problèmes de personnes s’y trouvent atténués par une collégialité forcée , par l’importance des enjeux économiques mais aussi par le brassage urbain qui rend plus ténus les liens de vassalité familiaux. Étrangement,les conseillers généraux en milieu urbain représentent une sorte de superstructure qui parasitent l’action municipale alors qu’il la dominent en milieu rural. La proposition la plus raisonnable serait donc de les supprimer en ville, et d’en faire les maires de communes regroupées dans des cantons, des pieve, dans des territoires enfin dont on trouverait justement la « pertinence ».Il est de l’intérêt des Corses que cette révolution culturelle succède à celle, plus violente et plus insidieuse, qui a détruit notre antique organisation agropastorale et causé dans la société corse un traumatisme dont elle doit assurément se remettre.

A l’heure où se profile pour notre pays l’esquisse de ce que seront notre économie,notre pratique culturelle et notre architecture politique et sociale, un consensus semble voir le jour autour de deux nécessités : la modernisation du système corse et la formulation d’un projet d’aménagement « dirigiste » qui assure un développement soucieux de préservation et respectueux de l’équité consubstantielle de la pratique sociale corse.

Rien de cela ne pourra se faire sans modifier les rapports qui régissent l’action politique  !

Ghjacumu Petru

(…)

by @Lazezu 

Revue de Presse et suite de l’article  : 

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