Longtemps considéré comme « intouchable », le mouvement clandestin a vu tomber un des siens. Un acte qui ne peut rester sans réaction. Sous peine d’aveu de faiblesse
Sept ans de quasi-silence. Si l’on excepte la mini-conférence de presse d’août 2009 en plein milieu des Ghjurnate internazionale di Corti, il pouvait sembler acquis que le FLNC ne s’exprimait plus. De manière directe en tous les cas. La dernière rencontre des journalistes avec les membres de l’organisation clandestine remontait au 12 mai 2004. Un rendez-vous en plein jour, dans une maisonnette du sud de l’île, au lendemain des élections territoriales.
Ce jour-là, le FLNC Union des combattants avait fait part de son pessimisme tout en renouvelant la trêve. Puis, plus rien. Pendant sept ans de réflexion où on a laissé la main aux organisations publiques? Sans doute. Mais dans ce renoncement aux rendez-vous nocturnes (et plus rarement diurnes) dans le maquis, il faut aussi voir un volet pratique. Avec des militants identifiés, pistés, écoutés, réunir quelques dizaines d’hommes en armes plus une poignée de journalistes est une vraie prise de risque. Le nombre de clandestins actuellement incarcérés est, à ce titre, tout à fait édifiant. Il fallait des raisons particulièrement importantes pour rompre avec les règles de prudence que le FLNC s’impose depuis des années.
Assumer uniquement ce que l’on fait
L’assassinat de Philippe Paoli et l’hommage que voulaient lui rendre ses compagnons de lutte font partie de ces raisons. Ce n’est pas la seule. Après tant d’années de non-présence médiatique, l’organisation clandestine ne semblait plus exister que par sa signature, apposée sur les lieux des attentats qui ont repris dans l’île au cours des derniers mois. En l’absence de textes de revendication, il s’agissait du seul moyen d’identifier le caractère politique des plasticages.
Une authentification bien facile à imiter. En faisant endosser au FLNC des actions dont les motivations ne sont pas toujours claires. Dimanche, l’organisation clandestine a donc remis les pendules à l’heure. En refusant d’endosser au moins une de ces actions « Nous démentons toute participation à l’attentat contre le complexe Melody dont Philippe n’est ni gérant ni propriétaire… », a rappelé le porte-parole du mouvement. Le message est clair : l’organisation assumera ce qu’elle fait. Ni plus, ni moins. Et les quelques mots sonnent comme un avertissement aux usurpateurs de sigle.
Avertissements
Et si le langage est resté mesuré, la démonstration de force était également évidente. Les auteurs de l’assassinat de Philippe Paoli ne sont pas cités nommément, le FLNC l’attribue à « un groupe mafieux » dont le mouvement considère qu’il n’a pas « mesuré la portée et les conséquences » de ses actes. Parallèlement, les images parlent d’elles-mêmes. On n’est ni dans la conférence de presse préparée à la va-vite, ni dans l’économie de moyens. L’unité des tenues : cagoules et vestes uniformément noires, masques de théâtre destinés à dissimuler au maximum les traits pour tous les participants. Armement exhibé pour montrer que la « force de frappe » est toujours là. Le message est clair.
Tout comme la sémantique. Lorsque l’organisation clandestine évoque une « situation délétère » et qu’il considère que la solution ne peut venir que du mouvement national. Touché dans sa chair par l’assassinat de l’un des siens, le FLNC remet clairement en cause la capacité de l’État à régler la situation générée par les règlements de comptes qui secouent le grand banditisme depuis plus de cinq ans. De là à dire qu’il entend s’y substituer, il y a un pas qui n’est pas franchi…
Isabelle Luccioni, corsematin.com
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