#corse « #Syrie : une intervention pour quoi faire ? » par @F_Alfonsi, eurodéputé

En Syrie, tous les choix, intervention ou non-intervention, sont possibles, et ils ont tous de bonnes raisons. Intervenir pour punir la barbarie, et l’endiguer autant que faire se peut par les frappes ciblées qu’autorise la puissance technologique occidentale ?

Ou bien s’abstenir de toute intervention pour éviter l’engrenage d’une guerre incontrôlable ? La valse-hésitation s’observe au sommet, en Grande Bretagne comme aux USA, au Parlement français comme au Parlement européen, et dans toutes les opinions publiques.

A toutes ces hésitations il y a probablement une toute première raison, complètement triviale : jusqu’à présent, les occidentaux ont bénéficié d’un avantage militaire tel que leurs pertes sont quasi-insignifiantes quand ils décident d’une telle intervention. Cela a été le cas en Serbie il y a quinze ans, ou plus récemment en Lybie et au Tchad. Or, à ce jour, nul ne semble savoir si cette  condition est effectivement remplie dans le cas de la Syrie, car la défense anti-aérienne syrienne, armée par la Russie, est sans doute plus à craindre que celle de la Lybie. Cela explique a priori le premier contre-temps d’une intervention annoncée comme immédiate, puis repoussée, sans doute, pour avoir le temps de faire parvenir sur site des missiles longue portée tirés depuis des sous-marins sans risque qu’un avion ne soit abattu.Mais ce « retard technique » de quelques jours est aujourd’hui dépassé. C’est donc qu’il y a d’autres motifs d’hésitations, qui ont amené certains au renoncement comme les parlementaires britanniques, malgré David Cameron, et contraint Barack Obama à resserrer autour de lui l’ensemble de la classe politique américaine avant de déclencher d’éventuelles hostilités. De quoi le régime syrien est-il capable en riposte à des frappes occidentales ? De déclencher une campagne terroriste de grande envergure? On sait déjà que c’est possible au Liban, mais cela peut potentiellement être le cas ailleurs, au cœur même des sociétés occidentales. Face à de telles ripostes, celui qui a décidé de l’attaque se retrouverait totalement isolé, d’autant que le conflit ne serait en rien réglé. François Hollande ressent déjà cet isolement alors que les hostilités n’ont pas encore commencé.

En Syrie, sur le terrain, la situation est devenue extrême : extrême violence entre des belligérants qu’aucun dialogue ne pourra plus réconcilier désormais ; extrême tension qui relance les conflits dans tout le voisinage, où un déclic peut suffire pour relancer une machine de guerre inextinguible, au Liban, au Kurdistan, et même en Israël, car une intervention américaine, quoi qu’il en soit, entraînera nécessairement Israël dans le conflit ; et extrême tension internationale entre l’influence américaine qui multiplie avec ses alliés les interventions en Afrique du Nord (Libye, Mali, et maintenant Egypte à travers le nouveau pouvoir militaire) et au Proche Orient (Irak, Israël et maintenant Syrie), et l’influence de la Russie qui avait fait de Bachar El Assad le pivot de sa stratégie dans cette partie du monde.

L’usage des gaz asphyxiants dans cette guerre civile en modifie la nature. La responsabilité du régime est évidente, et la terreur qu’il veut ainsi répandre sera décuplée si la communauté internationale renonce à toute intervention. Dans cette région un précédent ignoble avait touché le peuple kurde gazé à Halabja par le régime irakien de Saddam Hussein. La passivité internationale a alors permis au dictateur de vivre trente années de règne sans partage, et au peuple kurde de subir mille souffrances. Qu’apportera une non-intervention en Syrie si ce n’est le même résultat ? Mais, a contrario, qu’apporterait une intervention sans une perspective à plus long terme ?

En fait le vrai débat est dans l’objectif que l’on poursuit. Intervenir pour intervenir est absurde en soi. Quand l’Otan intervient en Serbie, 78 jours de bombardements qui ont assommé l’Etat dirigé par Slobodan Milosevic, c’était pour l’obliger à accepter la création du Kosovo et séparer ainsi les belligérants serbes et albanais. A partir de là, la négociation a pu faire son chemin. Quand des belligérants sont irréconciliables, et c’est manifestement le cas en Syrie entre la majorité sunnite en rébellion contre la minorité alaouite d’obédience chiite qui gouverne à Damas, comment espérer les faire cesser les hostilités simplement en lançant des bombes ? Ou alors il faut anéantir une des parties, ce qui se heurtera au véto international de plusieurs puissances, dont l’incontournable Russie pour qui, à l’évidence, Bachar El Assad n’est pas Mouammar Khadafi.

En fait, seule une partition de la Syrie serait de nature à stabiliser la situation. Chacun pourrait alors entrevoir un avenir pour lui-même et pour les siens, et, frappes à l’appui si nécessaire, la communauté internationale pourrait alors se porter garante d’un cessez le feu, ce qui est par définition le premier pas pour sortir d’une guerre, quelle qu’elle soit. Mais le schéma d’une partition de la Syrie en trois entités (kurdes, sunnites et alaouites) n’est jamais évoqué par les diplomaties internationales pour qui les Etats sont par nature « un et indivisibles ». Cette « religion des Etats éternels » est régulièrement battue en brèche partout dans le monde, mais chacun s’y accroche de façon totalement déraisonnable, chaque diplomate défendant sa propre réalité étatique à travers celle qui est en conflit. Rappelons-nous que l’Espagne n’a toujours pas reconnu le Kosovo par crainte des revendications basque et catalane!

Pourtant, c’est par là qu’une sortie du conflit peut être envisagée, comme cela a été le cas dans les Balkans, en Irak pour le Kurdistan ou au Timor Oriental à l’autre bout de la planète. Tant qu’une partie belligérante aura la peur du « tout ou rien », ou bien au pouvoir à Damas, ou bien relégué dans les bas-fonds de l’Histoire, aucun compromis ne sera possible. Que chacun puisse espérer maîtriser son propre avenir et tout deviendra possible.

Intervention, ou non-intervention, tout ce débat n’a aucun sens tant qu’il ne s’inscrit pas dans une perspective à plus long terme. Les atrocités de la guerre ne s’arrêteront pas par enchantement sous l’influence de bombes américaines et accessoirement françaises. Par contre, si un chemin est tracé, la communauté internationale sera en mesure de faire bouger les lignes. Mais pour cela il faut faire  sauter les tabous diplomatiques.

François ALFONSI 

(…)

by @Lazezu 

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