« La Croatie, la crise et l’avenir de l’Europe » #corse info

En ce début du mois de juillet 2013, la Croatie est devenue le 28ème Etat membre de l’Union Européenne, signe que l’Europe avance. Dans le même temps, la crise économique ne faiblit pas, signe que l’Europe stagne.

L’adhésion de la Croatie, c’est l’Europe du temps long, celui qui se mesure en décennies, et qui commence il y a un quart de siècle, avec la chute du mur de Berlin. De la guerre froide qui paralysait le continent européen dans une « stabilité » totalement artificielle, on est passé sans transition à une période d’interrogations et d’incertitudes pour le destin de 150 millions d’Européens laissés pour compte de l’effondrement du communisme, avec des logements, des équipements, des usines et des modes de vie d’un autre âge, à l’image de la « Trabant », voiture des années 50 qui équipait tous les ménages d’Allemagne de l’Est. Sans compter le poids des polices politiques qui avaient étouffé toute culture démocratique.L’Allemagne de l’Est a aussitôt accroché la locomotive de l’autre Allemagne. Une génération après, les résultats sont là, et le rattrappage économique est incontestablement réussi. Le reste de l’ancienne « Europe de l’Est » a adhéré à l’Union Européenne par choix autant que par nécessité, et bénéficié du « moteur » des fonds structurels européens. Les résultats économiques sont inégaux, mais un fait politique s’impose : tous ces pays ont intégré un espace politique de démocratie et de stabilité. Ceux qui sont restés aux marges de ce grand mouvement historique ont versé dans la crise politique (Ukraine), ou, pire, dans la dictature (Biélorussie). L’Union Européenne a été facteur de paix et de développement.C’est dans les Balkans, avec la décomposition de l’ancienne Yougoslavie, que la situation a été la plus difficile, avec l’ouverture d’une guerre à fronts multiples, dont la raison fondamentale était le colonialisme pan-serbe que le gouvernement de l’ancienne capitale yougoslave, Belgrade, désormais capitale de la Serbie, faisait peser, à travers l’Etat, sur les autres peuples fédérés, Slovènes, Croates, Bosniaques, Kosovars, Monténégrains. Ce fut une guerre sanglante au coeur de l’Europe, notamment en Bosnie et au Kosovo où les peuples s’entremêlent avec des haines attisées à l’extrême. Des milliers de morts, des charniers, l’horreur : ce fut la dernière guerre d’Europe que la communauté internationale, notamment l’Union Européenne, n’ont pas pu, ou su, éviter. Depuis 1995 et les accords de Dayton, la tension extrême au départ est progressivement tombée. Le Tribunal Pénal International a fini par avoir raison des résistances de l’establishment belliciste serbe en obtenant que soient livrés, et jugés, les fauteurs de massacres Karadjic, Mladic et consorts. Et « l’envie d’Europe » a progressivement détourné les peuples de leurs rancoeurs historiques pour les projeter vers un avenir porteur d’espoir. L’image la plus forte de la cérémonie croate lors de l’adhésion officielle du 1er juillet a été l’invitation et la promesse faite à tous, y compris les Serbes, d’intégrer à leur tour l’Union Européenne. La page de la guerre est définitivement tournée, celle de la coopération s’écrit désormais entre ceux qui, il y a moins de vingt ans à peine, se faisaient encore la guerre : quelle meilleure validation de la démarche qui est à l’oeuvre depuis le traité de Rome ?

Pourtant, la crise économique persistante, et ses conséquences politiques, menacent la progression de ce grand projet historique. Car la crise ne faiblit pas. Le schéma optimiste d’une « Europe solide » suffisamment forte pour résister à la montée des risques dans l’autre Europe reste incertain. La plongée de certains Etats est plus qu’inquiétante, comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, Chypre, où les taux de chômage dépassent ce qui est socialement supportable. L’Italie n’en est pas loin et vacille sous le poids d’une dette abyssale, tandis que la France inquiète car les promesses de redressement des comptes publics ne sont pas au rendez-vous de ce premier semestre 2013.

Où va cette Europe à deux vitesses? On a été habitué dans la période passée à une Europe très différente en termes de richesse économique, du temps de l’entrée de l’Espagne et du Portugal par exemple, ou bien depuis l’entrée des anciens pays de l’est. Mais la convergence progressive était acquise, et la situation évoluait positivement quoi qu’il arrive. Désormais, ce n’est plus le cas, et les divergences se creusent au lieu de se combler. Les quelques ilots de prospérité, comme l’était par exemple le Pays Basque dans l’ensemble espagnol, semblent submergés à leur tour par la montée du chômage, comme nous avons pu le constater quand le groupe a tenu sa dernière réunion à Bilbò.

Il y a urgence à développer une stratégie européenne pour conjurer cette crise. Pour l’instant l’Europe a pensé qu’il suffisait de faire les « pompiers » pour éteindre les incendies que la crise a allumés de l’Irlande à Chypre. Mais cela ne suffira pas. C’est une réponse collective qu’il faut promouvoir à travers un plan de relance européen qui fasse une place importante à l’espace méditerranéen aujourd’hui le plus en souffance, comme cela a été le cas avec les pays de l’ancien bloc de Varsovie depuis dix ans. Or les populismes européens du nord sont dressés contre cette nécessité politique, ils polluent les processus électoraux, tandis qu’une orientation atlantique s’affirme avec force de la part de la Commission Barroso dans la recherche d’un développement des échanges avec l’Amérique du Nord. Ce qui ne peut qu’accentuer encore le clivage entre l’Europe du Nord et celle du Sud.

L’élection de mai 2014 viendra arbitrer ce grand débat de fond. Il est grand temps d’envisager l’après-Barroso pour retrouver une démarche européenne cohérente et conforme à son oeuvre d’un demi-siècle.

François ALFONSI

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by @Lazezu 

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