On a assisté à une étrange conférence de presse le 5 avril dernier qui regroupait la « crème » de la représentation de l’Etat en Corse : le Préfet Patrick Strzoda, flanqué de son tout nouveau Secrétaire Général aux Affaires Corses, François Lalanne, et du directeur du pôle fiscal Luc Estruch. But de l’opération de communication : démontrer que l’Etat supporte l’économie corse à bout de bras. Sauf qu’à trop vouloir démontrer, on finit par démontrer avant tout un parti pris caricatural. La « troïka » du Palais Lantivy se met-elle en place pour imposer un discours d’austérité budgétaire en Corse ?
Pour autant, ces chiffres doivent être discutés, mais sur la base de 1.200 millions d’euros, et non le triple. Le Préfet montre qu’il y a lui-même songé quand il précise que les dépenses militaires ne sont pas prises en compte. Il aurait pu pousser sa réflexion plus loin, et nous informer du coût pour l’Etat quand il dispose de bases militaires hors de son territoire. Mais ne mégotons pas, et venons-en à l’essentiel.
Dans son décompte, la « troïka » évoque les salaires versés, 570 M€, et les pensions et retraites, 430 M€. On peut discuter les salaires à la marge –par exemple les trois salaires de la troïka elle-même sont-ils à prendre en compte ?-, mais sur les pensions et retraites, c’est assez fort de café ! Chacun sait en effet qu’un fonctionnaire retraité a droit à sa pension où qu’il décide de vivre durant sa retraite. Il y en a comme ça des milliers qui touchent leur retraite à l’étranger, par exemple au Maroc qui accueille de plus en plus de retraités français. Idem pour les immigrés qui rentrent passer leur retraite au pays. La retraite que chacun touche n’est en fait que le remboursement de cotisations acquittées durant toute une vie professionnelle, que l’Etat répartit après les avoir collectées. Le retraité qui s’installe en Corse pour sa retraite y ramène ses droits avec lui. Ils lui appartiennent, et il les percevrait même s’il décidait de passer sa retraite à l’étranger. Nul ne peut présenter ça comme un « cadeau de l’Etat » !
Autre chiffre qui mérite débat, celui de la continuité territoriale. Certes elle figure au budget de l’Assemblée de Corse, mais ses effets ne concernent pas que la Corse. Les récentes déclarations du Ministre des transports à propos de l’avenir de la SNCM et du port de Marseille montrent que cet argent irrigue tout autant le sud de la France que la Corse. A quelle proportion ? Grâce à la création de la CCM, l’économie corse profite mieux du trafic que cette enveloppe soutient. Mais on est loin du compte, et 70 millions au moins sur les 187 versés retournent sur le continent.
On pourrait discuter de bien d’autres points : de l’épargne corse que le système bancaire réinjecte bien souvent hors de Corse, des grandes sociétés, par exemple la grande distribution, dont l’imposition s’effectue en grande partie au siège social, etc…
Mais restons-en aux chiffres énoncés : 1.200 millions d’euros de déficit brut, diminués de 500 millions d’euros entre les retraites et le retour au profit de Marseille des retombées de la continuité territoriale, soit 700 millions d’euros nets. Soit 8,75% des 8 milliards de PIB annuel de la Corse en 2010, année pour laquelle le déficit budgétaire de la France avait été de 7,1% du PIB. On est loin de ce que suggérait le propos de la troïka du Palais Lantivy : « l’État apporte 44 % de la richesse créée et consommée dans l’île, le reste du PIB étant généré par le travail des entreprises ».
*On vient d’en mesurer les conséquences via 110 pertes d’emplois dans les établissements corses de haut standing pour qui l’alignement de la TVA restauration entre Corse et continent a généré une baisse de compétitivité mécanique.
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