Le « Corsica bashing » envahit les médias français. Coup sur coup, deux articles à sensation ont été publiés par le Point et Libération, et tout annonce que cette nouvelle mode parisienne n’en restera pas là.
On se souvient de la période Bonnet, et on observe au quotidien, par exemple dans le monde sportif, que la Corse et les Corses insupportent le microcosme parisien. Mais à quelle fin recrée-t-on aujourd’hui un tel écran de fumée, sur fond d’explosion du phénomène du grand banditisme qui sévit sur l’île ?
L’article de Libération est signé d’un certain Luc Le Vaillant sous le titre « que la Corse largue les amarres », et celui du Point est co-signé par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos, sous le titre : « la défaite de Paoli à Ponte Novu livre la Corse à la France, le début des emmerdes ».
Le Point attaque sans fioritures : « on connaissait le Corse poseur de bombes, le Corse incendiaire, le Corse gabelou, le Corse fatigué, le Corse chanteur a cappella, le Corse truand, le Corse « si tu touches à ma sœur t’es mort ». Mais peu le Corse « sauve qui peut ». Ce dernier s’est illustré selon les auteurs lors de la bataille de Ponte Novu le 8 mai 1769, « le fier Corse [qui] prend ses jambes à son cou devant la mitraille ennemie ».
Les auteurs savent que 30.000 soldats mercenaires du roi de France, dotés de la plus forte puissance de feu du monde contemporain, avaient été lancés à la conquête d’une île peuplée alors de 150.000 habitants, pour moitié de sexe féminin, et, pour les hommes, autant de vieillards et d’enfants que d’adultes enrôlables dans les milices de Pasquale Paoli, avec même pas une arme pour chacun d’entre eux. Et que, trois fois moins nombreux et dix fois moins armés, ils ont perdu une guerre injuste et inégale. Mais la métaphore historique ne vise qu’à un objectif : l’expression d’une hostilité anti-Corse, en espérant qu’elle sera partagée au sommet de l’Etat.
Dans l’article de Libération, Manuel Valls est ainsi appelé à la rescousse, lui qui « déplore cette violence enracinée dans la culture corse depuis des décennies ». Pour les continentaux qui « ne veu[len]t plus de [leur] Ile de Beauté (…), écœuré[s] de la sanglante ardeur que met à son autodestruction cette splendeur indécrottable et inamendable », l’auteur met en scène son délire imaginaire pour nous envoyer nous « échouer dans la mer des Sargasses, y prendre racine et y installer casino royal et paradis fiscal ». Le défouloir marche à plein régime !
Il n’y a rien de bien nouveau dans ces débordements journalistiques qui correspondent aux périodes politiques durant lesquelles l’Etat français peine à masquer ses propres carences. Durant la période Bonnet, le « pompon » parmi les dizaines de papiers vengeurs inspirés par les malheurs du Préfet avait été un article du philosophe Raphaël Enthoven, l’ex de Carla Bruni, qui avait assimilé le préfet fautif à John Wayne, héros du célébrissime western « l’Homme qui tua Liberty Valance », qui, lors du duel au pistolet entre le terrible bandit et le gentil shérif Gary Cooper, avait abattu le bandit dans le dos, sauvant le shérif d’une mort certaine, et avait laissé la foule transformer cette lâche victoire en triomphe du représentant de l’ordre. Ainsi aurait-on voulu que se terminent les aventures du « préfet républicain », et cette vision de l’Etat de droit appliquée à la Corse par la crème de l’intelligentsia parisienne exprimait en fait un sentiment largement répandu, qui a toujours cours aujourd’hui. Après l’appel à l’Etat justicier, y compris en ayant recours aux coups tordus, voilà venu le temps d’en appeler à l’Etat vengeur faisant rendre gorge à ce « particularisme corse » honni par la France une et indivisible.
Le Corsica bashing, c’est en fait un prélude, une mise en condition, un avertissement à tous ceux qui « n’aiment pas la France », et qui sont en fait coupables d’aimer la Corse. Car, pour tous ces intégristes, aimer la France, c’est aimer les moustaches de M. Thiriez et les dollars de l’émir du Quatar. Aimer la France, c’et réélire les Zuccarelli de père en fils et reconduire le tandem Mela/ Rocca Serra à Portivechju. Aimer la France c’est aussi se coucher devant les diktats du Conseil Constitutionnel, renoncer aux arrêtés Miot et à la langue corse. En fait, aimer la France, c’est ne pas aimer la Corse. D’où ce besoin de la dégrader et de la salir dans ce qu’elle a de plus cher, sa culture et son histoire.
On provoque l’opinion corse, mais on s’adresse en fait à l’opinion française, pour lui inculquer le virus anti-corse qui la rendra aveugle aux errements de ses gouvernants dans l’île. A l’heure où l’Assemblée de Corse va délibérer sur la co-officialité de la langue corse, puis sur les autres volets de la réforme constitutionnelle souhaitée par le peuple corse, on cherche ainsi à rendre toute évolution impossible.
L’épouvantail du banditisme, dont l’Etat porte la responsabilité par ses carences manifestes dans l’exercice de ses compétences régaliennes, est devenu une arme politique au service du système jacobin.
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Corsicainfurmazione.org by @Lazezu
Revue de Presse et/ou suite de l’article :
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