1 Genèse de la continuité territoriale
La loi d’orientation agricole de 1960 stipule que les régions éloignées de leur point de mise en marché ont droit à une aide financière permettant d’alléger leurs coûts de transport. Elles sont alors classées en Zone Spéciale d’Action Rurale.
Or ce classement en zone spéciale d’action rurale a été demandé par les Syndicalistes agricoles (de l’Époque) qui ont vu leur requête rejetée. Alors même que la Bretagne qui se trouvait dans une situation économique et géographique plus favorable que la Corse a été classée en zone spéciale d’action rurale bénéficiant ainsi de tarifs de transport 30 inférieurs à ceux qui sont pratiqués par la SNCF.
On peut lire dans le rapport de l’ingénieur général Ulhen en 1974:
» Située actuellement dans une économie de marché largement ouverte sur les échanges, l’agriculture insulaire est tributaire des transports, tant au niveau de ses approvisionnements : engrais produits phytosanitaires, matériel, etc … Que de l’écoulement de ses productions: vins, agrumes …
Aux sujétions et aux risques de tout ordre qu’une telle situation présente quant aux délais d’acheminement et aux dangers de détérioration des produits, s’ajoute une pénalisation importante au niveau des coûts de production et de commercialisation.
Si l’on tient compte de l’ensemble des frais d’expédition et d’approche qui frappent les mouvements des diverses denrées et matériels nécessaires à son activité, on peut estimer à 20 millions de francs (soit en francs constant 200 millions 1998) la pénalisation globale que subit annuellement l’agriculture Corse du fait de l’insularité. Il ne m’appartient pas ici de proposer des solutions dont la recherche est actuellement à l’étude par ailleurs. Qu’il me soit néanmoins permis d’espérer que celles-ci aboutiront rapidement. «
Aussi pour utiliser l’enveloppe de façon efficace les Syndicalistes ont proposé le principe de l’aide sélective. Il s’agissait d’utiliser essentiellement l’aide financière pour subventionner l’importation de marchandises nécessaire à la corse que l’on ne pouvait pas produire dans l’île, mais également aider la mise en marché de la production locale qui ne trouvait pas de déboucher localement.
Malheureusement Messieurs François Giaccobbi et Jean Zuccarelli montèrent au créneau en arguant que le principe de l’aide sélective favoriserait une partie de la population seulement. Cela constitue à notre sens une aberration puisque, jusqu’à preuve du contraire, le développement économique (principal objectif de l’aide sélective) a pour but l’amélioration de l’économie locale et la création d’emplois.
En tout état de cause, l’idée de l’aide sélective fut abandonnée au profit d’un autre principe (dicté par Messieurs Giaccobbi et Zuccarelli) qui consistait à facturer le prix du kilomètre de mer au même tarif que le kilomètre de voie ferrée entre la Corse et le continent.
2 Cette idée aurait peut-être eu des conséquences bénéfiques si l’aide avait été apportée également aux liaisons avec l’Italie et la Sardaigne.
Mais les Pouvoirs Publics fidèles à leurs préjugés conservateurs (et peut-être par peur de voir la Corse s’émanciper économiquement si elle s’inscrivait dans ce grand courant d’échange commercial) ont préféré enfermer la Corse dans des relations strictement « hexagonales ».
D’autre part, il est important de noter que:
La production viticole ne pouvait pas bénéficier des subventions de la continuité territoriale car la compagnie maritime propriétaire des pinardiers, ne faisant pas partie de la « Conférence Maritime », ne bénéficiait pas de l’aide aux transports. Pour donner jusqu’au bout l’illusion que la continuité territoriale allait permettre de gommer le » handicap » de l’insularité, on créa en 1976 une filiale de la Compagnie générale Transatlantique (qui assurait les liaisons entre la Corse et le contient) que l’on baptisa: la SNCM. Cette appellation était voisine de SNCF donnant ainsi le sentiment que prendre le bateau pour effectuer les trajets entre la Corse et le continent équivalait à prendre le train.
Au bout de 5 années on pouvait constater un triplement de l’enveloppe de la continuité territoriale ainsi qu’un doublement de certains prix de transport. Un bel exemple de gaspillage de l’argent public en Corse.
Cependant, en Février 1984, le rapport ministériel de Monsieur Noël De Saint-Pulgent reconnaissait (un peu tardivement) le bien fondée du principe de l’aide sélective donnant ainsi raison aux revendications syndicales initiales: » La continuité territoriale, si elle était sélective, permettrait notamment de protéger le marché Corse ou à l’inverse de favoriser l’entrée de certains produits plus efficacement que la fiscalité qui devrait donc être utilisée pour la réalisation d’autres objectifs. «
Il faut souligner que quelques années après, lors de la venue en Corse de Monsieur Prada et sa table ronde, le très regretté Yves Le BOMIN lui proposa de prendre pour base de discussion le Rapport Saint-Pulgent, il lui fut répondu sèchement : NON. (C’était le retour des jacobins).
Monsieur Glavany fervent adepte de la continuité territoriale.
Il est regrettable de constater dans un rapport qui par essence se veut objectif la subjectivité avec laquelle Monsieur Glavany présente le dossier de la continuité territoriale.
Son exposé est une apologie de ce principe et de ses conséquences bénéfiques pour l’économie Corse et l’auteur n’oublie pas de mentionner que l’Etat consent un effort financier toujours croissant afin d’assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Cependant il n’est pas dit un mot sur ses effets pervers.
La règle des 5 tonnes en est un exemple.
Cette règle, qui fut une des applications du principe de la continuité territoriale, a pour partie « W le sort de la filière ovine et caprine. Elle avait pour principe de pratiquer des coûts de transport dégressif uniquement à partir de 5 tonnes de marchandises transportées. En dessous de ce quota, les tarifs étaient les mêmes quelle que soit la quantité transportée.
Puisque seuls les industriels de Roquefort pouvaient assurer des exportations supérieures à 5 tonnes les producteurs locaux ont été condamnés à vendre leur lait à cette société faute de pouvoir laisser leurs fromages s’entasser sur les quais jusqu’à ce que le poids fatidique des 5 tonnes soit atteint.
Il est frappant (mais pas étonnant) de lire Monsieur Glavany à ce sujet: » … La filière ovine et caprine s’est redressée à partir des années 70 grâce à la présence d’un noyau fort d’éleveurs professionnels, à l’impulsion donnée à la production fromagère par la fabrication de roquefort et aux fabrications typiques de l’île. «
Les fabrications typiques de l’île pour reprendre les termes de cette citation seraient bien plus importantes si la règle des 5 tonnes ne les avait pas bridées. Autre exemple d’actualité, la Corse importe
18 000 Tonnes de viande par an l’aide au transport représente 60 centimes du Kilo ce qui représente la construction de deux abattoirs par an.
Alors que la Haute-Corse ne possède même pas un seul abattoir.
(Le chiffre de 60 centimes le Kilo à été donné par les Grandes Surfaces, mais nos calculs le situerait plutôt à plus du double). Un seul handicap; le monopole de destination. Il est d’usage courant de parler du « handicap de l’insularité » comme d’utiliser le mot » continent » pour désigner la France.
Ce vocabulaire est porteur de fausses idées qui conduisent à masquer l’évidence même.
Qu’il nous soit permis, tout d’abord, de faire remarquer que pendant des mois la Bosnie à refusée tout accord de Paix avec la Croatie et ceci tant qu’un couloir d’accès à la mer ne lui serait pas donné.
Les Bosniaques auraient-ils fait la Guerre pour un handicap ? J’aimerais bien, également que l’on me commente le « Handicap de l’insularité japonais ». En Europe, le miracle économique Irlandais ne semble pas souffrir de ce prétendu handicap, outre le fait que l’Irlande est à la pointe de la micro-informatique, il est plus troublant encore d’apprendre qu’ils sont leaders Européens de la construction de Mobil Home qu’ils exportent a des prix défiant toute concurrence dans le sud de la France… Bien sûr, que l’insularité a des contraintes, notamment de conditionnement des marchandises, ainsi que de ports et de mise à bord, mais une fois ces opérations effectuées Le kilomètre de mer est le moins cher qui soit.
Après vingt ans de continuité territoriale (et un siècle d’ordonnance douanière) nos
Notables Continuent de désigner le mal :
il s’agit du MONOPOLE des transports. Entendez:
le monopole de la SNCM.
Faut-il, jeter des dizaines de marins corses à la mer ? Ou créer une compagnie maritime corse? Sur le fond, le problème n’est pas là. Par contre il est criminel pour la Corse de continuer d’ignorer les 1 800 000 clients potentiels en Sardaigne, l’autoroute Munich-Rome, à l’Est des Alpes, à moins de deux heures de N.G.V. de Bastia; ou encore la Catalogne à une nuit de ferry d’Ajaccio…etc
Serait il interdit de vendre des clémentines et du vin en Sardaigne, à Vienne où à Barcelone sans passer obligatoirement par Marseille?
En fait la Corse ne souffre que d’un seul handicap: LE MONOPOLE DE DESTINATION !
Roger Simoni, 1998, Journal A Nazione
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