(Unità Naziunale – Publié le 11 avril 2018 à 9h03) Le 25 mars dernier, Carles Puigdemont, le Président de la Catalogne, a été arrêté en Allemagne mais jeudi 5 avril, la justice allemande a décidé de le libérer et de ne pas le livrer à l’Espagne, en vertu du Mandat d’Arrêt Européen, adopté à Luxembourg le 13 juin 2002, sous la présidence de… Mariano Rajoy ! Joli pied de nez !
Le Mandat d’Arrêt Européen
Le Mandat d’Arrêt Européen (MAE) a été créé par l’Union Européenne et détaillé dans une ‘‘décision-cadre’’ adoptée le 13 juin 2002, au Luxembourg. L’ironie de l’Histoire est que l’Espagne présidait l’Europe à ce moment-là (janvier-juin 2002) et que le Ministre de l’Intérieur espagnol qui présidait la séance du Conseil du 13 juin, et qui a donc signé le document officiel pour publication, n’est autre que Mariano Rajoy ! Puigdemont devrait le remercier !
Mais revenons-en au MAE. Il avait d’abord pour but de mettre fin aux lourdes procédures d’extradition qui ont toujours existé entre États souverains. En effet, avec la procédure d’extradition, qui existe toujours entre un État européen et un État hors de l’UE, le pays qui poursuit une personne se trouvant dans un autre pays ne peut envoyer sa police et sa justice agir sur le territoire du second et doit donc demander au second d’extrader la personne poursuivie.
Sauf que l’extradition est une procédure politique ! C’est-à-dire que le gouvernement qui a arrêté cette personne doit décider s’il souhaite l’extrader ou pas pour la livrer aux autorités du premier pays. Bref, vu le silence assourdissant des 27 États membres sur la crise catalane, et notamment celui d’Angela Merkel, il est fort à parier que si l’extradition existait encore, au sein de l’UE, l’Allemagne aurait livré Carles Puigdemont.
Une procédure judiciaire !
Avec le MAE, la politique est exclue de la procédure, c’est une procédure judiciaire ! C’est donc un juge, ici espagnol, qui demande à un autre juge, ici allemand, de ‘‘transférer’’ -et non d’extrader- une personne, ici Carles Puigdemont. Et le juge doit agir selon le droit (enfin normalement, parce qu’en Espagne, ce n’est plus le cas depuis longtemps) et il doit argumenter sa décision.
Selon la directive-cadre, le juge a 60 jours pour statuer sauf si le poursuivi consent à sa remise, dans ce cas le délai est réduit à 10 jours. De plus, le juge, ici allemand, doit aussi vérifier plusieurs éléments. Est-ce que les faits ne sont pas prescrits ? Est-ce que le poursuivi est mineur ? Est-ce que le délit/crime reproché existe dans son pays ?
Et justement, Puigdemont est poursuivi par la justice espagnole pour ‘‘rébellion’’ et ‘‘détournement de fonds’’ (liés au financement du référendum d’indépendance du 1er octobre 2017). Or, le juge allemand a considéré que ‘‘la rébellion’’ n’existait pas en droit allemand ou, en tout cas, on était loin de la définition de l’équivalent en droit allemand.
Bref, cette décision logique du juge allemand, qui respecte scrupuleusement le droit européen, succède à la -presque- décision du juge belge qui le 14 décembre dernier s’apprêtait à prendre une décision qui allait sûrement aller dans le même sens, forçant la justice espagnole à retirer in extremis son MAE, par peur d’être humiliée.
L’Espagne avait depuis émis un nouveau MAE contre Puigdemont, dans l’espoir de l’arrêter dans un pays moins tendre. Des agents secrets espagnols suivaient Puigdemont depuis plusieurs jours et ont appelé la police allemande quand ce dernier a franchi la frontière germano-danoise. Mais la justice allemande a publiquement humilié l’Espagne et sa justice autoritaire.
L’Espagne n’est plus démocratique
Puisque le MAE est une procédure judicaire et non politique, on ne devrait pas entendre les élus et les politiques espagnols dans cette affaire et pourtant, en Espagne, le Partido Popular (PP, le parti de Mariano Rajoy le Premier Ministre) et Cuidadanos (C’s, libéral-ultrajacobin, né de l’antinationalisme catalan et proche d’Emmanuel Macron et de Manuel Valls) mais aussi les journalistes madrilènes crient au scandale, ce qui donne une petite idée de l’effondrement de la démocratie en Espagne.
Enfin, les chefs d’État et de gouvernement, tels les membres d’un club select’, ont jusqu’à présent refusé de critiquer l’Espagne. Mais désormais, ils ne peuvent plus s’affranchir de ce problème. Tout comme la Pologne ou la Hongrie, l’Espagne s’enfonce encore et encore dans l’autoritarisme. Il est temps d’ouvrir les yeux et de libérer tous les prisonniers politiques catalans.