Alors que dimanche on célébrera le 21e anniversaire de la tragédie, les deux clubs et leurs supporters vont défendre la sacralisation du5Mai. Entretien avec Didier Grassi, le porte-parole du collectif
Que s’est-il passé pour que le principe de sacralisation de la date du 5 Mai ne soit pas acté par les instances nationales du football ?
Nous avons nourri de sérieux espoirs lorsque Noël Le Graët, le président de la Fédération, avait constitué un comité chargé de mettre en œuvre les commémorations post 20e anniversaire et d’évoquer le sujet prioritaire de la sacralisation. Il y a eu trois réunions mais assez rapidement, nous avons compris que les dés étaient pipés.
Pourquoi ?
La présidence du comité a été confiée à Jacques Vendroux, une victime du 5 Mai, qui avait déclaré ne vouloir plus jamais entendre parler de Furiani de sa vie et ne voyait pas d’intérêt à supprimer les matchs ce jour-là. D’autre part, le président de l’Union des journalistes de sport en France, dont les animateurs régionaux de Corse et de Provence nous sont d’une aide très précieuse, a dû à l’évidence avoir des pressions pour ne pas prendre position. À la dernière réunion du 21 novembre 2012, où nous avons adopté à l’unanimité des propositions concrètes mais elles n’ont pas été retenues, ce qui est très étrange.
Que s’est t-il passé exactement ?
Le 17 janvier dernier, nous devions soumettre pour approbation ces propositions au comité exécutif de la Fédération. Il s’agissait, d’une part, d’organiser chaque premier week-end de mai une campagne nationale de sensibilisation auprès des jeunes, d’autre part, d’accorder une bourse universitaire à des recherches sur le football, l’argent, les supporters, etc. Alors qu’elles avaient été validées à l’unanimité, aucune des deux n’a été retenue. C’était incompréhensible, mais révélateur, au final, de la volonté de ne rien faire ou pas grand-chose, en tout cas.
Qu’est-ce qui reste en définitive ?
Des décisions qui existaient déjà, à savoir pas de finale de coupe un 5 mai et autorisation pour les clubs corses de ne pas jouer à cette date à domicile, car pour ce qui est de l’extérieur, l’ambiguïté persiste. Ah oui, il a aussi été décidé d’observer une minute de silence sur tous les stades le 5 mai 2018 ? Pourquoi 2018 et pas les années précédentes ? Ne me demandez pas, je n’ai aucune d’explication…
Vous avez eu le soutien de tous les présidents de club ?
La plupart des présidents ont manifesté leur soutien, ceux de l’OM, de Lyon, de Montpellier, Valenciennes, etc. Les échanges ont été également sincères et cordiaux avec ceux qui ont présenté des arguments pour expliquer leur refus tout en précisant qu’ils s’en remettraient de toute façon aux décisions de la Ligue de football professionnel.
Ce qu’ils ont dû confirmer à notre demande après que le directeur général de la LFP, Jean-Pierre Hugues, ait dit au collectif qu’ils tenaient en réalité un double langage.
Quelle a été la personnalité qui a été la plus décevante pour vous ?
Incontestablement Noël Le Graët. Il a été à la baguette d’une immense mise en scène médiatique qui n’a débouché sur rien. Je n’évoquerai même pas Frédéric Thiriez qui ne s’est jamais manifesté et n’a même pas daigné venir pour le 20e anniversaire…
Et celle qui, au contraire, vous a surpris par son soutien ?
Didier Deschamps que nous avons rencontré. Il a continué à soutenir notre démarche ouvertement alors même que son statut a changé puisqu’en sa qualité de sélectionneur national, il est devenu salarié de la Fédération. Il a même dit ses regrets de voir l’OM célébrer son titre de champion de France le 5 mai 2010.
Justement, on peut s’interroger sur la sincérité des Marseillais dans leur prise de position…
C’est vrai, mais à l’époque la mobilisation s’était singulièrement essoufflée depuis plusieurs années déjà. Et c’est justement cette célébration du titre dans les rues de Marseille et la perspective de la finale de la coupe de France programmée le 5 mai 2011 qui ont impulsé un nouvel élan et déclenché la pétition en ligne dont le succès est allé très au-delà de nos attentes.
Où en est la proposition de loi de Sauveur Gandolfi-Scheit ?
Elle a recueilli cinquante signatures et a été officiellement déposée au bureau de l’Assemblée nationale. Une démarche similaire a été initiée par deux députés socialistes, François Pupponi et Avi Assouly, mais elle est aussi au point mort. Le lobby exercé par la Ligue n’y est certainement pas étranger.
Et vos courriers adressés au président de la République n’ont pas reçu davantage d’écoute ?
Au cours de sa visite à Bastia, le candidat Hollande avait déclaré soutenir notre démarche.
À la suite de nos deux premières lettres, le président de la République a fait savoir au collectif qu’il avait transmis notre requête à la ministre des Sports. Dans sa réponse à une lettre de Paul Giacobbi, cette dernière a clairement pris position pour la sacralisation du 5 Mai. Nous avons envoyé une ultime lettre, ouverte cette fois, à François Hollande le 18 avril dernier, mais depuis, c’est silence radio.
Dimanche, ce sera le 21e anniversaire de la tragédie. Quelles initiatives avez-vous pris pour vous faire à nouveau entendre ?
Samedi, à l’occasion du match entre l’OM et le SCB au Vélodrome, les supporters des deux clubs déploieront des banderoles et tous les joueurs porteront un tee-shirt dédié à la cause. Tout ce que l’on peut espérer, c’est le plus fort retentissement médiatique possible.
Mais les chaînes délégataires des droits TV du football professionnel jouent-elles le jeu ?
À l’exception d’Eurosport qui n’a jamais répondu, tous les responsables des chaînes concernées, France-Télévision, Bein et Canal, ont en gros tenu un discours similaire : elles ne s’opposeront pas pour des questions financières à ce que la Ligue ne programme plus aucun match le 5 mai.
Pour la finale de la coupe de la Ligue entre Saint-Etienne et Rennes au stade de France, une banderole avait été déployée mais on ne l’a pas vue à la télévision. Je précise que la sacralisation concerne les matchs du championnat de France et les coupes nationales et pas les rencontres européennes, bien sûr.
Dimanche soir, 5 mai, en cas de victoire face à Valenciennes, le PSG va célébrer le titre de champion. Qu’est-ce qui va se passer ?
Théoriquement, rien. Je sais que les supporters qu’ils soient de Valenciennes ou de Paris, n’ont pas le droit de déployer de banderoles au Parc. Et dans tous les stades où Bastia évolue, les délégués ont probablement pour consigne de veiller au grain.
Quant aux dirigeants du PSG, ils n’ont jamais répondu à nos sollicitations. Lorsque Paris est venu jouer à Furiani, le collectif a été sensible au geste de Leonardo qui avait déposé une gerbe au pied de la stèle, mais il nous avait confié qu’il n’était pas habilité à prendre position.
De toute façon, si une fois, deux fois, trois fois, les clubs sont en liesse un 5 mai, il sera difficile de revenir en arrière…
C’est justement ce que l’on combat. Il ne nous faudra pas faiblir et faire preuve d’une grande détermination car il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Puisque les autorités du football ont tourné le dos au collectif, quel est le dernier recours possible ?
Il est politique au sens noble du terme. Il faut que les parlementaires, sous l’impulsion du président de la République qui avait pris un engagement en ce sens, imposent par la loi qu’il n’y ait plus aucun match un 5 mai.
Les Corses en général, les familles des victimes en particulier, ont besoin d’une décision de dignité, de respect, de mémoire. Au cours des vingt prochaines années, le 5 mai ne tombera en week-end qu’à trois reprises.
C’est peu et c’est en plus très facile en mai d’aménager le calendrier avec tous les jours fériés. Si on ne le fait pas, on ne pourra pas le vivre autrement que comme une offense qui laissera durablement des traces.
Revue de Presse et suite de l’article :
sur le JDC, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info, sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM
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