(Unità Naziunale – Publié le 9 avril à 11h03) L’expérience nous a appris que quand un homme politique sait que sa politique est néfaste, invariablement il agite le sacro-saint couplet de l’unité , affirmant ainsi que le pouvoir qu’il incarne lui a été conféré par une autorité qui relève du sacré.
C’est le couplet entonné par les dirigeants de l’Espagne mais aussi par la classe politique française réunie sous la même bannière pour l’occasion. C’est la raison pour laquelle la majorité des membres du clergé politico-médiatique, si enclins à défendre-toujours très symboliquement- la veuve et l’orphelin hors d’Europe, ces mêmes histrions affichent des positions sectaires presqu’unanimes quand il s’agit de la Corse, de la Catalogne ou du Pays Basque.
Dans l’affrontement idéologique qui voit s’opposer, dans l’Europe en chantier, tenants du centralisme d’état et partisans de la reconnaissance des nations séculaires, le sport joue un rôle déterminant.C’est la raison pour laquelle il est intéressant de suivre le « cheminement intellectuel » de la presse sportive vis à vis de l’Espagne.
Rappelons la situation. En 1936 la guerre civile laissait l’Espagne exsangue et blessée par des plaies pas encore refermées à ce jour.
L’Europe découvrait une énième forme de fascisme que ses États les plus démocrates étaient incapables d’affronter. En même temps, on découvrait l’importance du sport, aussi bien dans les affrontements idéologiques encore à venir, que dans la construction par les gouvernants de ce monde de l’image de leur puissance. Franco ne s’intéressait pas au sport, mais il comprit néanmoins l’usage qu’il pourrait en faire dans cette Espagne qu’il menait d’une main sanglante.
L’Espagne d’alors était bien incapable de présenter, dans une compétition sportive, une formation dite « nationale » tant était lourd le contentieux de la guerre entre espagnols.
C’est alors que la direction du Real Madrid et son président Santiago Bernabeu représentèrent au dictateur l’avantage qu’il tirerait d’un grand club castillan omnisports , surtout si l’on investissait dans la section football, sport idéal pour les opérations de propagande. Le deal ne devait pas se démentir au point qu’en 1954 les dirigeants du Real Madrid s’en vinrent à Barcelone escortés par les tueurs de la Guardia Civila pour arracher Alfredo Di Stefano au président du Barçà.
Celui ci savait ce qu’il risquait à une époque où les flics espagnols assassinaient les contestataires dans la prison de Monjuich . Madrid eut Di Stefano et Franco sa vitrine, avec la bénédiction des dirigeants du football international qui s’en lavèrent courageusement les mains. Le Real participa à la mise en place de la Coupe d’’Europe qui au début n’était pas très compétitive, ce qui lui permit d’étoffer son palmarès jusqu’à la retraite de Di Stefano. La direction du Real devint très influente au sein du comité d’organisation, ce qui lui vaut encore aujourd’hui un arbitrage scandaleusement « maison » que le Bayern de Munich a vivement dénoncé l’an dernier, mais qui lui permit des succès souvent improbables…
La Catalogne contestataire a un club tout aussi historique. Aujourd’hui plus que jamais le Barçà symbolise l’esprit de résistance à Madrid. Le foot « culé » écrase le foot espagnol depuis plus de 10 ans malgré, là encore, un arbitrage régulièrement favorable à Madrid comme du temps de Franco. Le jeu pratiqué est unique et révolutionnaire ; il rappelle la Hongrie 54. Par une ironie du sort, c’est ce jeu, porté à sa perfection, qui a permis les victoires de l’Espagne en 2008, 2010 et 2012, quand la sélection de la Roja jouait avec 7 joueurs du Barçà ! Par ses succès « nationaux » écrasants, le Barçà s’est attiré la haine de la tribune d’honneur du Real de Madrid, où se réunissent les soirs de championnat toute la crème de l’Opus Dei et où se décident les grands projets économiques de l’Espagne aussi bien que la liberté ou l’emprisonnement des élus catalans.
C’est assez dire si le public du Camp Nou n’est pas près d’applaudir l’hymne espagnol et d’afficher ses esteladas qui font le cauchemar de l’UEFA !
Ghjacumu Faggianelli