(Unità Naziunale – publié le 7 avril 2018 à 9h11) Ce 20 mars, le Président de la République a tenu un discours fait pour marquer son mandat autour de la symbolique de Villers-Cotterêts où il veut implanter un « laboratoire de la francophonie », dans le château-même où fut promulguée la fameuse ordonnance qui fit du « Français, la langue du royaume » avant qu’elle ne devienne, deux siècles et demi plus tard, celle de la République de l’abbé Grégoire, puis, à la fin du 20ème siècle, celle consacrée par l’article 2 de la constitution de la cinquième République.
La continuité de cette filiation a été pleinement revendiquée par le chef de l’Etat à travers plusieurs citations soigneusement choisies du discours. Elle représente très clairement une priorité d’Emmanuel Macron pour son quinquennat, et elle ne laisse aucune place pour la langue corse, ni pour aucune des « langues régionales ».
La francophonie qui existe à travers tous les continents du monde doit tout à la période coloniale qui commença trois bons siècles après l’ordonnance de François 1er dont le but était, au départ, de se débarrasser du latin au profit d’une langue mieux connue par la population. De la période coloniale, Emmanuel Macron n’a trouvé rien à redire, et encore moins de la « colonisation intérieure » qui imposa de force une des formes de la langue d’oil à des populations entières dont les langues maternelles lui étaient tout à fait étrangères, en Occitanie, en Bretagne, en Euskadi ou en Roussillon, puis en Corse, en Savoie, en Alsace ou à Nice.
Le comble de tout cela c’est que son discours s’est emparé du drapeau du « plurilinguisme dans le monde » pour avancer, en la masquant, une vision obstinément hégémonique de la langue française à l’intérieur des frontières de l’Hexagone. Citation : « La francophonie doit faire droit aux autres langues, en particulier aux autres langues européennes, et à toutes les langues que la mondialisation fragilise ou isole ». Traduction : oui à l’allemand à Paris pour concurrencer l’anglais, mais l’allemand co-officiel en Alsace où il est dans son espace historique naturel, pas question ! Idem pour le Corse bien entendu et toutes les langues que l’abbé Grégoire voulait « annihiler » dans son fameux discours de 1794 que n’a pas manqué de citer le Président de la République dans son propos.
Cette façon de s’emparer du discours d’autrui –le pluralisme linguistique- pour mieux « l’annihiler » -en refusant toute co-officialité à l’intérieur de l’espace français- est caractéristique d’une pensée totalitaire. On se souvient que la République Démocratique Allemande, l’ex-RDA communiste, n’était pas la plus démocratique des deux, bien au contraire ! Idem pour le plurilinguisme d’Emmanuel Macron qui n’en a que le nom.
Cela ne date pas d’aujourd’hui, cela remonte aux temps anciens, et même aux temps modernes si l’on se souvient que l’article 2 de la Constitution, présenté comme un de ses piliers, n’a été introduit qu’en 1992.
Or la co-officialité de la langue est la base même de la revendication pour un statut d’autonomie de la Corse. Cette demande, banale en Europe où elle est le plus souvent en vigueur, se heurte pour la Corse à une logique de refus au sommet de l’Etat. Il faudra bien que le « mur jacobin » s’effondre en même temps que le double discours, plein de mauvaise foi, tellement français, d’Emmanuel Macron sur la défense du pluralisme linguistique que l’on proclame sans cesse tout en faisant exactement le contraire.