Le troisième procès d’Yvan Colonna s’est terminé par le verdict d’une condamnation à perpétuité. La peine de sûreté de 22 ans infligée à l’issue du précédent procès n’a pas été confirmée, signe que les magistrats n’ont pas été totalement convaincus de sa culpabilité dans le meurtre du Préfet Erignac. Mais, comme l’a déclaré Me Sollacaro, il n’existe pas en France de juges suffisamment indépendants pour acquitter celui que le Président de la République en personne avait désigné par avance comme le coupable.
Dans ce procès hors normes, la hiérarchie des peines avait été formalisée dès le premier verdict, celui du commando. Pour « l’association de malfaiteurs », en dehors même de toute participation au meurtre du Préfet, le « tarif » a été fixé à 15 ans. C’est la peine qui a été infligée à José Versini. Pour la participation au commando du 6 février 1998, le « tarif minimum » était vingt ans de réclusion pour ceux qui, Ottaviani et Istria, se trouvaient en aval de l’action, et de vingt cinq ans pour Maranelli qui était en amont, c’est à dire dont l’éventuelle défection au dernier moment pouvait encore sauver la vie du Préfet. Puis est venue la perpétuité simple pour ceux qui étaient sur la scène du crime, Ferrandi et Alessandri. Restait donc à infliger au coupable principal, le tireur présumé, la peine maximale du droit français, la perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. Telle était la peine que la raison d’Etat exigeait pour le coupable désigné, Yvan Colonna.
Cette peine pré-programmée, le premier tribunal réuni pour juger Yvan Colonna avait refusé de l’infliger, en le condamnant à la même peine que Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. D’où la décision de la partie civile de faire appel avant même qu’Yvan Colonna ait lui-même décidé de le faire.
Le procès en appel a été alors confié à un Président de la Cour Spéciale qui s’est tellement senti en mission commandée qu’il a multiplié les abus de pouvoir pour arriver à ses fins, et obtenir que soit prononcée, envers et contre tout, malgré les éléments nouveaux surgis durant ce second procès, qui allaient tous dans le sens de la défense, la peine maximale exigée. La Fédération Internationale des Droits de l’Homme a commenté dans un document accablant ce procès en appel. Tant et si bien qu’une cassation retentissante est survenue, pour éviter une probable condamnation de la France devant la Cour Européenne de Justice.
Ce nouveau procès a-t-il pour autant été celui d’une justice sereine ? Jusqu’au verdict on s’est pris à l’espérer. Peine perdue, la cause était entendue d’avance, avec « Yvan Colonna dans le rôle du tireur » comme l’affirme sans aucune preuve le jugement, qui poursuit : « contrairement à ses dires, [Yvan Colonna], qui n’a jamais contesté ses convictions nationalistes, faisait, à l’évidence, partie du groupe dit des anonymes ». La lumineuse évidence que voilà ! Tellement « évidente » que le tribunal a reculé devant la peine maximum que, pourtant, cette « évidence » appelait !
En réalité, le doute est omniprésent dans ce dossier : pas de reconnaissance par les témoins, pas de preuves matérielles, des charges entièrement issues des conclusions d’une enquête unanimement décriée ; mais aussi les relations équivoques entre Yvan Colonna et les autres accusés que les déclarations des uns et des autres, tout au long du procès, n’ont pas réussi à éclaircir.
L’opinion, la presse, restent dubitatifs : est-il innocent ? Mais le tribunal, lui, devait répondre à une tout autre question : est-il coupable ? Dans tout prétoire, le doute profite à l’accusé, et les juges n’ont pu recueillir aucune preuve de sa culpabilité. L’acquittement doit être alors la règle dans un Etat de droit. Mais cette règle était impossible à appliquer dans le contexte d’une telle affaire d’Etat !
Après trois procès, l’opinion sait désormais tout ce qui peut être su de l’affaire Erignac, de son contexte trouble, des scandales d’une enquête, puis d’une condamnation, sous influence directe de la raison d’Etat. Mais la page judiciaire n’est pas tournée et de nouveaux recours sont prévisibles, jusque devant la Cour Européenne de Justice. Car une règle fondamentale a été bafouée durant l’enquête, puis tout au long des différents procès, la présomption d’innocence, et un principe essentiel a été délibérément écarté au moment du verdict, celui du doute qui doit profiter à l’accusé.
Ce 20 juin 2011, devant la Cour Spéciale de Paris, justice n’a pas été rendue !
François ALFONSI.
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