#Corse, Pays Basque, Alsace,… François Hollande, quelle déception !

Il y a les choix subis, comme celui de la rigueur économique qui précipite l’impopularité de François Hollande. Et il y a les choix assumés, en contradiction frontale avec les engagements de campagne, comme le refus de ratifier la Charte Européenne des Langues Minoritaires. Quelle déception !

François Hollande affiche son impuissance face à la crise économique. Mais ses effets aujourd’hui désastreux pour lui (hausse du chômage, déficit commercial, etc…) sont pour l’essentiel imputables à des causes sur lesquelles le successeur de Nicolas Sarkozy ne fait que solder les choix de son prédécesseur. En laissant filer les déficits publics pour financer des mesures injustes et couteuses (bouclier fiscal, défiscalisation des heures supplémentaires, primes à la casse, etc…), Nicolas Sarkozy a mis l’économie française en danger. Le différentiel accumulé sur la période précédant la crise se traduit aujourd’hui par le décrochage de la France par rapport à l’Allemagne. François Hollande en connait des effets désastreux sur sa cote de popularité. Mais il n’en est pas pleinement responsable.

Idem pour ce qui concerne son engagement européen. En fait, son élection a limité la casse : là où Nicolas Sarkozy demandait, à l’unisson de David Cameron et Angela Merkel, 200 milliards de coupes sur les 1.000 milliards des sept prochaines années de budget européen, François Hollande a ramené la position française à 50 milliards. Le sommet de Bruxelles a retenu 70 milliards : la France n’était donc pas la dernière, et cela aurait été bien pire avec Nicolas Sarkozy. Le Parlement conteste cet arbitrage et les négociations sont en cours pour tenter de redresser la barre. Et ainsi de suite pour les grands dossiers qui alimentent la chronique quotidienne : sécurité des banlieues, réforme de l’école, réforme agricole, etc…

Mais il est un dossier où l’attitude du Président de la République est désespérément décevante, et il nous touche de plein fouet : c’est la question de « l’acte III de la décentralisation », et surtout son application aux identités et langues régionales.

Son refus de ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales est une véritable trahison par rapport aux engagements pris. Que cette ratification passe par une réforme de la Constitution est bien connu depuis 1999 et les premiers engagements de Lionel Jospin. La mettre en avant comme prétexte aujourd’hui est une pirouette méprisable. Par la désinvolture de l’annonce, c’est un véritable message de rejet qui a été envoyé à tous ceux que la défense de la diversité culturelle mobilise dans les régions.

D’autant plus que tous les autres signaux sont négatifs. En Corse, la progression de l’Assemblée de Corse vers une avancée constitutionnelle est regardée de travers, et toujours évoquée avec la plus grande réticence. En sous-main, les plus hostiles sont engagés à y faire barrage, au sein de la classe politique corse grâce à la vieille garde jacobine, et aussi au sein du Conseil Constitutionnel, on l’a vu avec la censure des Arrêtés Miot. Mais ces manœuvres sont en échec, 8.000 personnes dans les rues de Bastia l’ont exprimé avec force pour le maintien d’un « droit local corse » en matière de fiscalité, et, sur la langue, la demande corse va chaque jour crescendo, bien au-delà des forces nationalistes. La confrontation s’annonce avec l’Etat, quand l’Assemblée de Corse aura voté sa position définitive dans le courant du mois d’avril, et le gouvernement de François Hollande affiche chaque jour sa volonté contraire, directement par ses ministres, ou indirectement sur les deux autres dossiers sensibles, le Pays Basque et l’Alsace.

Au Pays Basque, rattaché à un département des Pyrénées Atlantiques où le peuple basque est numériquement minoritaire, la revendication d’une Collectivité Territoriale à statut spécifique est montée en puissance au lendemain de l’élection de François Hollande qui s’est accompagnée de l’élection de nouveaux députés et sénateur de gauche tous très engagés sur cette demande. Manuel Valls a tenté de doucher ces velléités « de mettre en péril l’unité de la France », et il a joint le geste à la parole en remettant aux autorités policières espagnoles Aurore Martin que Nicolas Sarkozy avait renoncé à pourchasser. L’effet en retour est celui d’une indignation basque qui monte en puissance, et qui se mobilisera le 1er juin prochain à travers une large manifestation populaire.

En Alsace, le coup était parti avant que la gauche n’arrive au pouvoir d’un referendum pour la création d’une collectivité territoriale unique regroupant les deux départements et la région. Ce referendum aura lieu dimanche, et il est éclatant de constater l’absence totale de soutien à cette démarche qui va dans le sens d’une régionalisation différenciée. Au contraire, les plus proches du Président de la République, telle Catherine Trautman qui « patronne » les élus PS à Strasbourg, entrent désormais en campagne pour le non, avec les arguments typiques de la nomenklatura jacobine. Heureusement, leur influence en terre alsacienne est faible, et cette position, commune avec celle du Front National, ne va certainement pas l’arranger. Mais elle nous éclaire sur la « négative attitude » qui domine au sommet de l’Etat.

Il faut engager le rapport de forces, et démontrer à ceux qui veulent tout cadenasser au sommet de l’Etat qu’il n’est pas possible d’en rester là. On sait désormais que le combat sera difficile, et il sera important dimanche d’engranger un premier succès en Alsace, comme le prédisent les sondages.

François ALFONSI 

La Presse en parle – Suite et source de l’article

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