La décision de Benoît XVI de renoncer à sa mission pontificale n’a provoqué en Corse que fort peu de réactions. C’est étonnant. D’autant que l’île est placée sous la protection de la Vierge, qu’elle est parée du culte marial, et que l’invocation de la « Madre universale » se retrouve même dans ce que certains présentent comme un hymne national.
De même dans le domaine temporel, l’île est considérée comme une terre vaticane et, naguère encore, quiconque remettait en cause cette appartenance était menacé d’excommunication.
En dépit de cette filiation, à peine a-t-on entendu l’évêque de Corse saluer, à l’unisson de ce qui s’est dit un peu partout, la modernité d’un pape qui, sentant ses forces décliner, a préféré passer la main. Au nom d’un concept insolite dans la pratique spirituelle, celui de l’efficacité. Comme si le successeur de Saint-Pierre était assimilable au premier manager venu.
Une réflexion aussi courte est sans doute un signe des temps où le pragmatisme épuise apparemment toutes les ressources de la pensée.
Certes, ce cas de figure est inscrit dans le marbre du droit canonique, mais il a fallu batailler ferme pour recenser des précédents dont un seul est vraiment probant. Au XIVe siècle quand Célestin V a vidé les lieux du Vatican pour laisser le trône à Boniface VIII qui d’ailleurs s’est toujours interrogé sur la licéité de la manoeuvre. Et qui lui aussi a destin mêlé avec l’île puisqu’il fut à l’origine de la création du royaume corso-sarde
Il a fallu de surcroît passer par pertes et profits l’exemple, rigoureusement inverse et qu’on loua en conséquence, de Jean-Paul II qui, malade, alla jusqu’au bout du sacrifice. Ici encore on retrouve l’histoire de la Corse avec Napoléon 1er qui reprochait à Pie VII, sur son refus du Concordat, de se comporter « plus en prince qu’en prêtre ». Cette objection peut être faite à Benoît XVI.
Nous retiendrons l’avis de deux ecclésiastiques qui ont donné, exceptions notables, sa profondeur au débat. Mgr Stanislaw Dziwisz d’une part, ancien secrétaire personnel de Wojtyla, faisant remarquer qu’on « ne descend pas de la croix ». Mgr Roland Minnerath, archevêque de Dijon, d’autre part, soulignant que le pape est « témoin » de Dieu « à tous les âges quand on est en bon état et quand on est fatigué ». En effet, qui dit témoin dit martyr ainsi que le montre l’étymologie commune des deux mots.
Car enfin, devrait-on avoir à le rappeler, le Saint Père n’est pas « au service » de l’église, ce dont il pourrait éventuellement se délier, mais il « est » l’église ce qui rend toute distanciation impossible.
Joseph-Guy Poletti
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