(Unità Naziunale – publié le 31 mars 2018 à 8h03) Aujourd’hui, le mouvement nationaliste, majoritaire aux dernières élections est parvenu aux responsabilités dans les institutions de l’Île.
Si durant les deux années qui ont précédé l’accession de cette majorité à la direction de la Collectivité unique de Corse, celle-ci pouvait invoquer, au-delà de son inexpérience en la matière, les difficultés inhérentes à l’héritage des anciennes mandatures clanistes de droite ou de gauche.
Elle est désormais placée devant ses responsabilités… Et ce alors que l’État, ne prenant guère en compte cette nouvelle donne dans l’Île, non seulement ne fait aucun effort en soutien, mais au contraire semble de plus en plus remettre en question la politique de décentralisation suivie depuis 1981, en remettant notamment le préfet au centre de son dispositif de gestion de l’Île par une « reconcentration des pouvoirs » à son profit.
Critiques naturelles ou instrumentalisées
D’où les difficultés se multiplient à l’encontre de la nouvelle majorité nationaliste de la CTU, et ce d’autant plus qu’il est difficile de saisir les pouvoirs et les compétences dont dispose la CTU, du fait de la « résistance plus ou moins active/passive des services de l’État » à sa réelle mise en place… au-delà des effets d’annonces ou des visites-alibis des représentants du gouvernement, venant surtout faire du chantage au moyen des financements dus à la Corse, alors qu’ils sont indispensables à la majorité nationaliste pour enclencher une réelle politique du changement.
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Dernièrement, les médias qui n’hésitent pas, — mais c’est leur rôle, et les pouvoirs quels qu’ils soient, tôt ou tard doivent être analysés/critiqués —, à épiloguer, voire à « instrumentaliser certaines situations » pour mettre plus ou moins ouvertement cette majorité sur la sellette, par exemple pour les problèmes inhérents à la gestion des personnels ou aides en tous genres aux projets ou associations diverses.
Prenons l’exemple des personnels. Cette question, ne nous voilons pas la face, est prégnante dans toutes les institutions de l’Île, et toute majorité quelle que soit sa couleur politique y sera toujours confrontée, car nulle majorité ne pourra dans ce domaine se targuer de laver plus blanc que blanc, dans une île où tout le monde connait tout le monde. Et il faudra du temps pour changer les mentalités en la matière (comme dans d’autres), surtout avec la problématique actuelle de l’emploi.
La majorité actuelle se trouve donc en toute logique confrontée à ces problèmes inhérents à la gestion des personnels, problèmes nés de la situation ancienne et actuelle : recrutements nouveaux/anciens, administration territoriale majoritairement issue des embauches clanistes de gauche ou de droite faites par les anciennes majorités, transferts des personnels des Conseils départementaux majoritairement embauchés par la gauche en Haute-Corse et à droite en Corse du Sud… sans oublier les revendications de nombre de nationalistes estimant à juste titre avoir œuvré de diverses façons au fil des décennies à l’accession nationaliste actuelle aux responsabilités, et considérant de ce fait avoir droit eux aussi à postuler à un emploi (en fonction de leurs compétences) dans ces institutions.
Il en est de même quant à l’octroi des aides en tous genres et des soutiens financiers à nombre de projets ou d’associations… Là aussi il faut du temps, au vu des pesanteurs d’hier et d’aujourd’hui et des intérêts particuliers intervenant tous azimuts, pour pouvoir se prévaloir d’être « une maison de cristal », car les difficultés en la matière sont trop légion pour espérer un instant ne plus être en butte à des critiques. Il faudra peu à peu trancher, et forcément faire des mécontents, car on ne peut éternellement croire, ou faire croire, qu’on peut régler ces problèmes d’intendance en faisant plaisir à tout le monde… cela est quasiment impossible et à terme contre-productif politiquement.
Les vraies questions
Mais en fait cette situation de gestion et d’intendance, n’est que l’arbre qui cache la forêt. Derrière ce que certains nomment un « certain malaise », la véritable question est la mise en ordre de bataille des différentes composantes de cette majorité qui aujourd’hui doit « gérer » au mieux et en fonction des moyens insuffisants (compétences, finances) dont elle dispose sur fond d’hostilité plus ou moins active des services d’un État autiste (voire répressif) qui refuse toute réelle évolution en Corse, préférant toujours opter pour le statu quo pour défendre prioritairement ses intérêts au détriment de ceux du Peuple corse sur sa terre !
D’où les couacs actuels et les impasses supposées ou réelles.
La réponse appartient au Peuple corse et aux mouvements le représentant
Si les élus sont mis en avant pour le meilleur ou le pire, la réponse aux véritables questions appartient aux Corses et donc aux mouvements nationalistes les représentant majoritairement aujourd’hui, les élus n’en étant que mandataires.
Se posent donc les questions inhérentes au positionnement de ces mouvements ensemble et entre eux (si l’on se réfère aux derniers commentaires sur été relation interne entre les uns et les autres au sein de la majorité nationaliste) et leur capacité à impulser une réponse collective du Peuple corse face au déni de l’État, tout en conduisant une nouvelle politique au sein de la Collectivité unique de Corse… Malgré l’insuffisance des moyens et des compétences, de manière à ce que les Corses commencent à voir réellement un certain changement au jour le jour, cela nécessite des solutions ou des amorces de solutions aux plans économique, social, sociétal et culturel (emplois, salaires, logements, formations, environnement, infrastructures, aménagements, déchets… la liste n’est pas exhaustive).
Les problématiques de fond
Historiquement, le mouvement nationaliste dans son ensemble a toujours été confronté à trois questions principales :
- le choix des institutions (indépendance, autonomie, ou autres solutions),
- le choix des moyens (action violente ou mobilisations publiques/élections),
- le choix de société.
Le FLNC pour sa part faisait sien le fameux triptyque :
- la lutte armée,
- la lutte de masse,
- la lutte institutionnelle (organisation des contre-pouvoirs, manifestations, élections).
Aujourd’hui la question de la lutte clandestine, depuis l’arrêt de sa lutte par le FLNC, n’est plus une question divisant les mouvements de la majorité actuelle. Par ailleurs, la question des institutions semble résolue puisque Corsica Libera et la mouvance autonomiste ont engagé une politique d’alliance électorale depuis trois ans et ont engrangé les résultats que l’on connait. (En 1984, lors de la 1ère union UPC-MCA, la notion d’Autodétermination avait permis la synthèse entre le courant radical d’alors et le courant modéré).
Le rôle des mouvements nationalistes aujourd’hui
Les mouvements majoritaires aujourd’hui à la CTU ont donc une responsabilité importante dans l’éclairage et la conduite du Peuple avec la prise en en compte de ses attentes actuelles et à venir… Ils se doivent de les traduire par une politique cohérente allant d’une part dans ce sens de la prise en charge des aspirations du Peuple corse au sein des institutions qu’ils dirigent et d’autre part par l’impulsion de mobilisations collectives au quotidien dans une gamme variée… habituelles ou à inventer/réinventer.
Mais pour cela encore faut-il que ces mouvements soient en ordre de marche, et cela implique une organisation interne, un réel fonctionnement, des responsables élus en leur sein, des structures de réflexion, de dialogue interne et de débats, des objectifs à court, moyen et long termes, une tactique, une stratégie démocratiquement élaborée et assumée collectivement…
C’est dans ce cadre que se posent aujourd’hui la question et les interrogations suscitées par l’organisation retardée de la coalition Inseme-PNC-Chjama, au sein d’un seul mouvement « Femu a Corsica », malgré des annonces passées… Les nationalistes que l’on définit comme « modérés » devraient aller au bout de leur logique et se fédérer. Cela devrait être la normalité à terme. Tout comme Corsica Libera doit pour sa part se renforcer et toujours mieux structurer son propre fonctionnement. Car, les manques aujourd’hui en ces domaines d’organisation sont de notoriété publique, et aucun mouvement dans ce domaine n’est à même de donner des leçons, tant les manques sont grands au vu de la nouvelle situation née de l’abandon de la clandestinité et de l’accession majoritaire aux responsabilités.
Et ce d’autant plus que les mouvements ne peuvent éternellement être représentés dans leurs prises de position par les élus, lesquels ont suffisamment de travail par ailleurs au plan des contacts avec l’État et de leur travail quotidien « y compris de simple gestion » au sein des institutions…
La question du choix de société implique un Projet pour demain
Mais au-delà des organisations et des mobilisations, par-delà les questions d’égos et les ambitions personnelles (inhérentes à la nature humaine et/ou plus ou moins légitimes), puisque le choix des moyens et le choix des institutions semblent pour l’heure avoir acquis un consensus majoritaire, reste donc finalement aujourd’hui le problème du choix de société pour la Corse et le Peuple corse dans la Corse de demain !
Ce Problème aujourd’hui comme hier, traverse les mouvements modérés et radicaux… mais il est une constante incontournable et il faut commencer à apporter des réponses dans ce domaine, au moins à court et moyen terme… car c’est dans les choix, les orientations d’aujourd’hui et la construction économique/sociale/sociétale de tous les jours qu’il se précise et se conforte… Car ces choix/orientations/objectifs et cette construction ne peuvent et ne sont jamais neutres !
De façon simpliste, au-delà du choix manichéen entre d’une part une société collectiviste/communiste, ou même une société socialiste — (au « socialisme original », mis en avant par le mouvement corse des années 70-80), mais galvaudé désormais du fait des errements et des trahisons de la gauche socialiste européenne et française au pouvoir durant ces dernières décennies —, et d’autre part une société où le marché, la finance et les monopoles, sous couvert d’ultralibéralisme — avec ses dérives sur fond de spéculation immobilière ou autres et d’emprise mafieuse —, feraient la loi… il y a assurément de la marge en matière de choix d’axes et d’orientations pour ce qui est du développement économique et social à court, moyen et long terme.
Il faut aussi dès aujourd’hui faire comprendre par des choix courageux et des orientations claires que l’on veut réellement changer les choses en profondeur en montrant déjà au peuple que le changement dans leur quotidien est en marche, et ce dans le court terme.
Ces choix, s’ils font l’objet de discussions démocratiques et d’un consensus au sein des mouvements actuels (sans nécessairement faire l’impasse de sensibilités à organiser, mais en interne seulement pour éviter la multiplication des chapelles), ne peuvent que cimenter plus fortement la politique d’union dans le travail au sein des institutions actuelles ou à venir, tout en renforçant la démarche d’ensemble de ces mouvements sur le terrain au quotidien, en apportant au Peuple les moyens de se mobiliser et pour impulser un réel rapport de force favorable face à l’État et le contraindre à prendre en compte les aspirations collectives des Corses.