Les primaires écologistes pour l’élection présidentielle de 2012 vont désigner d’ici quelques petites semaines celui ou celle qui portera le message de l’écologie politique. Comment choisir entre Eva Joly et Nicolas Hulot ?
Tout d’abord je tiens à rejeter les mauvais procès faits à Nicolas Hulot qui a toute sa place dans le choix proposé aux militants et sympathisants. Dans le processus de création d’Europe Ecologie en 2008, dès les premiers pas de la démarche lors de l’Université d’été des Verts à Toulouse, il a été partie prenante de la démarche, même s’il l’a fait le plus souvent indirectement. Et en se prévalant de son soutien, tous les écologistes connaissaient évidemment son projet de candidature aux présidentielles, qu’il avait longtemps mis en avant en 2007. Qu’il soit candidat aujourd’hui était très prévisible, et pleinement légitime. C’est donc une préférence pour Eva Joly que je veux exprimer, et non un quelconque rejet de celui qui est son concurrent.
Quand RPS, la Fédération des partis politiques autonomistes et régionalistes, a adhéré à la démarche Europe Ecologie, elle l’a fait en considérant que l’écologie politique allait au delà de l’environnementalisme. Ses fondements politiques doivent se retrouver dans un message plus global, apte à fédérer des options a priori très différentes, mais complémentaires dans une même vision d’une société alternative, avec trois messages clefs : écologie contre productivisme, «biodiversité des peuples» contre uniformisation et centralisme, solidarité internationale contre mondialisation sans morale.
Ce troisième point a pris toute sa place dans Europe Ecologie avec «l’entrée en scène» d’Eva Joly dans la campagne des Européennes en janvier 2009. A côté de l’action de témoignage de la mouvance altermondialiste, facilement contenue par le système, Eva Joly a installé un discours beaucoup plus subversif, au sens où il est compris, et soutenu, par le plus grand nombre. Ces espaces hors contrôle, paradis fiscaux et cabinets fantômes où se côtoient dirigeants économiques et leaders politiques, nous les connaissions à peine, et nous les négligions totalement. Eva Joly, chiffres à l’appui, les a mis au centre du discours de l’écologie politique, et, par le talent de sa pédagogie, elle a fait prendre conscience à un très grand nombre, qui va chaque jour grossissant, que c’est là un problème crucial pour l’avenir de notre humanité.
Mieux, dans le feu de l’actualité de la crise économique mondiale, ou des affaires Bettencourt et autres du Fouquet’s, toutes ces questions sont venues sur le devant de la scène, et Eva Joly a donné à Europe Ecologie un «premier rôle» dans l’opinion pour lutter contre ce cancer qui, dans nos sociétés comme dans le reste du monde, se propage à la vitesse de la mondialisation et menace d’étouffer la démocratie.
Chaque élection présidentielle «réussie» pour le mouvement écologiste, à commencer par celle de René Dumont en 1974, a consisté à porter un message essentiel devant l’opinion. Le mouvement écologiste n’est pas une machine à gagner électorale pour une telle échéance. Ceux qui nous votent dans cette élection sont avant tout mobilisés par la volonté de soutenir un message. La question que l’on doit se poser, avant toute chose, est : quel est le message de l’heure ? Celui porté par Nicolas Hulot était très probablement celui de 2007, au moment où la lutte contre le réchauffement climatique était une priorité encore controversée. Celui de 2012 est selon moi celui qu’incarne Eva Joly aux yeux d’une opinion qu’elle a commencé à éveiller, et qu’elle doit continuer de convaincre et mobiliser.
Enfin, les militants «régionalistes» que nous sommes doivent mieux connaître son parcours pour ce qui les concerne. Eva Joly enseigne depuis de très nombreuses années à l’Université de Tromsø, dans l’extrême nord de la Norvège, au delà du cercle polaire, au cœur du pays des «sami». Cette Université, dont elle a été une des marraines, assure depuis les années 70 la sauvegarde et la promotion de la culture lapone, menacée dans le Grand Nord, et elle se consacre à l’action en faveur de la diversité culturelle en Europe.
Cette sensibilité «identitaire» l’amène à refuser toute prise de position qui remettrait en cause un acquis culturel depuis Paris. Pour Eva Joly, c’est à chaque peuple qu’il revient de décider de l’avenir d’une pratique ancestrale. Ainsi s’est-elle prononcée, jeudi dernier, lors du débat interne des primaires tenu à Paris, à propos de la tauromachie, dans une salle pourtant peu réceptive à ce genre de message.
Aussi, tout bien considéré, je choisirai Eva Joly pour la primaire d’Europe Ecologie.
François ALFONSI
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