Mali : « Comment éviter le pire ? » #corse info

Les dizaines d’otages abattus lors de l’assaut de l’armée algérienne contre les djihadistes retranchés dans le site pétrolier stratégique d’In Amenas ont vécu un véritable enfer. Les quelques témoignages parvenus disent assez le degré extrême de violence que ce conflit porte en germe. Aussi, des choix stratégiques qui sont faits aujourd’hui dépendront beaucoup de vies humaines demain.

françoisAlfonsiLe premier choix qui a été fait a été celui de François Hollande de déployer une armée de standard européen massivement sur le terrain. Les Français portent seuls cette charge, et c’est un risque politique considérable qui a été pris pour enrayer le nouvel assaut de la mouvance djihadiste qui, après avoir pris le contrôle de l’Azawad, étendait son emprise vers le sud. Dans un premier temps, grâce aux frappes aériennes, cette intervention a stabilisé une zone que la débandade du régime malien et de son armée avait abandonnée au chaos, et cette démonstration de force a produit son effet en amenant le retrait des « terroristes » des villes dont ils avaient pris le contrôle en territoire malien. Le soulagement des populations locales a fait écho à celui des opinions un peu partout dans le monde, notamment en Europe. Puis la prise d’otages en Algérie a provoqué une onde de choc sans précédent.

Quelles en sont les conséquences immédiates ? C’est d’abord la confirmation que le potentiel terroriste rassemblé sur le territoire de l’Azawad est considérable, et qu’il a concocté toute une série de ripostes auxquelles nul n’est véritablement préparé. Chacun sait bien que le conflit sera « asymétrique » entre des belligérants qui abordent la confrontation armée de façon tout à fait différente. Les troupes régulières, françaises ou africaines, auront à combattre une guérilla larvée et fugitive sur un territoire immense et hostile. Le défi qui leur est lancé est celui de prendre le contrôle véritable de ce territoire sans pertes humaines ou presque pour l’armée française car, sinon, le « consensus national » ferait alors long feu.

La première option stratégique est de chercher à mettre les forces africaines au premier rang du conflit, en les appuyant par l’intermédiaire des frappes aériennes. Mais ces forces sont hypothétiques, pour leur nombre comme pour leur capacité d’action. Et elles sont aussi inquiétantes dans leur comportement politique et humanitaire, ce que l’ONG de référence dans cette partie de l’Afrique, Human Rights Watch, a déjà pointé dans les villes dont l’armée malienne a repris le contrôle avec l’aide de la France. Plusieurs cas d’exécutions sommaires sont déjà établis contre des bergers touaregs persécutés pour la seule raison de leur appartenance à la communauté honnie par Bamako. Plus on progressera vers Tombouctou, Gao ou Kidal, plus cette dérive s’accentuera, au rythme des accrochages et des pertes militaires. Cela menace même de se terminer en catastrophe humanitaire.

Paradoxalement la présence massive des soldats français pourrait rassurer autant la population malienne du sud que la population touareg et les autres peuples du Nord. Mais ce rôle a en contrepartie une obligation, celle de l’interposition, et donc une exposition directe aux attaques djihadistes d’AQMI, de MUJAO et d’Ansar Dine, exposition que les responsables militaires et politiques français veulent pourtant éviter au maximum.

Et, plus prosaïquement, il faut bien faire le constat des réalités de terrain. L’armée africaine appelée par les vœux de l’ONU et du gouvernement français est à ce jour une vue de l’esprit. Quant à l’armée malienne, elle apparaît davantage comme une bande armée que comme une force militaire maîtrisée. Le plan défini par la résolution de l’ONU et les engagements de la CEDEAO est donc plus que compromis. Laissée livrée à elle-même, même avec un appui aérien, cette armée de reconquête sera très probablement en échec, et un climat de peur aux conséquences incalculables s’installerait parmi les Touaregs, avec des répercussions bien au-delà du Mali, au Niger, en Libye, en Algérie, au Burkina ou en Mauritanie. Al Qaïda aurait alors atteint son objectif de déstabilisation de l’ensemble du Sahel ! Et on peut même raisonnablement penser que l’objectif du raid lancé vers Bamako était celui-là.

Comment résoudre la quadrature du cercle, c’est-à-dire soutenir sur le terrain des forces capables d’en prendre le contrôle, sans risquer les dérives d’une occupation aux conséquences imprévisibles, si ce n’est par l’intermédiaire des forces politiques et militaires présentes naturellement en Azawad ? C’est l’offre de service que le MLNA fait à Paris, en demandant en contrepartie une véritable autonomie pour le territoire. Sa capacité opérationnelle dépendra avant tout de la réponse qui lui sera faite, et du soutien dont il pourra bénéficier. Mais en termes d’acceptation par les populations locales et de capacité à poursuivre les islamistes sur un terrain qu’ils connaissent parfaitement, cette option a tous les atouts qui manquent au « plan africain » échafaudé par les stratèges de l’orthodoxie étatiste malienne. Et il permet aux militaires français de rester davantage « à distance », condition indispensable pour que l’engagement militaire français reste soutenable politiquement durant les longs mois qui s’annoncent.

C’est l’autre choix stratégique qui est sur la table. Cette option est la plus raisonnable, tant pour gagner le conflit qui s’engage que pour éviter un embrasement général dans toute la région.

François ALFONSI, Groupe Verts/Alliance Libre Européenne, Parlement européen

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