Corse – Procès Colonna: le verdict sera motivé, à la satisfaction générale

Anticipant sur l’évolution législative, la cour d’assises spéciale de Paris, qui rejuge Yvan Colonna pour l’assassinat en 1998 du préfet Erignac, a décidé vendredi qu’elle motiverait son verdict, à la satisfaction de toutes les parties. Cette demande avait été faite au premier jour du procès, le 2 mai, par la défense du berger de Cargèse. Mise en discussion jeudi soir, elle avait été soutenue par les parties civiles et le ministère public.

Le verdict est attendu en fin de semaine prochaine ou lundi 20 juin, en fonction du rythme des plaidoiries de la semaine prochaine. « Si Yvan Colonna doit être acquitté, il faut que l’opinion publique sache pourquoi celui que le ministre de l’Intérieur a désigné comme le coupable a été acquitté », a réagi devant la presse l’un des avocats de l’accusé, Me Eric Dupond-Moretti. « S’il est condamné, il faut que nous sachions sur quels éléments la cour d’assises s’est fondée. »

Le président de la cour, Hervé Stephan, a souligné que la motivation était « conforme aux exigences d’un procès équitable, au sens de la convention européenne des droits de l’Homme ». Il a précisé que les magistrats professionnels qui composent la cour expliqueraient leur décision dans « un écrit annexé à la feuille des questions » qui leur seront soumises. Ces questions seront celles du procès de première instance, auxquelles pourront être ajoutées, sur demande des parties, des questions subsidiaires, a-t-il dit. « Nous pensons que si nous avons la possibilité de poser un certain nombre de questions, Yvan Colonna sera acquitté », a affirmé Me Dupond-Moretti.

Côté parties civiles, pour Me Benoît Chabert, qui représente l’Etat, cette motivation signifie un « immense respect pour les droits de la défense ». En novembre 2010, la cour d’assises du Pas-de-Calais avait élaboré des questions portant sur des éléments précis de l’enquête et des points soulevés pendant le procès d’une femme accusée de meurtre, afin de faire comprendre son verdict. Mais selon Me Chabert, ce sera la première fois qu’une cour d’assises spécialement composée pour les affaires de terrorisme motivera sa décision.

Contrairement aux tribunaux correctionnels, les cours d’assises n’ont pas à le faire, leurs décisions étant fondées sur leur « intime conviction ». Sous l’impulsion de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ce système datant de la Révolution est pourtant en passe d’être modifié, puisqu’un projet de loi introduisant une motivation des verdicts d’assises a été voté le 19 mai au Sénat. Après cette annonce, le président a clos les débats et les parties civiles ont entamé leurs plaidoiries, qui doivent se poursuivre mardi avec notamment les avocats de la famille Erignac.

Le réquisitoire est prévu mercredi, avant les plaidoiries de la défense en fin de semaine. Yvan Colonna est jugé pour la troisième fois pour l’assassinat, le 6 février 1998 à Ajaccio, du préfet de Corse Claude Erignac et pour l’attaque en septembre 1997 de la gendarmerie de Pietrosella, où l’arme du crime avait été dérobée. Les avocats des deux gendarmes brièvement pris en otage à Pietrosella ont jugé que ses protestations d’innocence n’étaient « pas crédibles ». « La cour ne pourra pas être trompée par le double visage que présente Yvan Colonna aujourd’hui », a déclaré Me Christian Fremaux. « Cet homme ment, il ment parfaitement bien », a renchéri Me Caty Richard. Colonna avait vu sa condamnation à perpétuité confirmée en appel en 2009 et alourdie d’une période de sûreté de 22 ans. Le verdict avait été annulé par la Cour de cassation pour vice de procédure.

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