Les derniers mois ont été riches en actualité politique pour les nations sans État en Europe. Nombreuses sont les situations politiques nouvelles où les partis nationalistes se sont largement renforcés : Écosse, Pays Basque, Flandre et Catalogne notamment. Les peuples sans États d’Europe ont fait ces derniers mois un bond en avant considérable.
L’Ecosse a ouvert le bal en mai 2011, en donnant à la réélection à la tête des institutions écossaises d’Alex Salmond, le leader du Scottish National Party, une allure de triomphe. Jamais un parti écossais n’avait atteint la majorité absolue des sièges en emportant 44% des voix. Et dans la foulée de ce succès, le gouvernement SNP de l’Ecosse a engagé le processus d’organisation d’un referendum d’autodétermination à l’automne 2014. Londres a d’abord voulu précipiter les choses, pour obtenir dans l’urgence un vote négatif, sans véritable débat en profondeur au sein de la société écossaise. Puis, face à la fermeté des dirigeants écossais, le chef d’Etat britannique David Cameron a affirmé que « le Royaume-Uni ne peut en aucune façon garder un pays en son sein contre la volonté de son peuple », ajoutant, et donnant ainsi une leçon de démocratie à tous les chefs d’Etats européens : « Les Ecossais ont élu un parti qui voulait un référendum. Je crois qu’il faut [les]respecter ».
Les sondages ne sont pour l’heure guère favorables à un oui qui n’est crédité que d’un score de 30 pour cent. Cela explique sans doute aussi beaucoup l’attitude de David Cameron qui entend faire campagne pour le non. Mais Alex Salmond n’entend pas renoncer : « Le gouvernement écossais a une vision ambitieuse pour l’Ecosse : un pays européen prospère, qui réussit et qui soit le reflet des valeurs écossaises, capable de promouvoir l’équité et la cohésion sociale. Une Ecosse avec une nouvelle place dans le monde, celle d’une nation indépendante ».
De toute façon, la tenue de ce referendum ouvrira la porte à une nouvelle discussion sur l’avenir de l’Ecosse, discussion qui impliquera l’Union Européenne. Ou bien le oui l’emporte, et le processus « d’élargissement intérieur », consistant à admettre de nouveaux membres issus de l’intérieur des frontières européennes actuelles, connaîtra sa première application. Ou bien le non l’emporte, comme l’espère David Cameron, et une négociation s’ouvrira pour approfondir la « devolution », c’est-à-dire le renforcement des compétences du gouvernement écossais, notamment en matière économique et fiscale, et la définition d’un statut original pour ce type de « régions à forte souveraineté » au sein de l’Union Européenne. Incontestablement, l’Ecosse est en train d’ouvrir une voie nouvelle en Europe.
L’autre cas de figure en pleine évolution est celui de la Flandre. La N-VA (Nouvelle Alliance Flamande), membre de l’ALE comme le SNP, a largement remporté les élections de 2010 avec près de 30% des voix, ce qui en fait le premier parti de Flandre, et même de Belgique puisque la Flandre représente 60% de la population belge. Il s’en est suivi une crise politique qui a laissé l’Etat belge sans gouvernement pendant plus de 18 mois, N-VA restant à l’écart de la coalition finalement portée au pouvoir, droite et gauche réunies. Mais, en octobre dernier, NVA a remporté haut la main les élections municipales en confirmant un score moyen de 28% sur l’ensemble de la Flandre, et en remportant la mairie d’Anvers, la ville la plus importante de Flandre dont le nouveau maire est Bart de Wever, le leader de NVA.
Pour 2014, date des prochaines élections générales, N-VA envisage un nouveau renforcement de ses scores sur la Flandre, ce qui transformerait la crise politique de 2010, déjà très dure, en impasse totale pour les partis qui s’opposent à la revendication flamande. Bart De Wever a donné sa feuille de route : transformer l’Etat belge en une « Confédération Belge », à l’image de la Confédération Helvétique. Ce qui donnerait à l’Union Européenne la nécessité d’adapter le fonctionnement des institutions comme le Conseil Européen, qui regroupe les Etats-membres, à cette réalité institutionnelle nouvelle au sein de l’Union Européenne.
Dernier « point chaud » de l’actualité des nations sans Etats, l’Espagne est confrontée à la crise basque et à la crise catalane. Et l’Etat espagnol manifeste un raidissement centraliste madrilène contre les attentes basques et catalanes, alors même qu’elles n’avaient jamais été exprimées avec autant de force.
Ainsi, au Pays Basque, la parenthèse du gouvernement socialiste bénéficiant de l’appui de la droite la plus espagnoliste a été fermée lors des élections du 21 octobre dernier, qui ont donné une majorité absolue aux deux forces qui représentent le mouvement nationaliste basque, le PNV en tête avec 34,6% des voix, et EH-Bildu juste derrière avec 25% des voix, EH-Bildu regroupant Eusko Alkatarsuna, Aralar (tous deux membres de l’ALE) et les forces issues de la gauche abertzale qui ont bénéficié de l’arrêt définitif de l’activité d’ETA. Presque 60% des voix, et les deux tiers des sièges vont aux nationalistes basques, et vont donc porter à la tête de la Communauté Autonome Basque Inigo Urkullu, dans le cadre d’un gouvernement minoritaire PNV appuyé par l’autre parti nationaliste. Pour eux, l’agenda principal sera celui du processus de paix engagé depuis deux ans, et consacré par la conférence d’Aiete de novembre 2011. Les Basques ont soutenu en masse ce processus, en affirmant à 60% leur volonté que soit reconnue leur souveraineté nationale.
C’est le même cas de figure qui est sorti des urnes catalanes qui ont donné 57,5% des voix pour les partis qui se sont déclarés favorables à un referendum d’autodétermination en Catalogne selon le modèle initié en Ecosse. Le parti majoritaire, Convergència e Uniò (plus de 30% des voix et 50 sièges sur 135 à la Generalitat) devrait gouverner avec le soutien sans participation de ERC, membre de l’ALE, arrivée deuxième (13,7% des voix, 21 sièges) et l’appui en faveur du referendum d’une troisième force qui regroupe notamment les écologistes (ICV, environ 10% des voix et 13 élus).
Depuis ces deux scrutins basque et catalan, Madrid redouble de réactions régressives en contestant de plus en plus ouvertement les autonomies acquises. Un fossé se creuse et la crise économique européenne accentue la régression centraliste des Etats, tandis que l’euroscepticisme se renforce dans les capitales.
Corsica Infurmazione, l’information Corse
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