Quand la session de l’Assemblée territoriale s’est ouverte le 26 mai, une délégation du STC avait pris place dans la tribune réservée au public. Les visages graves, les militants attendaient une prise de position de l’Exécutif territorial dans le conflit qui les oppose depuis le 10 mai à l’Agence régionale de la Santé et qui les a amenés à appeler à une journée de grève générale. Diverses actions de blocage ont été menées, perturbant les transports maritimes, aériens et ferroviaires et empêchant l’accès au dépôt pétrolier d’Ajaccio.
Ce sont neuf points cruciaux sur lesquels les syndicats excluent tout compromis, refusant d’hypothéquer les conditions de l’accès à un service de santé de qualité pour les Corses. Il s’agit de la révision du coefficient géographique, le financement des missions d’intérêt général, l’équilibre entre les secteurs privés et publics, la construction d’un nouvel hôpital à Ajaccio, la protection du patrimoine hospitalier, l’évolution des établissements hospitaliers pour les personnes âgées dépendantes, la coopération entre les établissements publics de santé, la rénovation des infrastructures hospitalières et la formation paramédicale.
Crispations autour du coefficient géographique
En 2009, les quatre syndicats présents dans le secteur de la santé, le STC, la CGT, la CFDT et FO ont signé avec le ministère de la Santé un protocole d’accord en vue de l’élaboration du plan santé pour l’île pour l’année 2012. Et leurs revendications ont été validées. L’ire des syndicats s’est manifestée lorsqu’ils ont constaté que dix-huit mois après ces engagements, l’ARS semblait les remettre en question. Le STC las de n’obtenir des garanties, a occupé les locaux de l’ARS à Ajaccio, obligeant la direction et le personnel à s’installer dans les salles de conférence des hôtels de la ville, et a investi les services administratifs des hôpitaux corses, exigeant des négociations pour acter définitivement les avancées obtenues. Et le coefficient géographique représente le point majeur d’achoppement entre l’ARS et le STC. Ce critère fixe le montant des dotations financières que l’Etat verse à la Corse pour pallier les surcoûts liés à l’insularité. Chaque point représente 1.5M€. En 2009, ce coefficient géographique était à 5%, il a augmenté d’un point à partir de l’année suivante mais dès 2006, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, s’était engagé à l’ « augmenter substantiellement », comme l’a rappelé lors de la session de l’Assemblée, Paul Giacobbi. La fédération hospitalière de son côté avait estimé que la situation géographique de la Corse exigeait un barème à au moins 13%. Les élus territoriaux avaient d’ailleurs adopté une motion à deux reprises en 2007 et 2010 en ce sens. Le directeur de l’ARS, Dominique Blais, assure qu’une étude est actuellement menée en prolongement de la première expertise qui avait permis de déterminer le coefficient géographique à 6% et qu’elle devrait aboutir à une réévaluation. Mais il affirmait être dans l’incapacité non seulement de livrer aux syndicats un chiffrage précis, mais aussi de leur garantir que la base de 15% sera respectée.
« Respecter la parole donnée »
Pour le président du Conseil exécutif, la situation est sans appel. « A partir du moment où l’Etat s’est engagé, où un protocole a été signé, où cette Assemblée a pris des décisions, il faut en tenir compte et on ne peut pas opposer des éléments technocratiques faux », a-t-il affirmé. Et d’insister : « Il faut respecter la parole donnée ». Paul Giacobbi estime qu’ « un cadre de négociation clair » doit être établi, qu’ « un mandat de négociation sérieux » doit être fourni au directeur de l’ARS afin d’aborder l’ensemble des sujets. « Aujourd’hui, nous devons en tant qu’Assemblée exercer notre influence sur cette question fondamentale. (…) Je vais poursuivre très vigoureusement les contacts et les pressions pour que cette affaire aboutisse dans les jours qui viennent », a-t-il promis. Une position qui a rassuré les syndicalistes du STC. « Ses propos valident la véracité de nos revendications, note un militant. Ses paroles étaient nécessaires mais insuffisantes, nous attendons des actes ». Le STC affichait sa détermination mais l’idée de radicaliser leur bras de fer avec l’ARS et d’en venir à un blocage généralisé de l’île ne semblait guère les enchanter. Ainsi, après avoir été reçus à deux reprises en préfecture et par les deux présidents Paul Giacobbi et Dominique Bucchini, les tensions ont commencé à s’apaiser. Et lorsque l’ARS a accepté de reprendre des négociations en respectant leur ordre du jour, ils ont accepté de s’asseoir à nouveau autour de la table. Parce qu’il fallait avant tout que la Corse échappe à un blocage pénalisant pour son économie et pour le démarrage de la saison touristique, mais surtout, parce qu’il fallait assurer au plan de santé un socle permettant aux Corses d’accéder à un service public de santé de qualité.
M.K
Source : http://www.jdcorse.fr/JDC/article.php?article=1809