Digne héritier de Chico Mendès, le gardien de l’Amazonie José Claudio Ribeiro da Silva a été assassiné mardi 24 mai au matin, à quelques heures d’un vote au Parlement pour le moins dévastateur : le code forestier est modifié, les petits propriétaires obtiennent la liberté de céder des droits d’exploitation sur leurs terres -filière bois, charbon, céréalière- et les abattages illégaux sont amnistiés. « Je vais continuer à protéger la forêt, coûte que coûte, c’est pourquoi je peux recevoir une balle dans la tête à tout moment », annonçait Da Silva il y a six mois.
Ce nouveau code forestier est selon WWF, « un passeport pour la déforestation ! » « Les bûcherons et les producteurs de charbon. » Ce sont les assassins que désignent avec certitude José Claudio Ribeiro da Silva. Présenté comme le Gardien de l’Amazonie, à travers son syndicat sylvicole. Un assassinat a eu lieu, mardi 24 mai, au matin, sur son exploitation dans l’Etat de Para, sur le territoire brésilien.
Ce même mardi à Brasilia, la capitale, le Parlement apprenait sa mort quelques heures avant d’assouplir le code forestier, par 410 voix contre 63 et 10 abstentions. Assassiné comme Chico Mendès, en 1988. Dont il avait tenté de reprendre le combat pour la protection des espaces forestiers et surtout…de la biodiversité qui est dépendante d’un arrêt de ces coupes industrielles, de cette déforestation.
Quelques heures avant le vote au Parlement, qui accorde désormais la liberté aux « petits » propriétaires -majoritaires, nombreux- de moins de 400 hectares d’avoir le libre-choix d’accepter des coupes de bois ou de céder des droits d’exploitation miniers, Da Silva rentrait avec son épouse du bout de forêt de Maçaranduba 2, où ils récoltaient latex et noix. Sur leurs terres, lui le petit sylviculteur, elle, Maria do Espirito Santo ont été la proie de tireurs embusqués. Morts.
« Je peux être ici, maintenant en train de vous parler et, le mois prochain, vous apprendrez que j’ai disparu. Je vais continuer à protéger la forêt, coûte que coûte, c’est pourquoi je peux recevoir une balle dans la tête à tout moment. » Da Silva avait comme annoncé sa mort, il y a six mois lors d’une conférence à Manaus. Le syndicaliste est mort, le code forestier est assoupli : « Un passeport pour la déforestation », s’insurge Paulo Adario, de Greenpeace. Le rythme de la déforestation, déjà responsable d’une perte de 17% de sa surface originelle, s’est accéléré, s’est multiplié par six dans le dernier trimestre.
La demande en soja, internationale, est de ces facteurs de l’industrialisation toujours plus féroce de l’abattage du bois. Les forêts deviennent des clairières, les clairières sont mises en culture. On attaque par tous les bouts, selon un plan désordonné, sans se soucier des impacts donc, sur l’écosystème initial. Les clairières sont ensuite abandonnées, leur sol ayant été appauvri par une agriculture intensive, et re-belote pour d’autres coupes sombres un peu plus loin.
Le code forestier lui, retenait les propriétaires sur un point bien précis : 80% de l’Amazonie devait être conservés intacts. La bonne limite, ou plutôt la limite tout juste suffisante pour freiner les grandes industries exploitantes de charbon, bois ou les appétits financiers des propriétaires compte tenu du cours, croissant, du produit des grandes cultures. Le nouveau code amnistie même les abattages illégaux d’avant 2008. Bien que la Présidente Dilma Roussef compte opposer son veto à cette mesure-ci, pour le reste le nouveau constat est clair : la forêt amazonienne n’est plus protégée étatiquement. Tout est au-delà d’un désengagement.
La boîte de pandore est ouverte : tout revient en jeu, l’échauffement des cours des matières premières, les difficultés agricoles structurelles, la domination croissante de grands groupes. Et au milieu désormais, plus personne : le sylviculteur Da Silva est mort, il rejoint Chico Mendès, probablement deux esprits errants qui se recroiseront au pied d’un de ces troncs d’arbres où des scientifiques ont répertoriés récemment 95 espèces de fourmis sur le même tronc… quand 105 espèces seulement vivraient dans l’ensemble de l’Allemagne.
Source photo facebook, légende de la photo:
Le chef indien Raoni pleure en apprenant la décision du gouvernement brésilien. Celui-ci vient, en effet, de donner le feu vert pour la construction du barrage de Belo Monte. Les milliers de lettres ainsi que plus de 600 milles signatures ont tout simplement été ignorées. Madame Dilma Roussef a signé l’arrêté de mort des peuples Xingus. … Le barrage de Belo Monte sera plus vaste que le canal du Panama et inondera au moins 400 000 hectares de forêt. De ce fait 40 000 indigènes et autres populations locales seront délocalisées et l’habitat de nombreuses espèces animales et végétales sera détruit Tout ceci pour faire de l’énergie ? Au prix de l’humain et de la terre ?
Par Ana Herrmann Vieira