La révélation à la veille du week-end de l’existence d’une lettre menaçante d’Yvan Colonna, sommant un des meurtriers du préfet Erignac de l’innocenter, devrait bouleverser lundi matin la reprise de son procès devant la cour d’assises spéciale de Paris.
La 5e semaine du procès du berger de Cargèse, jugé pour la 3e fois pour l’assassinat en 1998 à Ajaccio du préfet de Corse, dont il s’affirme innocent, devait démarrer avec l’examen du début de ses quatre ans de cavale, après l’arrestation en 1999 de membres du commando auteur de l’assassinat.
Mais un coup de théâtre à la clôture des débats vendredi a changé la donne.
Le président a versé au dossier une lettre transmise à la cour le jour-même, écrite en corse et signée d’Yvan Colonna. Datée du 19 décembre 2010, elle aurait été saisie dans la cellule de Pierre Alessandri, condamné à perpétuité après avoir endossé le rôle du tireur.
Selon des extraits diffusés par Europe1 et RTL, Colonna demande à Alessandri, qu’il a considéré comme son « frère » mais n’est plus qu’une « balance », de crier « haut et fort » son innocence. Faute de quoi, il promet une « guerre au procès et au dehors ».
Après son arrestation, comme d’autres membres du commando et leurs compagnes, Pierre Alessandri avait mis en cause Yvan Colonna, avant de se rétracter des mois plus tard. Aux deux premiers procès du berger, en 2007 et 2009, Alessandri avait tenté de l’innocenter, sans toutefois expliquer ses accusations initiales et son revirement.
Il a de nouveau témoigné jeudi dernier, expliquant cette fois avoir mis Colonna en cause parce qu’il éprouvait de la « rancune » à son égard, le berger ayant selon lui refusé de participer aux actions du commando, dont six membres ont été condamnés en 2003. Deux autres des condamnés avaient auparavant déclaré avoir accusé Colonna à cause d’une « rumeur » qui faisait de lui un informateur de la police.
Les parties civiles et l’accusation ont suspecté une « stratégie concertée », les juges antiterroristes ayant mené l’enquête estimant de leur côté « invraisemblable » cette nouvelle ligne de défense.
Un des avocats d’Yvan Colonna, Antoine Sollacaro, a reconnu que la lettre de son client était « une erreur », car « du côté des parties civiles et du parquet, on va parler de pression et de menaces ». Mais à ses yeux, cette missive est le « cri de désespoir » d’un homme pour qui ce troisième procès « est la dernière chance (…) de faire reconnaître son innocence ».