En réponse à la question du site newsring.fr – Le crime fait-il partie de la spécificité corse ? – Dominique Bucchini, actuel Président de l’Assemblée de Corse, se positionne sur un « oui » argumenté. Voici sa réponse, retrouvez sur le site les autres argumentations et participez au débat.
« En tant que président de l’Assemblée Corse j’ai créé une commission sur la violence, qui doit être unique dans les annales de la jeune vie administrative de nos régions. Un certain nombres d’élus et de personnes rechignaient sur le thème «de quoi il s’occupe, de quoi on va s’occuper encore?» Or il est écrit dans le statut particulier de la Corse que l’Assemblée de Corse s’occupe des affaires de l’île. Incontestablement, la violence fait partie des affaires de la Corse puisque nous sommes la région la plus criminogène d’Europe. Durant la commission «Violences» nous avons entendu un historien, monsieur Antoine-Marie Graziani, qui a sorti un livre sur la violence et la Corse. Selon lui, c’est un phénomène vieux de plusieurs siècles. Le crime fait partie de la Corse et de notre spécificité, à mon grand désarroi et à ma désapprobation.
En Corse, peut-être un peu plus qu’ailleurs, c’est l’appât du gain qui prime sur tout et comme nous sommes dans une société où, soi disant, il faut faire «du fric, du fric, du fric», il va falloir faire comprendre qu’il y a des gens et des élus qui se battent pour mettre l’homme et la femme au centre du dispositif public et pas le fric. Le fric pollue tout.
Dans la dernière période, le milieu Corse veut s’installer en bord de mer pour faire du fric. Cela donne un prix du mètre carré qui atteint des sommes astronomiques. Il n’y a plus un Corse issu des couches moyennes qui peut s’acheter 1500m2. Cela donne un littoral qui ne peut être acheté que par des gens riches. La spéculation immobilière ça suffit, ça met le pays en ruine et ça tue notre avenir. Comme la pénétration de l’économie par l’argent sale. En même temps, ici comme ailleurs, la précarité, l’échec scolaire et les sorties de nos gosses sans aucune qualification, sont la porte ouverte à la délinquance.
Proportionnellement, la situation est beaucoup plus grave en Corse, qu’à Marseille par exemple. Les pouvoirs publics doivent prendre des dispositions. L’opinion publique, en particulier sur l’île, se tourne naturellement vers ses élus. La Corse dispose de nombreuses compétences, plus que le Conseil régional d’Ile-de-France, sauf que nous n’avons pas la maîtrise de la Justice, de la gendarmerie et de la police, ce sont des pouvoirs régaliens de l’Etat. Il faut donc que les pouvoirs publics, comme je l’avais demandé au président Hollande, interviennent rapidement, parce que ce n’est plus vivable.
Est-ce que les mesures proposées, sont les bonnes mesures? J’attends les réponses du comité interministériel. S’il faut un préfet de police, à la limite pourquoi pas, s’il faut coordonner mieux, pourquoi pas, je veux bien mais en définitive il faut faire attention. À partir du moment où on a tué deux personnes, il y a deux jours et que ça va continuer, il faut s’attaquer aux racines du mal. La racine du mal est de lutter contre le fric, surtout quand il est obtenu d’une manière illicite. Par ailleurs, tous les clignotants sont en rouge au point de vue social. il faut également y remédier. Autrement on va se retrouver, comme il y a quelques années, quand le ministre de l’Intérieur venait faire des effets de manches après un moment difficile et six mois après, les meurtres recommençaient.
La Corse est pratiquement championne de France du chômage, championne de France de la précarité, championne de France des inégalités sociales,championne de France des suicides. Nous sommes les derniers pour l’accueil de la petite enfance, dernier en France pour la formation professionnelle des 16-21 ans et avant dernier en Europe pour la formation professionnelle des 16-25 ans. Il faut établir un véritable plan d’action.
Nous manquons de moyens. Nous ne pouvons pas nous tourner vers les Corses pour lever de nouveaux impôts avec une précarité telle qu’elle existe. Il faut donc mettre autour de la table bon nombre de gens, avec l’Etat en première ligne, et voir comment, en 10, 15 ou 20 ans on va régler les problèmes, qui ne peuvent pas être résolus à coup de baguette magique, et entraîner le maximum de gens, pour qu’il y ait un sursaut collectif du peuple Corse.
De l’école à la maison, des parents aux grands-parents, qu’on explique des choses simples et qu’on essaie de régler les problèmes. Et qu’on ne nous parle pas d’une certaine culture qui tend à dire «je suis un homme quand j’ai un calibre», au contraire, aujourd’hui on est un homme et une femme lorsqu’on a pas de calibre mais lorsqu’on a la tête sur les épaules. «
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