Corse – Dans une lettre, Yvan Colonna menace un témoin de « guerre »

Yvan Colonna, jugé pour la troisième fois pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, a menacé de « guerre » dans une lettre un autre protagoniste-clef de l’affaire pour qu’il témoigne en sa faveur.

Ce nouvel élément a été rendu public à l’audience tard vendredi soir par le président de la cour d’assises spéciale de Paris Hervé Stéphan, qui venait de le recevoir de la police. Il s’agit d’un nouveau coup de théâtre dans ce dossier criminel, le plus grave en 40 ans de violence politique en Corse.

Dans cette lettre manuscrite de quatre pages en langue corse, datée du 19 décembre 2010 et publiée samedi par plusieurs médias dont Europe1.fr, le berger de Cargèse invoque sa condamnation lors du deuxième procès de 2009 et s’adresse à Pierre Alessandri, condamné à perpétuité, pour le presser de le blanchir.

« Malgré tes dires, toutes tes promesses (façon Pinocchio), tu n’as pas fait ce qu’il fallait faire. (…) Ce sera la guerre !!!! La guerre. Au procès, il faudra assumer ce que tu as été : une balance. Tu m’as balancé, tu m’as sacrifié », peut-on lire.

« Et la guerre dehors, il y en aura pour tout le monde. Il faut que tu le saches : tout le monde. Je suis clair. Prends ceci comme tu veux. Des menaces ? A moi, ça me va. C’est comme cela, j’assume », ajoute Yvan Colonna.

Il lui « recommande de motiver sa femme », autre témoin à charge contre Yvan Colonna qui est en liberté, afin qu’elle témoigne aussi en sa faveur.

Pierre Alessandri, comme trois autres protagonistes avérés du crime, avait accusé Colonna à partir de mai 1999, avant de se rétracter en octobre 2000. Condamné en 2003, il a déclaré en 2004 qu’il était le véritable auteur des coups de feu.

Ses déclarations aux deux premiers procès d’Yvan Colonna n’avaient pas convaincu, car tout en affirmant de manière ambiguë que son ami d’enfance était innocent, il lui reprochait son manque d’adhésion à la cause et sa fuite entre 1999 et 2003. « Ta fuite a conditionné ta culpabilité », lui disait-il en 2009.

LA DÉFENSE ÉBRANLÉE

Les cinq avocats d’Yvan Colonna n’ont pas réagi dans l’immédiat. Ils ne démentent pas que l’auteur de la lettre soit bien leur client. « Nous allons discuter de cette lettre à l’audience, de manière contradictoire, lundi matin », a dit à Reuters Me Eric Dupond-Moretti.

Les circonstances de la saisie de cette lettre par la police sont encore inconnues. Elle n’a pas encore été expertisée.

Entendu jeudi dernier, Pierre Alessandri avait confirmé à la cour d’assises de Paris le nouveau récit d’Yvan Colonna, présenté comme l’accusation comme l’auteur des coups de feu sur le préfet, pour tenter de démontrer son innocence.

Selon cette nouvelle version, apparue cette semaine après 13 ans de procédure, Colonna dit avoir été contacté pour faire partie du groupe de tueurs mais avoir refusé, ce qui aurait suscité un sentiment de rancune censé expliquer que les auteurs du crime l’aient mis en cause à tort.

Cependant, Pierre Alessandri avait ajouté à ce récit des déclarations amères sur Yvan Colonna, le présentant comme un militant nationaliste peu enclin à assumer son engagement.

Ce coup de théâtre survient au milieu d’un procès marqué à nouveau par des défections de témoins et d’autres dépositions ambigües des autres protagonistes de l’affaire, comme celle d’Alain Ferrandi, chef supposé de groupe.

Tout en disant l’accusé innocent, il ne s’excusait guère mardi dernier de l’avoir mis en cause de 1999 à 2003. « Je me disais qu’Yvan avait les moyens de justifier de son innocence. Compte tenu de l’entregent de son père, il n’avait pas besoin de moi », a-t-il dit.

Jean-Hugues Colonna, père de l’accusé, fut député socialiste et membre des cabinets de deux ministres de l’Intérieur. Il assiste à toutes les audiences avec la soeur de l’accusé, élue nationaliste, son frère, leurs proches, et la jeune femme que le berger a épousée en détention en mars.

Thierry Lévêque, avec Eric Faye pour le service français

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/depeche/top-news/20110528.REU0917/dans-une-lettre-yvan-colonna-menace-un-temoin-de-guerre.html

 

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