Une fois mises entre parenthèse les questions relatives à l’appartenance à la République et à la violence politique, rien n’effraie vraiment plus la classe politique insulaire. Corsica Libera a su faire entendre et passer ce message.
Depuis plusieurs mois, la mouvance indépendantiste semblait en difficulté. Tout d’abord, son expression publique Corsica Libera était confrontée à des tensions centrifuges entre le courant majoritaire issu de Corsica Nazione et ayant pour leader Jean-Guy Talamoni, et les militants venus de Rinnovu et ayant pour chef de file Paul-Félix Benedetti. Ces derniers n’acceptaient pas que le courant majoritaire ait voulu, lors de l’Assemblée générale de Corsica Libera (février 2012), que chaque courant se compte à partir du vote d’une motion d’orientation générale, et que la direction du parti indépendantiste reflète le résultat. Ils considéraient qu’il s’agissait de la mise en œuvre d’un fonctionnement hégémonique visant, sous couvert de démarche démocratique, à les écarter des instances décisionnelles. Ces tensions ont semble-t-il aussi gagné la clandestinité. Ces dernières semaines, un groupe de militants du FLNC a, lors d’une conférence de presse nocturne, affirmé sa volonté de « donner une parole et une structuration plurielle au FLNC ». Or, chacun s’accorde à estimer que ce groupe serait proche des anciens militants de Rinnovu. Corsica Libera devait aussi compter avec les résultats médiocres obtenus par ses candidats lors des Législatives. S’autant que ce rendez-vous électoral avait été marqué par les bons résultats des candidats autonomistes Gilles Simeoni et Jean-Christophe Angelini, dans les circonscriptions de Bastia et de Porto-Vecchio. Enfin, Corsica Libera devait assumer les retombées (meurtre d’un de ses dirigeants, tentative d’assassinat contre un autre, interpellations de militants) de son positionnement en flèche contre la spéculation foncière et sa solidarité politique avec les actions menées par le FLNC contre des biens réputés relever d’opérations spéculatives ou de l’économie résidentielle.
Un débat cordial et constructif
Les récentes Ghjurnate di Corti ont permis à Corsica Libera de réagir et même de reprendre la main. En effet, à cette occasion, des élus de partis traditionnels et de la mouvance autonomiste ont favorablement répondu à l’invitation qui leur était faite de venir, à la tribune des Ghjurnate, débattre de l’avenir institutionnel de l’île. Etaient notamment présents : Edmond Simeoni, le député UMP Laurent Marcangeli, Michel Castellani représentant les élus de Femu a Corsica, le député européen PNC François Alfonsi, Pierre Chaubon présidant la commission de l’Assemblée de Corse ayant en charge les questions institutionnelles, deux membres du Conseil exécutif (Pierre Ghionga, Emmanuelle De Gentili) ayant sans aucun doute reçu l’imprimatur de Paul Giacobbi. Lors d’un débat aussi cordial que constructif, tous ont évoqué l’éventualité d’une réforme institutionnelle afin de mettre en œuvre des solutions corses en matière de co-officialité, de fiscalité, de citoyenneté corse, de lutte contre la spéculation foncière. Corsica Libera a ainsi mis les principales revendications nationalistes et les problématiques de la question corse au cœur débats de son grand rendez-vous annuel. Une fois encore les Ghjurnate di Corti sont apparues comme un moment fort et incontournable de la vie politique insulaire. Le bon millier de personnes présentes n’aura pas été déçu. Il a pu entendre qu’une fois mises entre parenthèse les questions relatives à l’appartenance à la République et à la violence politique, rien n’effrayait vraiment la plupart ders invités. Ainsi, se définissant comme « un homme libre, partisan d’une Corse émancipée dans la République », Laurent Marcangeli a affirmé « Nous pouvons être suffisamment matures pour faire monter à Paris notre volonté de réforme (…) La Corse ne devait pas avoir peur de l’autonomie dans le cadre de la République. » Le nouveau député d’Ajaccio a aussi promis que si un consensus large était trouvé, il défendrait à Paris les réformes demandées par l’Assemblée de Corse.
Dialogue et recherche d’un consensus large
Après le débat de présentation des grandes orientations du PADDUC, les Ghjurnate di Corti ont confirmé qu’un esprit constructif animait l’ensemble de la classe politique corse. Il est aussi apparu qu’instruits par des précédents fâcheux de « négociations secrètes » et de « solutions imposées », les acteurs politiques présents à la tribune souhaitaient un débat transparent et que les éventuelles propositions d’évolution institutionnelles soient soumises à une consultation populaire avant d’être portées à Paris. Lors de son intervention, à l’occasion du meeting marquant la fin des Ghjurnate, Jean-Guy Talamoni n’a pas manqué de relever les raisons d’espérer et a bien pris soin de souligner combien Corsica Libera était disposé à tout faire pour donner une tournure concrète à l’espoir. Louant le « courage politique » de ses invités, il s’est félicité que « la nécessité d’une révision constitutionnelle pour la Corse » soit désormais « largement admise. » Il a également précisé que fort de ses quatre élus à l’Assemblée de Corse, Corsica Libera entendait « poursuivre le dialogue avec l’ensemble des responsables politiques de la Corse. » Enfin, il a annoncé que son parti demanderait très prochainement à rencontrer l’UMP et le Parti Socialiste. Pour conclure, on notera que le leader de Corsica Libera a aussi défendu la nécessité d’un « consensus intégrant la droite et la gauche », rappelant que ce front commun ne serait pas de trop pour que soit trouvée, lors d’un Congrès réunissant à Versailles députés et sénateurs, la majorité des rois cinquième nécessaire à toute évolution institutionnelle exigeant une révision de la Constitution.
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