#Corse – Mort d’un des pères fondateurs du FLNC devenu un artisan de paix

Yves Stella est mort dans la 70e année d’une vie politique et personnelle féconde. Une longue et douloureuse maladie a mis un terme à un itinéraire tout à fait atypique qui l’a conduit des geôles de l’État français à la direction d’une maison de la Culture.

Si on ne devait retenir qu’un seul fait de son existence qui puisse faire prendre conscience de son évolution, ce serait le suivant : en août 1977, le militant clandestin qu’il était depuis quinze mois participait à une des opérations commandos qui a le plus marqué la mémoire collective des Corses. Elle avait consisté à placer une charge explosive au pied du relais de télévision de Serra-di-Pigno qui domine la ville de Bastia. La destruction de cette haute antenne illuminée la nuit, qui fait partie du paysage familier de la population, avait privé tous les foyers de télévision pendant près d’un an. Dieu sait si, à l’époque, cette action du FLNC avait été impopulaire. Et bien depuis quelques années, Yves Stella était président du syndicat intercommunal des réémetteurs de télévision du Cap-Corse. Et œuvrait à ce que les habitants des villages les plus isolés aient accès à leurs chaînes préférées.

Une action publique unanimement saluée

« C’est pour moi un grand choc. Yves était une personnalité marquante et attachante, qui a beaucoup apporté à la Corse. Il avait le sens de l’écoute, du dialogue, de l’intérêt collectif. Il avait une plume extraordinaire, et c’était un bourreau de travail ».

Comme Yves Stella, Léo Battesti a été ce qu’on peut appeler un « militant de la première heure ». C’était un de ses plus proches compagnons d’armes. Ils ont tout partagé de la lutte nationaliste, les actions nocturnes, l’esprit de fraternité, les manifestations musclées, la prison.

« Il était aussi respecté de tout le monde, y compris de ses opposants politiques ». Le commentaire de Léo Battesti n’a rien de partisan. François Orlandi, élu de gauche au conseil général de la Haute-Corse, le confirme : « Nous étions très liés. Yves était reconnu pour sa gentillesse, son engagement indéfectible en faveur de la communauté du Cap. Il s’était fait apprécier pour son intelligence, sa culture, son sens de la solidarité, sa liberté d’esprit, son honnêteté intellectuelle ».

Yves Stella est né à Morsigla le 8 octobre 1942, un village historique du bout du Cap, avec six tours carrées de la période génoise pour sentinelles, place forte de Pasquale Paoli et patrie de François Antomarchi, le dernier médecin de Napoléon dans son exil à Sainte-Hélène. Longtemps conseiller municipal, il en était le maire depuis dix-sept ans (le premier maire nationaliste de Corse) et membre très actif de la Communauté de communes du Cap. C’était un résistant acharné contre la désertification rurale, et si une nouvelle école doit être bientôt construite dans la commune voisine de Centuri, on le doit beaucoup à sa détermination. De même, il a fait du couvent de Morsiglia, un des plus anciens monastères de Corse, un haut lieu de l’art contemporain. C’est son caractère volontaire, altruiste, imaginatif et visionnaire que d’aucuns retiendront de lui.

À la source originelle de la clandestinité

Parce que le Cap Corse est également un terrain de prédilection des incendiaires, Yves Stella avait multiplié les initiatives de prévention comme maire, mais aussi en sa qualité de directeur du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Corse.

Yves Stella voulait protéger du fléau du feu un maquis qu’il a occupé en mai 1976, en créant le FLNC avec un cercle fermé de frères d’armes. Au nom du mouvement clandestin, il avait rédigé le projet de société pour la Corse. Mais l’homme de réflexion se doublait d’un homme d’action, à une époque où les nuits bleues se succédaient.

Arrêté le 1er juin 1978, lors d’une grande offensive des services de sécurité contre le FLNC avant la visite dans l’île du président de la République Valérie Giscard d’Estaing, il avait comparu devant la Cour de sûreté de l’État lors d’un procès retentissant. Condamné à 15 ans de réclusion, il avait été amnistié trois ans plus tard, en 1981 sur décision du nouveau chef de l’État, François Mitterrand. Après la scission de 1992, il avait fondé le MPA et avait été élu à l’assemblée de Corse sur une liste où on trouvaient également Alain Orsoni, Antoine Sollacaro et Gilbert Casanova.

1992, c’est aussi l’année de la mise en œuvre du statut Joxe. Yves Stella avait d’ailleurs été un des interlocuteurs privilégiés du ministre de l’Intérieur.

Incisif dans ses écrits, proche des médias, il avait été directeur de publication du journal nationaliste U Ribombu avant de créer son périodique, Paese.

Mais comme son aîné Edmond Simeoni, Yves Stella, le militant probe et idéologue, avait été meurtri par la guerre entre nationalistes et les dérives affairistes qui la minaient. Il choisissait alors de ne plus cautionner la violence et, depuis vingt ans, il avait rallié la famille des modérés du PNC. « Un compagnon engagé, dévoué, agréable, désintéressé, doté d’un œil critique qu’il ne fermait jamais », dit de lui François Alfonsi, le député européen.

Yves Stella a eu deux vies.

Celle d’un destructeur puis celle d’un bâtisseur.

Deux vies qui ont eu pour dénominateur commun la quête, toujours sincère et parfois désespérée, d’un destin et d’un avenir meilleurs pour sa terre.

Mais ne dit-on pas que l’ombre est nécessaire à la lumière ?

Ses obsèques seront célébrées demain mardi à 16 heures dans son village natal de Morsiglia.

À son épouse Élisabeth ainsi qu’à tous ses proches, Corse-Matin présente ses condoléances les plus attristées.

http://www.corsematin.com/article/morsiglia/mort-dun-des-peres-fondateurs-du-flnc-devenu-un-artisan-de-paix.711429.html

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