Il y a douze jours, la Ligue des droits de l’Homme a adressé un questionnaire aux candidates et aux candidats aux législatives en Corse.
Elle remercie Jean-Luc Albertini (A Voce Paesanu), Paul-Mathieu Leonetti (Corsica Libera), Laurent Marcangeli (UMP), Simon Renucci (Corse Social-Démocrate), les candidats de Corsica Libera (Ghjuvan Filippu Antolini, Paul-Mathieu Leonetti,Paul Quastana, Petru Antone Tomasi et leurs suppléants) et du Front de Gauche (Dominique Bucchini, Marie-Jeanne Fedi, Paul-Antoine Luciani, Michel Stefani et leurs suppléants) pour leurs réponses argumentées. Elle a pris connaissance du mail de Femu a Corsica (Jean-Christophe Angelini, Romain Colonna, Saveriu Luciani, Gilles Simeoni). Elle rappelle qu’elle n’a pas sollicité les candidats du FN qui prônent une société inégalitaire fondée sur la discrimination et exacerbent les passions identitaires dans le sens du rejet de l’Autre.
Une nouvelle phase de la décentralisation est prévue. Etes-vous favorable à la reprise d’un dialogue entre le gouvernement et les élus de Corse pour traiter de la question corse de manière spécifique ? Quelles seraient vos idées forces ? Etes-vous favorable à l’ouverture d’une réflexion sur une citoyenneté locale de résidence et quelles en seraient les grandes lignes ?
Nous sommes évidemment favorables à une reprise du dialogue entre le gouvernement français et les élus de la Corse pour un traitement spécifique de la question corse. Nos idées principales sont la collectivité unique (suppression des Conseils généraux et des départements), le pouvoir législatif pour l’Assemblée de Corse et la création d’une « Camera di e pruvincie » (Chambre des provinces) – élue à la proportionnelle dans chacune des provinces – qui travaillerait sur le développement rural et l’aménagement du territoire. Naturellement, nous sommes favorables à une citoyenneté corse fondée sur 10 ans de résidence (sauf pour la diaspora). Cette citoyenneté conditionnerait l’achat de biens immobiliers et l’inscription sur les listes électorales. Elle permettrait en outre la corsisation des emplois. Nous sommes d’ailleurs le seul courant politique à avoir défendu cette citoyenneté lors des dernières élections territoriales et des Assises du foncier.
En matière de justice et d’Etat de droit, êtes favorable à l’abrogation des procédures pénales d’exception généralisées notamment par la loi « Perben 2 » et les juridictions d’exception ? Remettrez-vous en cause les dispositifs actuels de fichage et de traçage des citoyennes et des citoyens ? Comment pensez-vous pouvoir agir dans la lutte contre l’impunité en matière d’assassinats et de tentatives d’assassinat ? Donnerez-vous une priorité aux alternatives à la prison ? Quelles sont vos propositions pour que le rapprochement des détenus et des prévenus soit effectif ? Etes-vous pour le rétablissement d’une justice spécialisée pour les mineurs ?
Nous sommes favorables à l’abrogation de la loi « Perben II » et de toutes les juridictions d’exceptions. Nous sommes engagés contre les dispositifs de fichage (notamment ADN). S’agissant des assassinats et des divers actes de violence, nous sommes favorables, en tant qu’indépendantistes, au transfert à la Corse des compétences en matière de police et de justice. À cet égard, la politique française s’est avérée catastrophique. Il nous paraît indispensable de privilégier la lutte contre la spéculation immobilière (cause de nombreux drames), et contre le trafic de drogue. Nous préconisons également la création d’une Cour corse de contrôle des fonds publics et d’évaluation des politiques publiques (pour lutter contre les dérives de type mafieux). Cette proposition de notre part a été globalement retenue dans le rapport Bucchini sur la violence, voté par l’Assemblée. En matière de politique pénale, nous souhaitons privilégier les alternatives à la prison et le rétablissement d’une justice spécialisée pour les mineurs. Nous sommes favorables au rapprochement sans délai et effectif des détenus et prévenus (ce qui ne dépend que d’une volonté politique parisienne). S’agissant des prisonniers politiques, nous réclamons leur libération pure et simple.
En matière de droit des étrangers, êtes-vous pour la régularisation des étrangers qui sont installés en France ? Ferez-vous respecter leur droit à la famille ? Comment allez-vous garantir la liberté de circuler qui est un droit fondamental ? Quelles sont vos propositions pour un accueil des étrangers dans la dignité et le respect des droits ? Etes-vous pour le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales ?
Nous sommes favorables à l’application pleine et entière de la citoyenneté corse à toutes les personnes justifiant de 10 ans de résidence, quelle que soit leur nationalité actuelle. Dès lors, leurs droits seraient les mêmes que ceux des Corses d’origine en toutes les matières, y compris bien sûr dans le domaine électoral.
En matière de développement démocratique, quelles sont vos propositions pour en finir avec le cumul des mandats ? Etes-vous pour l’élection directe des conseils intercommunaux ? Permettrez-vous un meilleur contrôle des citoyens sur l’action des élus en simplifiant l’organisation politico-administrative ? Comment développerez-vous la démocratie délibérative ?
Le cumul des mandats doit être limité par la loi (celle de l’assemblée de Corse munie du pouvoir législatif). Bien entendu, le cumul serait impossible s’agissant des fonctions de membre de l’Assemblée de Corse et de membre de la Chambre des provinces. La même incompatibilité pourrait être prévue avec le mandat de député européen. Dans notre projet « Corsica 21 », les Conseils Généraux seraient supprimés (et les fonctions de député français élu en Corse auraient vocation à l’être dans l’avenir). Dans notre projet, il existe une seule structure intercommunale (Cunsigliu di e Pieve), dont les communes constitueraient des démembrements. Les membres du Cunsigliu pourraient être élus au SU direct. D’une façon générale, nous préconisons la simplification politico-administrative (notamment suppression des départements), la situation actuelle induisant une lourdeur inutile et une totale opacité des prises de décision politiques. Les fonctionnements démocratiques doivent être considérablement améliorés, tant par la simplification des institutions qu’en intégrant le point de vue de la « société civile ». Nous pensons notamment au rôle du Conseil économique social et culturel dont le poids actuel dans les décisions est à peu près nul (ses avis étant distribués, pour la forme, aux membres de l’Assemblée, souvent au dernier moment avant les votes !). Il conviendrait de l’associer pleinement aux débats de fond et aux décisions qui en résulteraient.
En matière de droits sociaux, comment répondrez-vous aux besoins en matière de logement social ? Que proposez-vous pour redonner pleinement accès aux droits à la santé et à l’éducation ? Allez-vous mettre un terme à la politique du chiffre, à la RGPP et à toute autre approche comptable dans les services publics ? Que proposez-vous pour passer d’une économie de la rente à une économie productive ?
S’agissant des logements sociaux, leur nombre est notoirement insuffisant compte tenu des besoins et de la forte proportion des familles corses qui y sont éligibles. Il faudra donc en produire de nouveaux. Toutefois, la question du logement ne doit pas être réduite à celle du logement social, les Corses devant pouvoir accéder à tous les types d’habitations. C’est la raison pour laquelle la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier doit être enrayée par l’institution d’une citoyenneté corse. S’agissant de la santé et de l’éducation, ces secteurs ne peuvent être assimilés à des marchandises comme ça a trop été le cas ces dernières années. À cet égard, la notion de service public doit être préservée avec beaucoup d’énergie. L’Université, par exemple, ne doit pas être livrée à des intérêts privés, ce que l’on voit trop souvent en France. La politique du chiffre, les actuels critères français (pour la suppression des écoles, des postes en milieu rural…) doivent être combattus. S’agissant du passage à une économie productive, nous préconisons pour notre part un développement durable et solidaire fondé sur la valorisation de notre identité et de notre environnement (cf. à cet égard notre projet « Corsica 21 » dont la 3 e version a été publiée ces derniers jours).
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