Un timide espoir de compromis se faisait jour dimanche au Québec, au 105e jour du conflit étudiant qui avait pris l’allure de contestation plus générale du gouvernement de centre-droit et relancé le débat droite-gauche pour les années à venir.
La forme et le calendrier de l’éventuelle solution demeuraient flous.
Une nouvelle rencontre en début de semaine entre les dirigeants étudiants et la ministre de l’Education était considérée comme acquise, et en tout cas ouvertement souhaitée de part et d’autre.
Mais sa date n’était pas fixée et les deux parties se livraient à une négociation indirecte par médias interposés quant à son ordre du jour.
Les étudiants – et notamment leur aile la plus radicale, la Classe – insistaient pour parler de la loi spéciale 78, qu’ils jugent « abusive » voire « liberticide » et dont le volet « encadrant » certaines libertés, notamment celle de manifester, leur a valu des soutiens inespérés dans la société civile, face à un gouvernement usé par neuf ans au pouvoir et soupçonné d’être touché par la corruption.
Il était toutefois pour le moins incertain que le Premier ministre Jean Charest accepte, car cela apparaîtrait comme un recul humiliant.
« Pas de sortie de crise sans reprise du dialogue »
« Le gouvernement a commis une grave erreur en adoptant la loi 78. Nous sommes passés d’un débat sur le financement des universités à un débat sur les droits fondamentaux », pense Jocelyn Maclure, professeur de philosophie politique à l’Université Laval.
Mais, « à moins d’élections surprise, je ne crois pas qu’il y ait une sortie de crise sans la reprise du dialogue entre le mouvement étudiant et le gouvernement », ajoute l’universitaire dans une déclaration à l’AFP.
Dès lors, sur quoi pourra porter le dialogue, alors que le gouvernement évite soigneusement toute allusion à une éventuelle réduction de la hausse des frais de scolarité?
Certains commentateurs canadiens ont vu une lueur au bout du tunnel dans les propos d’un des leaders étudiants, Léo Bureau-Blouin, qui a estimé possible de s’accomoder d’une certaine hausse si le gouvernement « acceptait de bouger » lui aussi sur ce terrain.
En fait, cette prise de position n’apporte rien de nouveau par rapport à l’entente ratée du 6 mai dernier. Les représentants des étudiants avaient alors envisagé d’accepter la hausse si les frais annexes de leur scolarité étaient sensiblement réduits. L’incertitude entretenue sur ce point par le gouvernement a fait échouer l’accord.
La difficulté de trouver une solution viendrait-elle du fait que le « printemps d’érable » québécois s’inscrit dans un phénomène plus général touchant la jeunesse occidentale, apparu d’abord dans le mouvement des « indignés »?
Certes, dit Jocelyn Maclure, pour beaucoup le conflit étudiant « n’est qu’un symptôme de plus du malaise avec le modèle +néolibéral+ et il y a assurément en Occident un élan favorable aux mouvements de contestation ».
Mais au Québec « l’ampleur et la durée de la contestation s’expliquent par l’échec de la gestion de la crise par le gouvernement ».
Ce dernier serait de plus en plus pressé de trouver une issue. Le puissant secteur du tourisme craint une saison désastreuse, alors qu’approchent la saison des festivals d’été et surtout le Grand Prix de Formule 1.
Le compromis attendu, s’il vient, ne réjouira pas tous les commentateurs. Pour Denise Bombardier, une des plumes du quotidien Le Devoir, ce sera une « victoire de la rue » sur le gouvernement, une « reddition déguisée en compromis ». La jeune génération québécoise, dont beaucoup saluent le réveil politique, y aura appris que « la rue est la voie royale et la plus enivrante pour imposer leurs idées », au détriment des institutions démocratiques.
Quoi qu’il en soit, « c’est sans doute le débat gauche-droite qui nous occupera dans les prochaines années », conclut M. Maclure.
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