« Ce jour-là cette pieve du Rustinu sentait déjà bon le printemps » – #Corse

(Corsicainfurmazione.org, publié le 6 avril 2025) Simu adduniti oghje, cusì numerosi, pè festighjà quellu chì natu 300 anni fà in stu paese hà sculturatu di modu difinitivu a storia di stu picculu populu.

Pasquale Paoli, Babbu di a Patria, est, sans aucun doute, l’Homme qui compte le plus dans l’imaginaire corse. Il est une figure qui rassemble, un destin que l’on célèbre, une ambition que l’on envie et qui – disons-le – a fait et continue de faire rêver bon nombre d’entre nous. Il ne s’agit pas à cette heure, et alors que s’ouvre une année qui sera riche en commémorations, occasions d’échanges et instants mémoriels, de refaire l’histoire. Je laisse cela aux personnalités qualifiées, scientifiques et universitaires, qui accompagnent aujourd’hui la démarche institutionnelle et politique que nous avons engagée afin de rendre un hommage appuyé et généreux à cette figure qui ne cesse de nous inspirer. Ce qui nous rassemble ici c’est la célébration de la naissance de Paoli, son entrée dans un monde et sa capacité à l’habiter, à le comprendre et le façonner. Et si cela doit aujourd’hui susciter en nous un sentiment, c’est me semble-t-il, celui de la joie. Quoi de plus beau que la naissance ? De plus heureux ?

Paoli nait le 6 avril 1725 et l’on peut imaginer que ce jour-là cette pieve du Rustinu sentait déjà bon le printemps, promesse des beaux jours à venir. Il vient au monde avec les révolutions de Corse, ce soulèvement collectif contre un système et ses oppressions. Il naît dans une Corse qui se révèlera différente de jour en jour, témoignage d’une Europe en pleine ébullition. Bref, il nait, comme l’on nait tous, avec la vie devant nous, tant de choses à accomplir et autant de possibilités de transformer ce don qu’est la vie en actions de bien. La naissance de Paoli constitue pour la Corse un moment fondateur, le premier d’une longue série d’actes, le plus significatif étant celui de la nation, mot dont l’étymologie est d’ailleurs liée à la notion de naissance (« nascere »). Certes, nous semblons – nous Corses – disposer d’une plus grande familiarité avec la complainte, avec la disgrâce… Mais il est des instants qui méritent de laisser place à l’allégresse. Nous le lui devons, comme nous le devons aux Corses, à ces générations de Corses qui depuis 300 ans s’inscrivent dans son héritage. Aussi derrière Paoli l’homme éclairé, Paoli l’homme d’Etat, Paoli le cosmopolite, Paoli u Merusaglincu, j’aimerais que nous célébrions Paoli l’inspirateur, le créateur de joie.

Si, comme nous l’enseigne Spinoza, « la joie n’est autre que l’augmentation de cette puissance d’agir, l’accroissement de cette vie en nous », alors nous avons toutes les raisons ce jour d’insister sur cette
facette de l’illustre personnage.

Le 17 octobre 1754, et alors que la question du retour d’exil se fait plus pressante, Pasquale écrit à son père, qui nourrit pour lui d’autres projets : « je m’aperçois que vous êtes tout empli de terreurs paniques. Comme nous sommes dans des dispositions contraires ! J’envisage la traversée (vers la Corse) comme l’invitation à une fête ! ». Une fête. Le mot est dit. Envisager la construction d’une nation, élaborer de nouvelles institutions, appliquer des principes novateurs, faire justice, battre monnaie, ériger à Corti un lieu de savoir, repositionner la Corse comme actrice de son destin, donner à son peuple une voix, tout cela est envisagé par Paoli comme une invitation joyeuse. Et ce, malgré la géopolitique complexe de l’époque, les oppositions – internes et externes -, les appétits étrangers et surtout, la guerre. Invitation joyeuse ? Cela peut sembler être un détail singulier, presque paradoxal, et pourtant ! Il me semble au contraire que cela est l’une de ses leçons les plus inspirantes. Cet homme a réussi le pari inespéré et quasi fou de faire de cette île, en 13 ans, 9 mois et 25 jours, un espace de luttes pour l’espoir d’abord, puis un lieu inédit de création et de liberté, enfin, un modèle démocratique observé avec attention par les philosophes et les grands esprits de son temps. Une puissance d’agir révélée et productive. Il a su manier l’art subtil de la joie, sentiment intime devenu levier de mobilisation collective, reconnu par la suite dans le texte fondamental :

« La Diète générale du peuple de Corse, légitimement maitre de lui-même, convoquée par le Général selon les modalités établies dans la cité de Corti les 16, 17, 18 novembre 1755. Ayant reconquis sa liberté, désirant donner à son gouvernement une structure permanente et durable, en le transformant en une constitution propre à assurer la félicité de la nation »1. Le bonheur de la Nation, élément moteur d’une lutte devenu projet politique. Je ne trouve rien de plus généreux dans l’œuvre de Paoli que cette invitation aux Corses à se laisser porter par un élan collectif heureux vers la liberté, vers la responsabilité et vers la justice. Un projet de société, un projet de Nation fait d’espoir, d’audace, d’ambition pour un peuple invité à ne pas se limiter mais à travailler pour se donner les moyens de réussir. Avec l’éducation, d’abord, et l’Université qui ouvre en 1765. La relocalisation de productions stratégiques, notamment une politique de plantation d’arbres fruitiers ou d’introduction de nouvelles variétés pour nourrir la population de manière durable. La structuration d’une marine corse dotée d’une flotte maritime et le développement des infrastructures portuaires, dans le cap Corse et à Lisula en particulier.

La création d’une monnaie (dès 1763) et d’une imprimerie nationale (1760). Autant de réalisations concrètes, à la charge symbolique incontestable qui auront marqué son passage dans notre histoire et celle de l’Europe. L’Europe justement. « Toute l’Europe est corse2 » selon Voltaire. Le caractère contagieux, et sans frontières, de son projet porteur d’émotions positives ne fait aucun doute. Car, ce que Paoli a créé a beaucoup fait parler, beaucoup fait écrire, et a nourri les réflexions et projets d’autres nations de par le monde. Le caractère étonnant de son œuvre et sa participation active pour allumer les Lumières sur son temps l’inscrivent définitivement dans le camp de l’allégresse. Une allégresse qui doit continuer à nous porter car elle constitue un leg précieux en ces temps plus habitués à la peur qu’à l’espoir. Allora, pè sta nascita, prumessa di u veranu corsu, pè i lumi, pè st’idea di nazione ch’avemu sempre in core, è pè a strada aperta da tè 300 anni fà, ti ringraziemu. Ti simu grati oghje è per sempre pè stu rigalu tremendu chì pruvemu è pruveremu sempre à tramandà, cù gioia è felicità, ghjè u mo auguriu u più sinceru. Evviva Paoli ! Evviva a Nazione ! À ringrazià vi.

Discours de la Présidente de l’Assemblée de Corse à l’occasion du 300ème anniversaire de Pasquale Paoli

 1 Préambule de la Constitution, cité dans de nombreux ouvrages : « La Diete Generale del Populu di Corsica, lecitimamente Patrone di se medesimo, secondo la forma dal Generale convocata della Cita di Corti sotto li giorni 16,17, 18 novembre 1755. Volendo, riacquistata la sua libertà, dar forma durevole, e costante al suo governo riducendoli a costituzione tale, che da essa ne derivi la felicità della Nazione ».
2 Voltaire
. . A l'accorta annant'à Google Infurmazione For Latest Updates Follow us on Google News Nos dernière informations sur Google Actus

Produit CORSU E RIBELLU

bandeauribelluteeshirt (1)

Produits à partir de 13e

error: