(Unità Naziunale, Lutte Internationale, Corsicainfurmazione.org, Publié le 5 février 2025) Voici la lettre ouverte du Front International de Décolonisation (FID) au président de la République Française et au gouvernement Français.
Déjà à l’occasion des questions au gouvernement Français. Le député Tjibaou par ailleurs chef de la délégation 𝗙𝗟𝗡𝗞𝗦 actuellement à Paris pour la séquence de discussions bilatérales, a saisi l’opportunité pour demander au gouvernement quel est le postulat de départ de l’Etat en rappelant quelques faits politiques : Que l’Accord De Nouméa est le fruit d’un long processus qui a débuté en 1983 afin de construire une 𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭𝐢𝐭𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐫𝐞 à notre pays. Que le FLNKS interpelle l’Etat pour poursuivre dans la voie du 𝐜𝐨𝐮𝐫𝐚𝐠𝐞 𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 qui a mené à l’Accord de Nouméa. Qu’après 40 ans d’histoire politique commune : nous ne sommes pas prêts à revenir en arrière ! A mis en garde l’Etat Français sur le fédéralisme interne prôné par les anti-indépendantistes : Nouméa serait pensé en dehors du reste du pays. Imaginez Paris séparé du reste de la France pour des raisons ethniques !
Réponse du Ministre d’Etat : Manuel Valls. La NC est meurtrie. Le sang a de nouveau coulé.. et les fractures sont profondes, elles paraissent même irréductibles. C’est un terrible retour en arrière. Pourtant seul le dialogue permettra de reconstruire un projet commun et partagé. LES ACCORDS DE MATIGNON & DE NOUMÉA AVEC LA PERSPECTIVE DU PROCESSUS DE DÉCOLONISATION SONT LE SOCLE DE NOS DISCUSSIONS. Il nous faudra être inventif, ambitieux, courageux pour bâtir un compromis..
Voici l’intervention et la réponse en vidéo :
Monsieur le président de la République,
Mesdames et Messieurs les ministres du gouvernement français,
Les 23 et 24 janvier 2025, en terre de Kanaky, colonisée depuis 1853 et soumise par votre État à une violence extrême qui a menacé jusqu’à l’existence du peuple kanak, les forces d’émancipation de Bonaire, de Corse, de Guadeloupe, de Guyane, de Kanaky, de Martinique, de Mã’Ohi Nui (Polynésie) et de St Martin ont constitué le Front International de Décolonisation. Depuis, plutôt que de prendre enfin la mesure de l’urgence de la décolonisation de nos pays et de sortir, par la grande porte de la dignité, de la période sombre de l’écrasement des peuples, vous avez décidé de persister dans le maintien d’un système anachronique qui constitue une injure à notre humanité et à l’Humanité toute entière. Vous êtes incapables de vous hisser à hauteur d’Histoire. Par vos déclarations, vous avez fait le choix du déni du fait colonial dont vous êtes seuls responsables. Plus grave ! Vous n’éprouvez aucune honte à oser vous poser en victimes des peuples colonisés par vous dont le seul crime est de revendiquer leur droit inaliénable à disposer d’eux-mêmes et à choisir librement leur destin. Peu vous importe que « La déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen » de 1789, dont vous êtes si fiers, rappelle avec une admirable pertinence que « la liberté » et « la résistance à l’oppression » « font partie des droits naturels et imprescriptibles de l’homme » ! Soyez rassurés ! Nous avons, depuis longtemps, compris que ce principe, à vos yeux, n’était pas applicable aux femmes et aux hommes qui vivent dans les territoires annexés militairement par la France. De même, et pour les mêmes raisons, vous foulez aux pieds les résolutions de l’ONU sur le droit à l’autodétermination des peuples dont vous êtes pourtant signataires et que nous faisons nôtres, en particulier :
➢ la Charte des Nations-Unies de 1945 qui, dans son article 1 alinéa 2, reconnaît le « principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes »;
➢ • la résolution 637 (VII) dite du « droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes. » (AG de l’ONU du 16 décembre 1952);
➢ la résolution 1514 dite « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux » (AG de l’ONU du 14 décembre 1960).
Monsieur le président de la République,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Non contents de ruser avec vos propres principes et le droit international, vous trichez avec la réalité et vos responsabilités en prétendant, insidieusement, que les révoltes et les luttes de nos peuples seraient le fait de prétendues « ingérences étrangères ». Ce faisant, par votre cynisme, vous vous discréditez aux yeux du peuple français lui-même et aux yeux de l’opinion publique internationale. Dépourvus de toute vision inspirante de l’avenir, vous organisez fébrilement une impasse historique dont les conséquences pourraient être tragiques demain. Nous ne voulons certes pas contester la profondeur de votre culture historique ni la remarquable intelligence de vos analyses politiques… Sachez néanmoins -s’il est besoin de le rappeler- qu’à l’origine des révoltes du peuple kanak en 1878, 1917, 1984, il n’y a eu que votre ingérence coloniale, votre suffisance, vos politiques génocidaires, la violence raciste de votre État à l’égard des Kanaks. C’est ce même mépris concernant le respect des Accords de Matignon-Oudinot, de juin 1988, et de Nouméa, de mai 1998, et le dégel du corps électoral qui ont provoqué l’éruption de dignité, en mai 2024, d’une jeunesse kanak consciente, fière et éprise de liberté. Sans doute, vous souvient-il que ce ne sont pas des mains étrangères qui, sous l’occupation nazie, ont poussé des jeunes françaises et français à se soulever contre l’occupant et ses collaborateurs. Vous n’avez pas été, comme l’écrivent vos parlementaires dans une « proposition de résolution européenne », « victimes d’une insurrection d’une violence inédite ». Vous avez provoqué la légitime colère du peuple kanak que vous pensiez, à tort, avoir définitivement brisé. Votre réponse à cette juste colère a été une répression aveugle contre cette jeunesse qui rappelle les opérations dites de « pacification » en Algérie et ailleurs, au Vietnam et en Afrique colonisés. Répéter à l’envie un mensonge n’en fait pas une vérité ! La construction et les principes fondateurs de notre Front reposent sur l’indépendance de notre organisation à l’égard de tout État et tout groupe de pression. Le Front International de Décolonisation est né uniquement des luttes et des solidarités de nos peuples contre le colonialisme français qui représente la seule puissance ingérente dans les affaires de nos pays. Du Front Antillo-Guyanais en 1961 à la Conférence des dernières colonies françaises d’avril 1985, à Bonneveine, jusqu’aux nombreuses rencontres de nos organisations durant ces dernières années, le projet d’une stratégie décoloniale commune et d’un front uni s’est progressivement structuré et a trouvé sa conclusion définitive à Nouméa. Vous ne pouvez plus continuer à mentir, à tromper votre propre peuple, à fuir vos responsabilités et à tenter de faire assumer à d’autres les conséquences de vos errements politiques et de votre mépris à l’endroit de nos peuples que vous imaginez incapables de penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Monsieur le président de la République française, Mesdames et messieurs les ministres, Nous n’éprouvons aucune haine pour la France et le peuple français, et encore moins pour les insurgé.e.s de 1789, de 1870 et les résistants qui, dans la nuit de la collaboration avec le nazisme, ont fait le sacrifice de leur vie pour la liberté. Les nôtres aussi ont largement contribué à cette libération de la France contre la peste nazie, même s’ils ont été remerciés par la mitraille du colonialisme français à Thiaroye, au Sénégal, pour ne citer que cette tragédie. C’est l’État colonial français que nous combattons et que nous finirons par vaincre. Nous n’avons besoin d’aucune « ingérence étrangère » pour y parvenir. La conscience et le courage de nos peuples y suffisent. Le Front International de Décolonisation appelle les organisations populaires ainsi que l’opinion publique française et internationale à dénoncer les mensonges délibérés de l’État français pour tenter de dissimuler lâchement ses responsabilités dans la situation désastreuse de nos peuples et poursuivre une politique coloniale d’un autre temps. Il est dommage qu’en dépit de vos déconvenues en Afrique face aux peuples du Mali, du Niger ou encore du Burkina Faso, vous n’ayez tiré aucune leçon, persistant ainsi dans l’impasse. Vous en êtes seuls responsables. Nos terres, nos forêts, nos océans, nos ressources naturelles, nos peuples ne sont pas vos propriétés.
QUELLES QUE PUISSENT ÊTRE LES PRESSIONS DÉRISOIRES QUE VOUS ORGANISEREZ CONTRE NOUS, L’HISTOIRE NOUS DONNERA RAISON ET NOS PEUPLES SERONT LIBRES.
Recevez, nous vous prions, nos salutations anticolonialistes.
FRONT INTERNATIONAL DE DÉCOLONISATION
Le Coordinateur Général
Mickaël FORREST
FRONT INTERNATIONAL DE DÉCOLONISATION
4 rue de la gazelle – aérodrome de magenta BP 3888 98846 Nouméa
coordination.generale@f-decolonisation.org