Un collectif s’organise contre le RN en #Corse

(Corsica Infurmazione – Publié le 5 juillet 2024) Dimanche dernier à 20 heures, une vague d’indignation et d’incompréhension nous submergeait. Le rassemblement national dans sa démagogie fonctionnelle est parvenu à convaincre des Corses de la possible coexistence de la culture corse et de la politique identitaire nationale franco-française.

L’extrême droite est en tout point incompatible avec cette tradition politique d’émancipation et de tolérance léguée par Pasquale Paoli et celle de la Résistance portée par des femmes et des hommes qui ont combattu fascistes et nazis lors de la seconde guerre mondiale, une tradition politique dans laquelle nous souhaitons totalement nous inscrire face à un Rassemblement National qui arbore fièrement son logo, la flamme tricolore inspirée du fascisme mussolinien.

Nous n’oublions pas qu’en 2015 Marine le Pen se positionnait contre la décentralisation, la reconnaissance des langues régionales. En 2017 la présidente du RN entendait supprimer les régions et les intercommunalités. En 2021, Eric Zemmour avait affirmé qu’il refuserait les prénoms corses comme premiers prénoms s’il était élu. En 2022, Marine le Pen s’opposait à la loi Molac sur la protection patrimoniale des langues régionales, à l’enseignement des langues régionales à l’école. En 2023, Sébastien Chenu, député du Rassemblement National indiquait que le RN s’opposait aux statuts particuliers « que ce soit pour la langue ou la résidence ».

Le RN dit agir pour les classes populaires et les plus précaires et pour une augmentation du pouvoir d’achat. Pourtant les faits sont têtus, les positions et les votes du RN sont en contradiction avec les intérêts de ceux qu’il dit défendre. À l’Assemblée nationale, dès le début de leur mandat, ses députés ont par exemple, voté contre l’augmentation du Smic (20 juillet 2023), contre l’indexation des salaires sur l’inflation (20 juillet 2023), contre le gel des loyers (21 juillet 2023), contre le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (23 juillet 2023). À la même période, ils se sont abstenus sur la création d’une garantie d’autonomie pour les étudiants (25 juillet 2023) ou sur la revalorisation des minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté (25 juillet 2023), ainsi que sur la revalorisation des salaires des fonctionnaires de 10% (26 juillet 2023), etc.

Le RN dénigre en tout point la question sociale. Du soutien des propriétaires fonciers, source principale d’inégalité, à la réduction des cotisations sociales, en passant par la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, ou encore de la question jeune où le RN prévoit de soutenir les plus aisés aux dépens des plus vulnérables. Opposé à l’augmentation du smic, à la hausse des salaires et au blocage des prix le RN est en somme plus anti-social qu’antisystème.

D’un point de vue économique le programme du RN est irréalisable, les pertes seraient trop importantes pour l’État français dont la dette publique dépasse déjà l’entendement. Le projet de baisse de la TVA pour les produits de première nécessité a déjà été abandonné à l’approche des législatives, et celui se référant aux énergies est conservé mais demeure inenvisageable tant les dépenses de l’État s’en retrouveraient accrues tandis que le niveau de vie s’effondrerait. À l’heure où la création d’un CHU en Corse est discutée, le RN a pour objectif de supprimer les ARS et de ne limiter les AME qu’à des situations d’urgence. Surprenant pour un parti qui prétend vouloir lutter contre les déserts médicaux ! En outre, une proposition de loi incitant les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux a été refusée par les députés RN.

Le RN souhaite supprimer l’aide médicale d’État afin de créer un dispositif réservé aux urgences vitales. Selon lui, cela entraînerait une économie de 1,6 milliard €. C’est un autre mensonge : l’AME a un coût de 1,1 milliard et représente moins de 0,5 % des dépenses de santé liées à l’assurance maladie.

En ce qui concerne les femmes, le RN s’est constamment positionné à l’encontre de leur émancipation. Opposés à l’inscription de l’IVG dans la Constitution, les députés RN ont voté contre la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, et n’ont pas pris part au vote de la loi Rixain visant l’égalité femmes-hommes dans les entreprises. Également opposé au congé menstruel et au plan de lutte contre les violences faites aux femmes ainsi que les violences sexistes et sexuelles, le RN ne considère les femmes que par le prisme du natalisme comptant sur ces dernières pour dresser une digue démographique contre la submersion migratoire et le déclin civilisationnel. Un projet qui combine étroitement sexisme et xénophobie.

Opposés aux quatre coins de l’occident au mariage de personnes de même sexe ainsi qu’à la suppression des zones anti-lgbt en Pologne l’extrême droite se positionne systématiquement à l’encontre des lois écologiques. Alors que les conséquences du réchauffement climatique sont déjà avérées et vont bousculer nos modes de vie à long terme, les élus RN, volontiers soumis aux lobbies économiques qui font plus facilement fi de la santé des gens que de leurs intérêts économiques et financiers, s’inscrivent dans une démarche négationniste. Le Rassemblement National a voté contre toutes les lois écologiques. Ne serait-ce qu’en 2024, ils se sont positionnés contre l’interdiction des pesticides et des PFAS qui constituent un risque avéré et majeur pour la santé publique. Argentella, Boues rouges ces noms résonnent dans notre conscience collective, comme la lutte contre la bétonisation du littoral, celle pour la prévention des incendies… inscrits à jamais dans ce continuum historique d’un mouvement social et populaire pour la préservation de notre terre et de notre culture, intrinsèquement liées.

Comment graver l’histoire du peuple corse dans cette histoire de luttes essentielles et vitales et voter aujourd’hui RN ? Comment pourrions-nous prétendre condamner la répression tout en donnant les clés du pouvoir à ceux qui s’en font les hérauts ? Ceux qui souhaitent limiter la possibilité d’aménagement et de réduction des peines des prisonniers. Ceux qui souhaitent abaisser la majorité pénale à 16 ans. Ceux qui prônent la présomption d’innocence pour les forces de l’ordre, qui répriment les mouvements d’émancipation et de colère légitime des peuples, en Kanaky et ici. Ceux qui, de tous temps, ont désigné les prisonniers politiques corses comme des “terroristes”. Ceux qui dans l’histoire ont toujours choisi d’être les ennemis de l’émancipation des peuples, les héritiers des tortionnaires du FLN algérien, des officines barbouzardes du SAC et de Francia. Ces ennemis de toujours de la LLN ! Allons-nous remettre les clés du pouvoir à ces Tartuffe, ces Janus de la première heure qui louent l’identité de la Corse tout en louant la France éternelle et en érigeant comme un dogme immuable, la France, une et indivisible ? Un vi sminticheti micca !

Dans leur processus de dédiabolisation, ils ont aussi saisi toute l’importance de la communication dans un monde interconnecté. L’avènement du RN marquerait la privatisation de l’audiovisuel public, et avec elle, la fin de la diversité d’opinion, la fin de la diversité culturelle, la fin de la diversité linguistique.

Au-delà de la question de fond, il nous faut évoquer la forme. Le Rassemblement National se manifeste en Corse par trois illustres inconnues et une girouette opportuniste dont la méconnaissance du territoire s’est révélée lors des débats. Ces parachutés n’ont de cesse de nous insulter par leur mépris de notre terre et de notre peuple. Comment pourrions-nous être représentés par ceux qui nous méprisent ? Ces schmittards qui cherchent à distinguer l’ennemi pour créer l’ami, créateurs de la haine et de son instrumentalisation. S’il nous faut aussi distinguer l’ennemi, nous ne devons pas faillir.

Le Rassemblement national, digne héritier du Front National de Jean Marie Le Pen, sera n’en doutons pas, le plus zélé des serviteurs d’un état figé dans sa posture coloniale opposé à toute avancée institutionnelle. “Dans une avalanche aucun flocon ne se sent jamais responsable” écrivait Voltaire.

O Ghjuventù corsa, o Corsi, hè tempu di svighjà si ! A lotta ùn si firmarà !

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