(Unità Naziunale – Revue de presse – Publié le 20 octobre 2023) L’article est celui du Journal de la Corse du mois d’octobre 2023 sous la plume de Pierre Corsi.
Réunis à Corti, à l’initiative du Collectif d’anciens prisonniers Patriotti, 600 nationalistes ont décidé de mettre en œuvre la démarche Chjama Patriotta ayant pour objectifs de relancer sur le terrain une stratégie de lutte de libération nationale et de préparer la fondation et la structuration début 2024 d’un grand parti indépendantiste.
Elles et ils sont venus de toutes les pieve. Parmi elles, parmi eux, des anciens prisonniers politiques, des figures du nationalisme, notamment Jean-Guy Talamoni, l’ancien président de l’Assemblée de Corse, et des cadres de Corsica Libera dont Josepha Giacometti-Piredda, l’unique élue à l’Assemblée de Corse de ce parti.
Étaient également présents des responsables du Sindicatu di i Travagliadori Corsi, de syndicats étudiants et du syndicalisme agricole. Certes, ces présences comptaient pour beaucoup. Mais l’essentiel était que femmes et hommes, jeunes et anciens, étaient près de 600, anonymes ou presque, à avoir fait le déplacement cet après-midi du dimanche 15 octobre dernier, pour exprimer ce qui circulait depuis des mois et des mois sur les réseaux sociaux : la nécessité d’un renouveau du combat nationaliste passant par un retour aux fondamentaux.
Après les propos introductifs de Jean-Philippe Antolini, le porte-parole de Patriotti, sur lesquels nous reviendrons plus avant, un débat a eu lieu. Il a été alimenté par des dizaines d’interventions. Il a été l’occasion d’une véritable catharsis. En effet, il a été fait part des déceptions, des tristesses ou des colères engendrées par l’action de la plupart des élus nationalistes de la Collectivité de Corse, ainsi que d’un rejet des derniers développements du processus Beauvau (délibération sur l’autonomie du 5 juillet dernier, propositions faites par Emmanuel Macron lors de sa venue chez nous). Il est aussi ressorti l’espoir suscité par le retour au premier plan des clandestins. Il a été exprimé des demandes fortes d’actions de terrain et d’écoute de la base militante. Plus de deux heures de libre parole ! Ce qui n’avait plus cours depuis longtemps dans les grandes assemblées nationalistes, les participants étant depuis des lustres invités à écouter des discours bien léchés, à faire leurs des éléments de langage, à applaudir, à agiter des drapeaux, à lever une main bien haut pour plébisciter des décisions prises par quelques responsables et initiés.
Le contexte, le pourquoi et le sens de la démarche
Avant le débat, c’est Jean-Philippe Antolini, le porte parole de Patriotti, qui a expliqué le contexte, le pourquoi et le sens de la démarche ayant conduit le Collectif à appeler les nationalistes à se réunir à Corti. Il a d’abord dressé un bilan sévère de l’action de la plupart des élus nationalistes, dénonçant une incapacité à impulser le changement, une impuissance face à l’État, des reniements et de la pulitichella ayant suscité de la désillusion chez de nombreux militants et électeurs et une menace accrue de disparition du peuple corse : « 2015 {…] S’apre un mumentu storicu di sperà chì pocu à pocu serà dilusu. Alora chì à ogn’elezzione, i resultati eletturali crescenu per e liste naziunaliste, u Statu francese ferma mutu di pettu à e dumande di a Corsica è l’eletti sò incapace d’impone un veru cambiamentu puliticu {…] Trà rinigamentu è pulitichella, u sperà d’una suluzione pulitica s’alluntaneghja mentre chì u spussessu è a minurazione di i Corsi in terra soia crescenu ogni ghjornu appena di più. »
Il a ensuite rappelé le sursaut ayant suivi l’assassinat d’Ivan Colonna et dénoncé les manœuvres ayant cornérisé les acteurs de la mobilisation populaire et permis au président du Conseil exécutif et plus encore à l’État de reprendre la main : « La lutte institutionnelle dépassée par son incapacité à créer un véritable rapport de force a cédé la place à une mobilisation populaire […] Alors que les jeunes, les syndicats, partis, associations, et divers représentants de la société civile étaient réunis au sein d’un collectif capable de faire venir l’Etat français à la table des négociations autour de revendications claires, l’Exécutif de corse plus désireux de garder la main que d’obtenir de réelles avancées a décidé d’écarter ce collectif et ses composantes et d’imposer ses propres revendications […]
La suite, nous la connaissons tous, le processus de Beauvau et le monologue d’Emmanuel Macron. Le peuple corse est devenu une communauté, sa langue et sa terre, fondements de ce qui le constitue, voués à la disparition et à la spéculation. Ce processus n’est depuis le début qu’un moyen de faire taire toute contestation en Corse et de gagner du temps Ce même temps qui joue contre nous et nous condamne si rien n’est fait à être effacés de l’histoire de notre terre. » Jean-Philippe Antolini a ensuite expliqué que ladite suite et la ressource qu’avait révélée la mobilisation populaire avaient conduit Patriotti à appeler les nationalistes à réagir et il a precisé le sens de la démarche : « L’espoir de voir notre nation renaître n’est pas mort. L’heure est donc à l’union de toutes les composantes du peuple corse au travers d’une démarche de mobilisation populaire et de résistance. Cette union devra se faire autour d’une revendication simple et partagée par tous : La reconnaissance du peuple corse et de ses droits sur sa terre. {…]Une implication militante déterminée et la réactivation de la lutte de masse, permettront de déployer à travers tous les contre-pouvoirs, la seule démarche qui vaille, celle de la LLN, seule garante des intérêts de notre nation et de son peuple. »
Strada petricosa, cime Indipendenza
A l’issue du débat évoqué plus haut, une synthèse a été faite. Les rédacteurs ont soumis à l’assistance, qui n’avait pas quitté les lieux, un texte énonçant d’abord que la démarche avait pour vocation de se structurer autour des axes suivants : résistance face au risque de dilution et de disparition du peuple corse sous les effets conjugués de la colonisation de peuplement et de la spéculation immobilière ; stratégie de construction nationale alternative rejetant les logiques de soumission et d’acceptation du destin français ; réactivation de la lutte de masse à travers tous les contre-pouvoirs ; mobilisations de terrain ; internationalisation du fait national Corse ; solidarité politique avec le FLNC et l’ensemble des patriotes corses en lutte ; objectif de l’indépendance nationale. La synthèse a aussi annoncé de premières actions : cycle de réunions publiques ; actions de terrain dans les jours et les semaines à partir des thèmes « A tarra, u Populu, a Lingua, u Suciale ». Enfin, elle a mentionné qu’une assemblée générale constitutive devrait début 2024 aboutir à la création d’un grand parti indépendantiste. A toute cette démarche, il a été donné un nom : Chjama Patriotta. Elle rappelle ce qu’appelait de ses vœux un composition À a Riscossa du groupe A Filetta durant les années 1970 : « Camina ingrandendu u lume sperenza. Strada petricosa, cime Indipendenza.»