(Unità Naziunale – Lutte Internationale – Publié le 20 octobre 2023) Dans la Résolution 1514 de l’ONU sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux datée du 14 Décembre 1960 il est clairement stipulé que « Tous les peuples ont le droit à la libre détermination; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. »
Notre pays est-il colonisé ? Incontestablement ! Notre Peuple est-il opprimé et discriminé ? Aucun doute n’est possible à cet égard ! *1 Nous sommes donc absolument fondés à exiger le respect de notre droit à l’autodétermination. Dans cette contribution, nous partageons avec vous l’analyse que fait le CNCP des différentes démarches proposées par les organisations qui se revendiquent anti-colonialistes, afin de mettre fin à la domination française et permettre que notre Peuple choisisse librement son destin.
Mais avant toute chose, il convient de rappeler les conditions dans lesquelles se déroule la lutte que nous menons pour atteindre de tels objectifs.
Il suffit d’observer la politique et le comportement du pouvoir colonial français dans ses dites « possessions d’outre-mer », pendant toute l’histoire de sa présence et aujourd’hui encore, pour planter le décor : la France n’acceptera jamais de respecter notre droit à l’autodétermination sans y être contrainte. Sa perversité est connue en la matière ! Deux exemples peuvent le rappeler :
1 -Le kidnapping de l’île de Mayotte – non reconnu par les instances internationales – après le référendum dans l’archipel de Comores, consultation au cours de laquelle le peuple colonisé avait choisi l’indépendance.
2 – La stratégie employée pour dévoyer le processus d’autodétermination du Peuple Kanak. (Circulaire de Pierre Messmer visant à rendre celui-ci minoritaire ; manipulation de l’électorat pour fausser le résultat ; iniquité manifeste dans la campagne avant le référendum, rendue possible par la mainmise du pouvoir colonial sur les institutions et les médias.)
En ce qui concerne notre pays, nous devons être pleinement conscients que le pouvoir colonial français a déjà enclenché les manœuvres pour faire barrage à tout processus d’autodétermination.
La préméditation se traduit, d’une part, par la modification introduite dans la Constitution française pour gommer notre qualité de Peuple et nous parquer dans la catégorie de « population », d’autre part, par l’intensification de la politique de « génocide par substitution ».
La France, aujourd’hui poussée dans ses derniers retranchements, a déclenché une véritable guerre contre notre Peuple dans l’espoir d’asseoir définitivement sa présence en Martinique.
Chassée de son « pré-carré africain », voyant sa puissance économique s’effilocher, réalisant la montée du sentiment national au sein de notre peuple et la détermination dont fait preuve une partie de notre jeunesse, la France est consciente que c’est sa survie en tant que puissance impérialiste qui se joue. Une fois de plus, nous vous invitons à vous reporter au propos tenus par Emmanuel Macron devant les hauts officiers de l’armée française à l’occasion des vœux de nouvel an*2. Le pouvoir colonial n’aura aucun scrupule à lancer une opération militaire pour tenter d’écraser d’éventuelles révoltes populaires. Certains applaudissent les rotations du RAID ou du GIGN et l’installation de nouvelles brigades de gendarmerie, relayant l’illusion que le seul objectif de ces forces françaises de répression est de venir combattre la délinquance. C’est oublier le sinistre rôle qu’elles n’ont cessé de jouer dans notre histoire et les attitudes ségrégationnistes qu’elles ont encore aujourd’hui envers notre Peuple*3. En fait, il s’agit de quadriller le pays et de renforcer le contrôle de la population pour garantir la pérennité de la domination coloniale. N’est-il pas assez explicite que les deux dernières grandes manœuvres militaires organisées par l’armée française avaient pour thème la protection et l’évacuation de… « ressortissants »? L’un des aspects les plus pernicieux de ces manœuvres, c’est l’implication de plus en plus marquée de jeunes Martiniquais. Des campagnes publicitaires massives sont organisées pour idéaliser l’armée et appeler nos jeunes compatriotes à s’engager (panneaux 4X4, Spots télévisés, visite des écoles, journées de propagande, etc.). Dans un pays où le chômage touche 60 % de la jeunesse, le message mis en avant, c’est l’opportunité d’emplois qu’offre l’armée, mais le vrai objectif du pouvoir colonial est de détourner les jeunes de la dynamique nationaliste avec l’intention de les utiliser, le moment venu, pour diviser les forces populaires.
Mais revenons aux fameux « ressortissants français ». Encouragés par le gouvernement à venir s’installer dans la colonie, jouissant d’accompagnements financiers pour leur installation et leurs activités professionnelles*4, bénéficiant d’une sollicitude empressée des gendarmes quand ils ont des litiges avec la population, ceux qui s’auto-désignent « expatriés », s’adonnent de plus en plus à des provocations et laissent libre cours à un racisme décomplexé. Ignorants de l’histoire et de la mentalité de notre peuple, ils n’ont aucune idée des conséquences qui pourraient en découler.
Profitons-en, pour dénoncer l’hypocrisie d’une large fraction des français dits de « Gauche » qui reprennent le narratif colonialiste sur « la grandeur de la France » et « le rôle qu’il lui appartient de jouer dans le monde », affirmant que « La Martinique est française et doit le rester ». A leurs yeux, la lutte menée pour défendre notre identité et notre culture ne devra en aucun cas remettre en cause l’unité de leur « République » et sa « Laïcité » ; la volonté d’exercer notre droit à l’autodétermination devient du « communautarisme ».
Il faudra bien que, tôt ou tard, tous les nostalgiques de « La Coloniale » entendent raison !
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C’est en prenant en compte tous ces éléments que nous pouvons affirmer que tous les partis qui prônent le « maintien dans la République », qui prétendent qu’un dialogue avec le pouvoir colonial pourrait amener celui-ci à prendre en compte nos « doléances », à nous accorder « responsabilité (sic!) » et « dérogations » salvatrices, que tous ces partis, donc, détournent honteusement notre peuple de la voie qui mène à la décolonisation et à l’autodétermination.
Tou sa sé èspwa malpapay !
Tous ces préliminaires nous amènent à considérer trois aspects de la problématique : la demande de modifications de la Constitution Française, la démarche électoraliste, la réinscription de la Martinique sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU.
1 – De ce que nous avons rappelé plus haut, nous pouvons tirer la conclusion qu’aucune modification de la Constitution Française ne vaudrait garantie d’une démarche positive d’évolution institutionnelle.
2 – Il en va de même pour la démarche purement électoraliste que proposent certains partisans de « l’évolution institutionnelle ». Nous avons évoqué l’importante marge de manœuvre dont dispose le pouvoir colonial pour vicier la base électorale et les conditions d’organisation des référendums. Mais le plus grave, c’est que les conditions dans lesquelles se déroulent les affrontements électoraux chez nous attisent de brutales et irréconciliables divisions au sein de notre Peuple*5. Ceci est un frein indéniable à la possibilité de construire l’indispensable unité qui nous permettrait d’affronter le colonialisme.
3 – Le combat pour la réinscription de la Martinique sur la liste de l’ONU des pays à décoloniser relève évidemment d’une impérieuse nécessité. Cependant pour qu’il soit gagné, il nous faut avoir un regard d’une grande lucidité sur ce qu’est l’ONU aujourd’hui : cette institution est devenu un Cerbère tenu en laisse par les puissances impérialistes occidentales, celles-ci y menant une politique de « deux poids, deux mesures », autorisant des agressions injustifiées, violant la souveraineté de certains pays ou leur imposant des sanctions illégitimes.
Il serait complètement illusoire d’espérer faire bouger les lignes à l’ONU sans avoir, au préalable, systématisé :
– le travail de dénonciation de la domination coloniale et la recherche de soutiens au plan international,
– la construction de convergences avec les mouvements populaires et les forces politiques anti-impérialistes à l’échelle mondiale.
– le lobbying auprès des gouvernements anti-impérialistes et de tous ceux qui travaillent à la réforme du fonctionnement de l’ONU.
Tout cela ne s’improvise pas et ne peut se concevoir que dans un cadre organisé.
En tout état de cause, tout ce travail sur le plan international sera totalement sans effet, s’il ne s’appuie pas sur une mobilisation de notre Peuple, conséquente et indiquant clairement qu’il exige le respect de son droit à l’autodétermination.
Plus généralement, aucune autodétermination ne sera effective, si le Peuple n’en est pas effectivement le moteur.
La priorité des vrais partisans de la Souveraineté doit donc être, d’une part, de diffuser massivement au sein de notre Peuple les éléments lui permettant de faire des choix éclairés et, d’autre part, de multiplier les espaces dans lesquels les Martiniquais et les Martiniquaises puisse faire l’apprentissage de la démocratie directe. En occurrence, des espaces où ils pourront s’accorder sur une vision et des objectifs communs, en particulier en ce qui concerne la démarche pour avancer vers l’autodétermination et la décolonisation.
En Tout cas, les portes des Comités Populaires restent grandes-ouvertes pour accueillir tous ceux qui s’accordent sur notre analyse et qui souhaitent porter concrètement leur contribution à la démarche que nous prônons vers l’autodétermination et la décolonisation.
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*1 Voir texte du CNCP « La présence coloniale de la France en Martinique ».
*2 Cf. article de Ji An Bout du 31.01.2023 à retrouver sur notre site
*3 C’est oublier le rôle qu’elles jouent également contre les mouvements populaires en France même.
*4 Illustration : l’intervention de Philippe VIGIER, ministre délégué aux Outre-Mer, le 11 octobre dernier au J.T. de 19 h sur Martinique 1ère.
*5 La haine alimentée entre les autonomistes de « EPMN » et les « Patriotes » du GRAN SANBLE en est une triste illustration.
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Pour le CNCP
Robert SAE, Responsable aux affaires extérieures