(Corsica Infurmazione – Revue de presse – Journal de la Corse) En l’absence de revendication et d’explication, il est prématuré de considérer que les attentats qui ont été commis à Brandu signifient le retour à une violence politique organisée et à haute intensité. En revanche, il est possible d’y déceler la volonté d’émettre un message très clair.
Dans la soirée du 15 février, deux villas ont été endommagées par des attentats à l’explosif sur le territoire de la commune de Brandu. Ces attentats ne sont pas revendiqués à l’heure où votre serviteur écrit ces lignes. Il est donc prématuré de considérer qu’ils ont été commis dans le cadre d’un retour à une violence politique organisée et à haute intensité. En revanche, il est permis de penser que le choix des cibles, de leur localisation et de leurs propriétaires représente la volonté d’émettre un message très clair. Les villas qui ont été visées étaient des résidences secondaires. Brandu compte parmi ses hameaux un site touristique jouissant d’une grande notoriété, très prisé par les visiteurs et où la pratique de la location saisonnière de villas et appartements est très répandue : la marine d’Erbalonga.
Or un des attentats a visé une villa située à l’entrée sud de ce site. Quant aux propriétaires, ils ne sont pas originaires de Corse. Tout cela évoque donc une volonté de dénoncer deux situations qui sont déplorées par une partie de la population insulaire et plus particulièrement par la plupart des militants, sympathisants et électeurs nationalistes : d’une part, la multiplication des résidences secondaires ou à vocation touristique alors que de nombreux ménages insulaires ne sont pas en mesure d’accéder à la propriété ou éprouvent de grandes difficultés pour se loger du fait de la saisonnalité des locations et du niveau de plus en plus élevés du coût des loyers ; d’autre part, un développement économique déterminé par un tourisme et une économie résidentielle qui sont souvent jugé invasifs et facteurs de nuisances et d’acculturation.
Prémisses ou signal ?
La typologie des attentats de Brandu conduit aussi à se souvenir de trois communications qui, l’an passé, ont été faites par des organisations clandestines. En mai, lors d’une conférence de presse ayant annoncé la création d’une organisation dénommée « FLNC Maghju 21 », des militants lourdement armés ont dénoncé que la Corse « s’apparente à un bateau à la dérive » et soit « livrée aux appétits financiers de quelques-uns ». Cette nouvelle organisation n’a plus donné signe de vie. Peut-être sa brève apparition n’a-t-elle été qu’une manifestation de militants clandestins ayant considéré que leurs organisations respectives tardaient à mettre en cause le peu de résultats selon eux obtenus, malgré cinq ans de gestion, par la coalition Pè a Corsica (Femu a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa, Corsica Libera) qui était alors aux commandes de la Collectivité de Corse.
En juin et ce quelques jours avant les élections territoriales, dans un texte ne comptant que quelques lignes, le FLNC Union des Combattants et le FLNC du 22 octobre ont mis l’accent sur la situation à leurs yeux « éminemment préoccupante du Peuple corse ». Enfin, le 2 septembre, le FLNC Union des Combattants et le FLNC du 22 octobre ont produit une vidéo donnant à voir la réunion de dizaines de militants en armes et un document très étoffé évoquant une évolution désastreuse de l’état de la Corse et de son peuple, et laissant planer la menace d’un retour d’une reprise des attentats. Si l’on prend en compte ces trois communications, il ressort nettement qu’un retour de la violence politique est possible et que les attentats de Brandu pourraient en être les prémisses ou le signal.
Risque de coup dur pour Gilles Simeoni
Si ces attentats sont revendiqués et surtout s’ils sont présentés comme ayant constitué les prémisses ou le signal d’une reprise de la violence politique, cela ne saurait vraiment contrarier Emmanuel Macron. Le Président bientôt candidat pourrait même trouver, dans cette reprise, matière à faire valoir qu’il a eu cent fois raison d’afficher de la fermeté à l’Alboru et à Cuzzà, de ne quasiment rien céder concernant les prisonniers nationalistes et de ne pas faire le moindre pas vers une évolution institutionnelle. En revanche, cette reprise représenterait un coup dur pour Gilles Simeoni pour au moins quatre raisons.
Premièrement : cela signifierait premièrement que des clandestins et au-delà les nationalistes qui en sont politiquement solidaires, ne croient plus en l’efficience de la voie électorale et de l’apaisement dont la Président du Conseil exécutif a été à la fois le promoteur majeur et le principal bénéficiaire (en parvenant même à faire oublier que la situation apaisée était pour beaucoup la résultante de la décision des FLNC de ne plus recourir à la violence politique). Deuxièmement : cela donnerait à penser que des clandestins sont désormais convaincus que Gilles Simeoni a renoncé à certains fondamentaux du nationalisme ou du moins à la volonté de les faire partager en Corse et de les défendre à Paris.
Troisièmement : cela rendrait plus difficile le bon déroulement du dialogue qui, depuis quelques mois, semble renoué entre l’Etat et Gilles Simeoni car, au bord de la Seine, il pourrait être considéré que faire des concessions sur les dossiers Prisonniers politiques ou Institutions ne pourrait suffire à aboutir à une solution politique durable et que tenir compte des clandestins, comme l’avaient fait à trois reprises les pouvoirs PS, serait politiquement ingérable face à l’opinion publique et à une grande partie de la classe politique continentales d’aujourd’hui.
Quatrièmement et enfin : cela accréditerait l’idée que pour des clandestins, il en est fini de l’image positive dont, il y a encore quelques mois, les FLNC Union des Combattants et du 22 octobre créditaient encore Gilles Simeoni, en le décrivant porteur d’une « vision moderne et ambitieuse », d’une « droiture morale » et d’un « charisme personnel », et en lui reconnaissant encore le rang de « leader incontournable ».
Et, comment ne pas le dire aussi, une reprise de la violence politique constituerait un coup dur pour la Corse et
les Corses.
Destructions, répression, tension, larmes et prison ne sont bonnes pour personne, même si elles résultent de la défense de causes justes ou de magnifiques sacrifices