(Unità Naziunale – Revue de presse – Publié le 24 septembre 2021) Corsica Libera : de la résilience à la renaissance ?
Trouver la force morale, dans la tempête, de réunir des dirigeants ayant annoncé qu’ils souhaitaient céder la place sans quitter le navire, des jeunes cadres prometteurs et quelques dizaines militants a été une incontestable victoire sur l’adversité et peut-être aussi le premier signe d’une possibe renaissance.
Corsica Libera a fait sa rentrée politique dans le cadre de la Ghjurnata Internaziunale organisée à Corti le 18 septembre dernier.
Cette rentrée et cet événement sont intervenus dans un contexte difficile. En juin dernier, lors des élections territoriales, la liste «Fà Nazione» conduite par Jean-Guy Talamoni n’a pas franchi le premier tour.
Le parti indépendantiste ne dispose plus d’un groupe au sein de l’Assemblée de Corse alors qu’il y a quelques mois encore, il y était fort de treize conseillers et qu’un des siens présidait cette institution. Seule Josepha Giacometti-Piredda représentera Corsica Libera dans l’hémicycle durant les sept prochaines années. Des dissensions ont affecté la vie interne du parti. Enfin, cerise particulièrement amère sur le gâteau, le frère ennemi indépendantistes Core in Fronte a fait son entrée en force à l’Assemblée de Corse.
Avoir le cœur d’organiser, dans un tel contexte d’échec, un rendez-vous politique qui a été phare ou au moins majeur durant des décennies, cela nécessitait une grande résilience. Corsica Libera en a fait preuve. Le parti indépendantiste n’a certes pas fait dresser un chapiteau.
Toutefois trouver la force morale, dans la tempête, de réunir des dirigeants ayant annoncé qu’ils souhaitaient céder la place sans quitter le navire, des jeunes cadres prometteurs et quelques dizaines militants a été une incontestable victoire sur l’adversité et peut-être aussi le premier signe d’une possible renaissance empreinte de pratiques et d’idées nouvelles sans que le bébé soit jeté avec l’eau du bain.
En effet, Jean-Guy Talamoni et quelques autres étaient là, une jeune garde est montée au créneau et le parti n’a renoncé ni à ses amitiés internationales, ni à ses solidarités politiques, ni à défendre ses revendications fondamentales au besoin en en allant jusqu’à une opposition frontale avec l’État et une différenciation assumée avec la majorité territoriale siméoniste, ni à sa ligne indépendantiste. En effet également, la volonté de créer les conditions d’une nouvelle démarche a été nettement exprimée.
Pour une attitude de rapport de force
Le contenu du texte qui a été lu à l’issue de la Ghjurnata par Josepha Giacometti-Piredda et Petru Antone Tomasi a d’ailleurs reflété la détermination affichée par les participants et le nouveau cap qui sera proposé lors d’une prochaine assemblée générale. Corsica Libera a confirmé vouloir garder sa place dans les combats pour la pleine et entière reconnaissance des droits nationaux des peuples et être aux côtés des partis et mouvements clairement indépendantistes : « Nous sommes toujours réunis pour porter le plus largement, le plus fortement possible, la voix de notre nation sur la scène internationale […] Notre voix ne se limite pas aux frontières de l’île. Nous vous remercions de votre soutien tout comme nous vous assurons du nôtre […] L’indépendance, pour vous comme pour nous, ce n’est pas qu’un slogan.» Le parti indépendantiste a réaffirmé sa solidarité politique avec les mouvements clandestins : « Par leur combat, les clandestins […] ont permis à notre peuple de ne pas disparaître, ont permis de porter sur la scène des Nations, un combat que l’Etat français s’est souvent entêté de nier, même si à plusieurs reprises, il a été contraint de reconnaître la justesse de ce combat en adaptant de façon très spécifique, le statut de la Corse. Et en appliquant à chaque fois la loi d’amnistie nécessaire. »
Corsica Libera a aussi affiché sa volonté de redevenir un intervenant majeur sur tous les terrains du combat politique : « Notre présence sur le terrain des luttes institutionnelles est plus que jamais indispensable. Indispensable, car elle est la seule à déranger vraiment l’État […] Face au refus et au mépris que l’Etat français affiche face aux revendications avalisée majoritairement et démocratiquement par les Corses, seule une attitude de rapport de force, y compris institutionnel, et de résistance politique sera en mesure de lever tous les obstacles, comme ce fut systématiquement le cas lors de notre histoire récente, pour chaque avancée s’inscrivant dans le cadre de la lutte du peuple corse.»
Refus d’une pseudo-autonomie croupion
Dans le texte susmentionné, tout en affirmant ne vouloir ni dénigrer, ni polémiquer, Corsica Libera a également fait part de son opposition au chemin pris par la majorité territoriale siméoniste : « Nous observons, avec inquiétude, que les treize présidents des « régions françaises » se positionnent dans le cadre d’une restructuration institutionnelle de la France « une et indivisible ». Ainsi, Corsica libéra se déclare formellement opposée à toute future évolution sous forme de pseudo-autonomie croupion […] Nous affirmons, sans rancune et sans rancœur, qu’un autre cap est non seulement possible mais absolument nécessaire pour assurer la survie du peuple corse sur sa terre. […] Pour nous, la Corse est, depuis toujours, une nation de droit naturel et il est évident qu’elle doit, à l’instar des peuples niés d’Europe, retrouver un jour la pleine souveraineté. » Enfin, dans le texte, le parti indépendantiste a mentionné qu’il redéploierait son action non seulement à partir de ses revendications fondamentale (refus des logiques spéculatives, transfert de fiscalité, mise en place d’une véritable compagnie publique maritime de la Corse, co-officialité de la langue corse, statut de résident, citoyenneté corse, rejet de la décorsisation massive de la société corse…) mais aussi en s’efforçant de dépasser le simple rôle de parti indépendantiste : « Notre toute prochaine Assemblée Générale sera l’occasion de démontrer notre capacité à nous restructurer et à nous inscrire dans cet élan nouveau, aujourd’hui vital, avec toute la force militante d’une jeunesse déterminée et responsable.
La création d’un Centre Hospitalier Universitaire multi-sites, les mesures permettant de lutter contre la cherté de la vie, l’arrêt des projets contraires au développement durable, la prise en compte des urgences écologique et climatique sont autant de combats qui, aujourd’hui, s’imposent à nous. »
Pierre Corsi