(Unità Naziunale – Gestion Institutionnelle – Publié le 25 février 2021 à 12h28) Chers collègues,
Une vingtaine de jeunes ont occupé le Palais Lantivy pour dénoncer l’injustice qui touche les derniers prisonniers de l’affaire Erignac. Cette injustice, nous l’avons déjà dénoncée plusieurs fois. Tant d’élus corses, même ici dans cette Assemblée l’ont dit à l’unanimité. Tant de conseils municipaux aussi.
Lundi, une limite a été franchie.
Je ne parle pas de l’intrusion des jeunes. La mobilisation publique et pacifique des jeunes, dans une solidarité intergénérationnelle qui me réjouit, pour demander à l’Etat français d’appliquer sa loi, a été un exemple de dignité et de responsabilité. Comment comprendre que lorsque vous demandez à l’Etat d’appliquer sa loi, non seulement l’Etat dit non, mais en plus de cela vous en ressortez ensanglanté, avec quatorze points de suture à la tête et avec une procédure à votre endroit ?
Lundi, une limite a été franchie.
Au Palais Lantivy, ces jeunes sont chez eux. Je veux leur dire à nouveau qu’ils ont tout mon soutien. Quant à ceux qui soufflent le chaud et le froid, je veux leur rappeler que notre seul souci est le respect des droits des Corses. Nous n’avons pas attendu aujourd’hui pour cela. Nous l’avons fait à leur âge, sans attendre ni recevoir d’ordres et de commandements des plus âgés. Même jeune, on est porté par sa conscience, son sens du commun, sa responsabilité d’Homme.
Lundi, une limite a été franchie.
Le préfet et le ministre de l’intérieur peuvent jouer la comédie autant qu’ils le veulent. Comment peuvent-ils être surpris de la situation ? Seraient-ils autant coupés des réalités, de notre façon de vivre, de nos espérances ? La seule intrusion sur la terre de Corse que je puisse constater, c’est la présence armée et violente des représentants de l’Etat.
Pourtant, lundi, une limite a été franchie.
Cette préfecture est occupée par un préfet arrivé cet été, par un SGAC qui vient d’arriver, et par un préfet à la relance encore plus récent. Les jeunes, dans leur droit, sont sortis ensanglantés pour avoir voulu défendre les droits d’autres personnes, les droits des prisonniers. « L’intrusion dans un bâtiment administratif » c’est bien beau. Mais que dit-on de l’intrusion du politique, du Premier ministre, pour ne pas dire du Président de la république dans une décision administrative de rapprochement des prisonniers ? Comment reprocher à un jeune qui n’a plus vu son père libre depuis 20 ans d’agir avec ses amis ? Qui peut le leur reprocher ? Ils n’ont rien cassé. Ils n’ont blessé personne.
Pourtant, lundi, une limite a été franchie.
De quel droit la police est-elle entrée dans les locaux de la Collectivité de Corse pour retirer des banderoles accrochées par des jeunes ? La violation des bâtiments de notre Collectivité, pour décrocher les banderoles, devant les caméras de Via Stella, doit nous conduire à prendre langue avec les avocats de notre collectivité pour étudier les conditions d’une procédure contre un acte qui nous semble à la fois immoral et illégal. Comment pourrions-nous consentir à cette profanation d’un lieu saint de notre démocratie ?
Lundi, le préfet a décidé de franchir une limite.
De nombreux mouvements sociaux ont déjà dénoncé les violences policières. Nous l’avons vu pour Maxime Beux qui s’était blessé tout seul, pour les gilets jaunes, les avocats, les infirmiers, lors des manifestations pour la défense de l’environnement, celles contre la loi « sécurité globale », ou pour déloger des migrants de leurs baraques… Il nous faut aujourd’hui adresser nos refus à une large opinion. A Paris bien sûr, mais aussi à la communauté internationale. Lorsqu’un Etat ne respecte pas ses lois, lorsqu’un Etat ne respecte pas l’expression démocratique, il reste le niveau de l’influence internationale. Forts du soutien des Corses et d’autres peuples amis en Europe, nous ferons valoir nos droits.
Le droit ne s’écrit pas à coup de matraques.
Alors, puisqu’il sied tant à ce préfet de franchir les limites, je demande solennellement qu’il franchisse une fois pour toutes les limites de notre pays. Oui, d’une certaine manière, il s’agit d’une position radicale. Elle est radicale selon son étymologie. Car elle est enracinée dans la promesse faite à notre jeunesse.
C’est cette promesse qui commande l’action et le discours de l’élu et du père qui vous parle.
Elle disait : « Campate felici ».
De mon côté, je ne veux pas l’oublier. Je ne saurais m’en libérer.
Je vous remercie.