(Unità Naziunale Publié le 18 novembre) La diète générale du peuple corse, légitimement maitre de lui-même, convoquée par le Général selon les modalités établies dans la cité de Corte les 16, 17 et 18 novembre 1755. Ayant reconquis sa liberté et désirant donner à son gouvernement une forme durable et constante en le transformant en une constitution propre à assurer le bonheur de la Nation. (Préambule)
A décrété et décrète l’élection d’un Conseil d’État auquel elle a conféré et confère la suprême autorité autant dans le « politique » que dans le « militaire » et « l’économique ». Elle veut qu’il soit composé d’un général, chef et directeur de ce Conseil, de beaucoup de Présidents du premier et de Consulteurs du second ordre, dont deux tiers soient de la Terre du Commun, des provinces de Balagne, Nebbio et du Cap Corse, y compris les villes de Bastia et de Calvi, et l’autre tiers soit du delà des Monts ; lesquels, répartis en trois Chambres, formeront trois Magistratures, chacune de douze Présidents et de trente six Consulteurs ayant pour objet une des fonctions essentielles du gouvernement ; celle s’occupant du « politique » sera dite Chambre de justice, celle du « militaire » Chambre de guerre, et celle de « l’économique » Chambre des finances. Attendu que la réunion continue de ces trois Chambres serait aussi coûteuse qu’incommode pour la nation, et apporterait d’ailleurs quelque lenteur dans la marche des affaires, elle n’aura lieu que deux fois par an afin de constituer le Conseil d’Etat dans toute sa plénitude ; le reste du temps il sera, avec la même autorité représenté par le général, chef commun, (ou par le Président général) et par trois Présidents seulement (un par Chambre) qui se relèveront tous les mois, par trois Consulteurs (un par Chambre) qui se relèveront tous les dix jours et par le secrétaire d’État. Les affaires qui seront soumises au Conseil seront reçues par le général, lequel, suivant les matières qu’elles concerneront, les transmettra au président de la Chambre compétente : celui-ci, après les avoir étudiées, les rapportera au sein du Conseil qui statuera a la pluralité des voix: le général aura deux suffrages, les présidents et consulteurs en auront une chacun. Les consulteurs voteront les premiers, puis les présidents, puis le général. En cas de partage égal des voix, le secrétaire d’Etat aura aussi le droit de suffrage. Dans les affaires relatives à la guerre, la voix du général sera décisive : il pourra aussi par lui-même, sans en référer au Conseil, convoquer des Consultes, des Congrès, ordonner des expéditions tant particulières que générales. Tous les membres du Conseil, leur vie durant, occuperont leur emploi et seront élus par le peuple. De la Diète générale. — La Diète générale devra être convoquée une fois par an, dans l’endroit qui paraîtra le plus opportun au général. Devant elle chaque magistrat, chaque fonctionnaire de la nation devra rendre compte de sa conduite. A cet effet, le général rendra le premier compte de sa conduite et attendra avec soumission le jugement du peuple ; les autres magistrats et fonctionnaires seront contrôlés par un syndicat de quatre citoyens élus par la Diète en compagnie du général.
L’abondance des affaires d’Etat et les contingences de la guerre qui doivent constamment occuper le Conseil afin qu’il apporte un remède rapide à toute chose le nécessitant ne lui permettent pas d’attendre et de traiter les causes civiles. A cet effet un tribunal sera élu, composé de trois juges légistes et d’un chancelier éligible par le Conseil devant lequel seront portés toutes les causes dépassant la somme de cinquante livres. Ses sentences seront sans appel jusqu’à cent livres inclusivement, et celles qui dépassent cette somme seront appelable en second instance, et dernière instance au Conseil d’Etat.
Les causes qui ne dépasseront pas cinquante livres seront décidées par des juges éligibles à raison d’un par pieve ; leur jugement sera sans appel jusqu’à la somme de cent livres inclusivement , et à partir de cent livres exclusivement seront appelables en second instance, et en dernières instances au tribunal civil.
Chaque juge devra choisir un notaire comme chancelier qui devra être approuvé par le Conseil d’Etat. Pour que les juges du tribunal civil et ceux des pieves aient de quoi vivre chez eux, il leur sera permis de prendre les honoraires qui sont dit, d’après le tarif suivant :
– De 15 livres jusqu’à 25 livres inclusivement, 12 sous.
– De 25 livres exclusivement et jusqu’à 50 inclusivement, 1 livre et 4 sous.
– De 50 livres exclusivement et jusqu’à 100 livres inclusivement, 2 livres, 10 sous.
– De 100 livres exclusivement jusqu’à n’importe quelle somme, 5 livres.
La parité nécessaire pour assurer le respect des ordres ainsi que la discipline que nos armées devront observer dans les marches ou d’autres expéditions militaires rendent indispensable la nomination d’un commissaire par pieve, et d’un capitaine et lieutenant d’armes pour chaque paroisse.
De même que les meilleurs et les plus zélés patriotes des pieves devront être commissaires, et leur élection appartiendra au Général et au Conseil d’Etat, de même les capitaines et lieutenant d’armes devront être parmi les plus respectés de la paroisse et leur élection dépendra de l’arbitrage de la communauté, et sera valable quand elle aura reçu la confirmation du Général et du Conseil d’Etat.
Au commissaire seront adressés les circulaires et autres ordres aussi bien au Général que du Conseil, dont ils veilleront à la prompte exécution. A cet effet il faut que le commissaire soit reconnu comme chef immédiat des troupes de la pieve à qui chaque capitaine de la pieve devra fournir la liste des gens aptes aux marches et celles des armes qui existent dans sa paroisse, de sorte que rassemblant le nombre d’hommes armés requis par le Général et par le Conseil d’Etat il puisse agir en conséquence et avec une telle exactitude que personne n’en soit importuné. Il gardera auprès de lui une copie de ces listes et adressera les originaux au Général, certifié par sa signature. Il sera cependant tenu, ainsi que les capitaines, de veiller à ce que ces détails soient consignés sur papier, et avec soin, étant donné qu’il doivent être enregistrés aux archives.
Dans les marches il sera toujours en tête des gens de sa pieve pour exécuter les ordres et les dispositions de celui qui commandera la marche en chef, à qui il montrera le mémoire concernant les hommes requis, afin qu’il soit possible de poursuivre les absents avec les peines appropriés et imposées par le Général. Il fixera, dans les lieux où il devra aller, une localité où ils devront se joindre à lui, sous peine d’une amende de 20 sous pour chaque absent qu’on répartira entre ceux qui participeront à cette expédition.
Encourront la même peine ceux qui pendant les marches, sans la permission nécessaire, s’éloigneront de leur commissaire à une telle distance qu’ils ne seront plus à portée pour exécuter ses ordres.
Instructions particulières seront données aux capitaines d’armes, et en leur absence, aux lieutenants, d’exécuter les ordres de la marche et autres qui seront donnés par le gouvernement, dont un exemplaire sera envoyé au Commissaire. Au cas où des rixes ou d’autres maux se produiront, ils devront accourir immédiatement avec la force armée pour arrêter les fauteurs et les coupables, et pour faire l’inventaire de leurs meubles et de leurs biens par actes notariés. Il informera le commissaire promptement de tout, afin que celui-ci, ayant mis le gouvernement au courant, puisse s’y rendre incessamment pour exécuter ce qui lui sera prescrit, sous peine, pour l’un comme l’autre, d’être privé d’office et de payer en propre l’équivalent de la somme qui serait dilapidée à cause de leur négligence, et d’être soumis aux mêmes peines que le coupable au cas où celui-ci, par leur incurie, ne serait pas arrêté. Le commissaire exercera son emploi à la discrétion du Général et du Conseil. Les capitaines et les lieutenants d’armes devront être changés chaque année.
L’élection de podestats et des pères du commun et des estimateurs de chaque paroisse se fera chaque année selon la disposition du Statut de Corse, au chapitre 8, et chaque podestat devra tenir le gouvernement informé sans délai de tout ce qui se passe chez son peuple, afin que, autant par son rapport que par celui transmis par le capitaine d’armes par l’intermédiaire du commissaire, le gouvernement puisse plus exactement veiller au bon ordre pour que les lois soient respectées.
Celui qui commettra des homicides volontaires, ou blessera gravement avec n’importe quelle arme, sera coupable d’avoir donné la mort, et en tant que tel, s’il tombe aux mains de la justice, sera passé par les armes comme ennemi de la société. Il ne jouira pas de ses biens, et en conséquence ne pourra plus disposer d’aucune chose qui appartenait. Sa propriété sera détruite dans la mesure du possible. Tous ses biens mobiliers passent au pouvoir du fisc qui, s’il le juge à propos et convenable pour l’Etat, pourra en certains cas particuliers arrêter la destruction de sa propriété, en l’adjugeant, avec les biens mobiliers, à perpétuité à la chambre des finances.
Celui qui tuera, ou par n’importe quelle action particulière tentera de tuer son ennemi à la suite d’offenses antérieures après l’établissement de la paix, non seulement sera déclaré coupable d’homicide volontaire, mais sur le site de sa maison, qui devra être irrémédiablement détruite, on érigera une colonne d’infamie sur laquelle seront indiqués le nom du coupable et son crime.
Celui qui, avec préméditation, en dehors des deux cas précités de vengeance transversale ou de rupture de paix, blessera légèrement en tirant des coups d’arquebuse ou avec n’importe quelle arme, sera condamné, s’il comparait, de trois à six mois de prison, à la discrétion du Conseil, et compte tenu du genre de délit, et sera obligé de payer 20 sous pour la garde [de la prison]. S’il ne comparaît pas, et se montre désobéissant, il sera condamné selon la prescription du statut de Corse.
Celui qui en dehors des cas précités, tirera avec préméditation un coup d’arquebuse dans le but de tuer, mais sans faire de mal, ou avec d’autres armes fera des menaces de mort, au lieu de tuer, sera condamné à deux ans ou quatre mois de prison, et au paiement de 20 sous par jour pour la garde, compte tenu du genre de délit, et à la discrétion du Conseil.
S’il est contumace sa famille sera emprisonnée, et à défaut de sa famille son plus proche parent, jusqu’à ce que lui, le coupable, ne tombe au pouvoir de la justice.
Celui qui blessera légèrement dans une rixe sera condamné d’un à deux mois de prison, et à payer 20 sous par jour pour la garde, à la discrétion du Conseil, et s’il est contumace, sa famille sera emprisonnée, ou s’il n’a pas de famille, son plus proche parent jusqu’a ce que, lui le coupable trouvé.
Celui également qui dans une rixe frappera quelqu’un avec une pierre ou bâton, ou seulement portera atteinte avec n’importe quelle arme, sera condamné de 15 à 20 sous par jour pour la garde, à la discrétion du Conseil et s’il est contumace, tombant ensuite au pouvoir de la justice il sera condamné au double.
Celui qui emploiera la force pour prendre quelque objet à celui qui ne l’aurait pas volé, mais le possèderait comme lui appartenant en propre, et de bonne foi, et le prendrait par force sous prétexte qu’il fût sien, même si cet objet lui appartenait vraiment, qu’il se trouve privé de toute justification qu’il pourrait avoir, et de plus qu’il soit condamné à payer de 25 à 50 livres, ou ne pouvant payer, qu’il soit condamné à trois mois de prison.
Mais si la force avait été exercée contre quelqu’un , pour prendre quelque objet mobilier sous prétexte qu’il était sien, et bien qu’il n’eût aucune justification, outre la restitution de la chose prise au propriétaire, avec les dommages et intérêts que celui-ci aurait subis qu’il soit condamné à payer de 100 à 200 livres, et ne payant pas, ou ne pouvant payer, à la prison de 3 à 6 mois.
Si ensuite, il arrivait que ces biens pris par force aient été saisis sans que l’intrus puisse avoir aucune justification ou prétexte, qu’il soit condamné aux peines prescrites dans les statuts criminels.
Si ,ensuite, la force était employée afin que quelqu’un, de sa propre autorité et sans mandat légitime du juge, entrât de force en possession de n’importe quel biens immobiliers que d’autres possèdent en toute bonne foi, même s’il était prouvé que la force fût légitime, l’intrus doit être contraint à ne pas entrer en possession des dits biens, et à la restitution des fruits qu’il aurait pris, et de plus il doit être condamné de 100 à 200 livres, et de trois à cinq mois de prison, compte tenu de la condition de la personne et de la qualité des propriétés occupés par force.
Au sujet de tous les délits dont, par souci de brièveté, on n’a pas fait mention dans les présents décrets, qu’on respecte les statuts civils de notre royaume, compte tenu cependant…
Si quelqu’un enlevait quelque jeune fille, la transportant contre sa propre volonté ou celle de ses parents d’un endroit à un autre dans le but de la violer, qu’il encoure la peine de mort, et celui qui s’en prendrait à quelque femme sur la voie publique sous prétexte de l’épouser, qu’il encoure la peine de prison pendant un an, et de plus le paiement de 20 sous par jour pendant cette année pour la garde, et s’il ne se présente pas à l’appel du gouvernement, qu’il soit exilé du royaume pendant trois ans.
Pour dédommager les populations des inconvénients qu’ils auraient à subir, vu l’éloignement, dans leurs recours au Suprême Conseil d’Etat, chacune de ces provinces sera gouvernée par une magistrature provinciales dépendant du Suprême Conseil, et qui devra être composée d’un président, renouvelable chaque mois, et de quatre conseillers qui devront exercer pendant quinze jours et puis seront changés, et d’un chancelier qui devra être approuvé par le Suprême Conseil sus-indiqué.
Ces magistrats devront avoir la faculté non seulement de traduire en justice, aussi de condamner, et exécuter leurs sentences dans les affaires criminelles mineures pour lesquelles on ne peut imposer la peine de mort ou l’exil du royaume, avec l’obligation, cependant, d’aviser chaque mois le Suprême Conseil d’Etat de ces causes.
Mais pour les crimes entraînant la peine capitale ou l’exil, il faut qu’ils puissent seulement instruire jusqu’à la sentence, sans l’appliquer, et qu’ils soient tenus de la communiquer au Suprême Conseil avec leur avis délibératif, et d’attendre la sentence et l’ordre pour son exécution.
Les causes civiles dans les provinces sus-indiquées doivent être examinées et tranchées par un juge général qui aura la faculté de rendre justice jusqu’à 400 livres.
Si l’affaire était seulement de 25 livres, qu’elle soit sans appel. Dans les affaires de 25 à 30 livres, qu’il y ait le remède de recourir aux susdits et respectifs magistrats, et de 50 à 400 livres, qu’il soit permis de faire appel au tribunal civil.
On doit payer des honoraire au susdit juge selon le tarif mentionné plus haut, qui doivent s’ajouter aux bénéfices dus au chancelier : qu’on divise le tout par moitié. Le susdit juge devra résider dans le même lieu que la magistrature.
Les coupables d’homicides ou d’autres délits commis avant le 15 du mois de juillet dernier, seront graciés si la paix a été obtenue de la partie offensée, pourvu que soit produit devant le Général et le Suprême Conseil l’instrument de paix par acte notarié, ou joint aux attestations des curés, podestats et pères du commun des lieux respectifs, à condition, toutefois, que chacun des bandits susdits ait d’abord payer 25 livres, destinées à la Chambre [de justice], et 25 livres pour les actes du chancelier.
Pour ceux ensuite qui auraient commis un délit après le dit jour du 15 juillet, et après l’élection du nouveau Général, il laissé à la discrétion de ce même Général dans certains cas la possibilité de donner absolution aux coupables par actes de grâce, avec peine pécuniaire qu’il estimera le mieux convenir pourvu qu’elle ne devienne pas exemplaire.
Pasquale Paoli
La Corse fut érigée en un Etat souverain, doté d’une constitution écrite : celle du 18 novembre 1755, révisée en 1758, 1762 et 1765.