(Unità Naziunale Publié le 28 juillet 2020) « Acqua nostra, bè cumunu : gestione publica » !
La gestion de la ressource en eau compte parmi les grands défis du XXIe siècle pour l’humanité toute entière. Ce bien commun, indispensable à la vie, reconnu comme un droit universel de l’Homme par la communauté internationale, se trouve aux confluents de problématiques de différentes natures allant des incidences liées au changement climatique (rareté de la ressource, migrations…) aux enjeux diplomatiques pour son contrôle. Aussi, son caractère précieux et stratégique en font un objet de convoitise au plan économique.
Dès lors, la question du statut de l’eau
– bien commun ou marchandise ?
– et de sa maîtrise constituent un débat de fond de notre époque.
En Corse, le débat est posé en des termes clairs depuis plusieurs années.
Sur le terrain universitaire, l’Università di Corsica s’est très tôt positionnée sur ce sujet en organisant des sessions de la Faculté Mondiale de l’Eau, réseau de chercheurs créé par Riccardo Petrella et promouvant le principe de l’eau comme « bien commun ».
Sur le terrain politique, Corsica Libera, et les mouvements qui l’ont précédé, a toujours combattu les tentations de mainmise de groupes financiers sur cette ressource, propriété collective du peuple corse. Des ambitions de Vivendi sur le marché de l’eau de Bastia aux velléités de monopole de son successeur Kyrnolia, nous n’avons cessé de défendre le principe d’une gestion publique de ce secteur stratégique.
Nous considérons, en effet, qu’à l’instar des autres secteurs à enjeux stratégiques – déchets, transports, énergie – l’intérêt public est rarement soluble dans la recherche du profit à outrance. Il n’est d’ailleurs pas étonnant si les groupes financiers positionnés dans le domaine de l’eau ont souvent les mêmes ambitions dans les autres secteurs dits stratégiques.
L’expérience démontre que la captation de la gestion de la ressource en eau par la sphère privée n’est en rien la garantie d’un meilleur service pour l’usager. Au contraire, le prix de l’eau est très fréquemment plus élevé que la moyenne.
L’attribution de la DSP de la communauté de communes de Lisula, présidée par Lionel Mortini, est particulièrement éclairante à cet égard. Après avoir récupéré la gestion de l’eau potable – précédemment confiée à Veolia et sa filiale Kyrnolia – en régie, la CCIRB a attribué à l’Office d’équipement hydraulique de la Corse (OEHC) la concession de l’eau potable des communes de Lisula, Curbara, Santa Riparata, Pigna et Monticellu pour la période 2020-2032 (les autres communes restant en régie intercommunale).
Les effets de ce choix politique clair ne se sont pas fait attendre : baisse des prix pour l’usager, tarification sociale et en faveur des résidents
– Pour 80% de la population, la tarification s’effectue au prix d’achat de l’eau. Par rapport à la tarification appliquée par Kyrnolia, cela représente une baisse des factures de près de 40% (de 1.908 € H.T le m3 à 0.835 € H.T).
– Ce sont les résidences secondaires et les gros consommateurs qui contribuent au financement des infrastructures à la charge de la communauté de communes.
En outre, il est important de noter que le retrait du marché de l’eau à Kyrnolia s’est accompagné d’un coût social nul avec le transfert des agents à la Régie, puis à l’OEHC. Il permet également que la richesse créée reste en Corse.
Dans quelques jours, l’Assemblée de Corse débattra de la question de la gestion de la ressource en eau à travers la présentation du rapport « Acqua Nostra 2050 ». Celui-ci propose un schéma d’aménagement du territoire pour les décennies à venir avec pour objectif d’augmenter considérablement les capacités de stockage de la Corse et, ce faisant, d’opérer un rattrapage historique indispensable qu’il convient de souligner. Ce projet contient un important volet relatif à l’eau brute agricole qui a, d’ailleurs reçu, un accueil très favorable de la profession agricole lors de sa présentation publique. Le schéma contient également un chapitre dédié à la problématique de l’eau potable et de son stockage.
Sur le plan de la « gouvernance » de l’eau, le rapport pose en son introduction le principe d’une « souveraineté hydraulique » invitant à « une révolution culturelle […] du rapport à l’eau ». Partageant ces préconisations, il nous apparaît important qu’Acqua Nostra, document de prospective engageant la Corse pour trois décennies, intègre des orientations précises quant à la stratégie de l’OEHC vis-à-vis de la distribution de l’eau potable.
En ce sens, nous proposerons un amendement visant :
– A acter le principe d’une maîtrise publique de l’eau potable. Ce principe impliquant soit l’accompagnement des communes et intercommunalités ayant fait le choix politique d’exercer cette compétence en régie, soit le positionnement généralisé de l’OEHC, outil de la Collectivité de Corse, dès lors que les collectivités locales font le choix de soumettre à la concurrence la concession du marché de l’eau potable. Fort du succès de l’offre proposée par l’OEHC sur la DSP de Lisula-Balagna, de la compétitivité de l’outil et de la compétence de ses agents, il s’agirait de dupliquer cette expérience sur l’ensemble de la Corse.
– A inscrire cette orientation dans le cadre du débat relatif à l’évolution des offices et agences de la Collectivité de Corse.
En effet, la part prépondérante donnée à la gestion de l’eau agricole n’est pas
étrangère de l’histoire de l’Office, qui a succédé à l’ancienne SOMIVAC. Même
si les statuts de l’Office prévoient la possibilité de se positionner sur le secteur de
l’exploitation de la ressource en eau potable, il serait utile, à l’heure où l’évolution
du statut des offices et agences est en débat de renforcer cet aspect pour cheminer
vers la constitution d’un véritable office de l’eau, dans l’ensemble de ses
dimensions (distribution d’eau potable, assainissement, eau brute agricole…).
Groupe Corsica Libera CDC
28 juillet 2020