Assemblée de #Corse, @JeanGuyTalamoni « A quoi servira-t-il de vaincre le Covid, si nous perdons notre humanité ? »

(Unità Naziunale Publié le 30 avril 2020) Session de l’Assemblée de Corse Le 30 avril 2020 Discours du Président Jean-Guy Talamoni

Chers collègues, Nous avons appris avec beaucoup de tristesse la mort de notre ancien collègue et ami Pierre Chaubon. Il était un juriste et un élu de grande valeur. Il nous manque déjà, comme il manquera à la vie politique corse. Nous pensons naturellement à tous les siens.

Je vous demande d’observer une minute de silence.

La crise du Covid-19 est sanitaire, économique et sociale.

S’agissant des aspects sanitaires, des milliers de chercheurs travaillent à un traitement ou un vaccin. En attendant une solution scientifique, nous n’avons que des moyens physiques de défense avec la distanciation sociale et le respect des gestes barrières. Cette situation sanitaire a amené quasiment toute l’humanité à respecter des mesures de confinement jamais mises en oeuvre à un tel niveau. Dans de nombreux pays du Monde, presque toutes les activités économiques se sont arrêtées. Plus de circulation sur les routes, plus de jeux dans les écoles. Salles de spectacle et terrains de football fermés. Aéroports vides et hôtels déserts.

Notre île connaît une situation que toutes les plus pessimistes des prévisions touristiques ne pouvaient imaginer.

La concertation que nous avons eue hier avec le ministre et l’ensemble des socio-professionnels nous laisse prévoir une saison noire et nous impose d’imaginer des solutions pour soutenir des familles entières qui ont créé et développé leur outil de travail. Sans aucune activité économique, la situation sociale de notre île, territoire ayant le plus haut niveau de pauvreté, mais aussi les plus fortes inégalités, s’aggrave.

Heureusement, des associations, des citoyens mais aussi des entreprises viennent en aide aux autres. De mon point de vue, le plus important se joue ici.

A quoi servira-t-il de vaincre le Covid, si nous perdons notre humanité ?
Que serait la science sans la justice sociale ?
Que serait un monde sans Covid mais sans présence humaine non plus ?

« L’épreuve ne tourne jamais vers nous le visage que nous attendions » écrivait François Mauriac.

Si nous attendons désormais tant des découvertes des médecins et des chercheurs, je pense que la bataille contre le Covid-19, nous demande et nous oblige aussi, à apporter des solutions à l’organisation de notre société.

Parmi ces solutions, cela fait désormais trois ans que la commission pour un revenu universel travaille sur l’évolution de l’emploi, sur les limites du système social, sur les nouvelles formes de solidarité à inventer. Nous sommes enfin parvenus à terminer ce travail de concertation avec des institutions, des philosophes, des sociologues et également des économistes.

J’y vois, pour ma part, de nombreux avantages, tout particulièrement dans la situation actuelle qui, nous le savons, va durer et s’aggraver. Le revenu universel permet d’effacer les effets pervers des prestations sociales.

Le premier est celui du non-recours des plus faibles à leurs droits, le second, lié au premier, est l’effet de la stigmatisation, liée aux prestations sociales. Au-delà de la réponse sociale apportée aux situations les plus difficiles, c’est aussi une réponse à la hauteur du besoin de reconnaissance de la dignité de la personne.

Porter un autre regard sur le plus faible, est un premier pas en faveur de l’inclusion. Le plus faible comme le plus puissant pourront alors croire à nouveau en leur humanité commune. Dans nos sociétés contemporaines, grâce à la réactivité de ce dispositif, le revenu universel présente des solutions à l’évolution des situations familiales avec une adaptation aux véritables besoins actuels des gens.

C’est aussi un filet de sécurité, une sécurité sociale pour tous, sans condition, un filet non pas pour capturer les gens comme les poissons, mais un filet pour se relever et pour rebondir. Dans une société inégalitaire, que les inégalités soient perçues comme une normalité ou comme une fatalité, les déterminismes sociaux sont banalisés.

Pourtant, chaque jour, les Corses, comme les autres, ne cherchent plus à servir de quelconques seigneurs. Le désir, le besoin d’authenticité de l’individu, l’amènent à suivre sa vocation, à être lui-même, cherchant son épanouissement entre vie professionnelle et vie sociale.

Cela permet aussi d’instaurer un équilibre dans le rapport de force entre l’employé et l’employeur et une plus grande assurance de droits sociaux comme droits-créances.

Vous l’aurez compris, avec le revenu universel, nous n’avons pas réinventé l’art de la paresse. Forts de nos valeurs, nous essayons de donner à chacun le droit à un avenir pour pouvoir continuer à faire société, ensemble.

Président de l’Assemblée de Corse
Jean-Guy Talamoni

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