Position de l’APC pour le 11 mai 2020 : « Chjama à l’eletti di Corsica » #Coronavirus #Corse #Covid19

(Unità Naziunale Publié le 29 avril 2020)Notre position concernant la réouverture des établissements scolaires a été énoncée dès le discours du président de la république et elle a été précisée lors de notre entrevue avec Madame la rectrice. Toutefois les récentes annonces du premier ministre Edouard Philippe, concernant les conditions de la rentrée du 11 mai, nous amène à prendre une position beaucoup solennelle.

Nous considérons l’annonce d’une éventuelle rentrée le 11 mai, même partielle et sur la base du volontariat, comme une faute majeure car celle-ci ne répond pas à des impératifs sanitaires, ne s’appuie pas sur un examen objectif de la situation épidémiologique préalable, mais sur une décision politique du président de la république qui cherche ensuite des arguments pour à postériori. Les motivations qui nous ont amené à demander la fermeture des écoles, dès le 25 février, sont les mêmes nous conduisent à demander que cette rentrée ne se fasse qu’en septembre.

En effet aujourd’hui, en Corse en France et en Europe, cette pandémie est toujours très active provoquant, à l’échelle européenne et française, des dizaines de milliers de morts. La Corse est elle aussi durement touchée (plus de 600 cas recensés et 63 morts). Aujourd’hui si l’épidémie semble marquer relativement le pas, rien ne présume de son évolution future en l’état actuel de nos connaissances. On nous a mis en avant trois types d’arguments pour justifier la reprise partielle des cours le 11 mai :

-d’après les des études récentes, le virus serait moins virulent et moins contagieux pour les enfants qu’on ne le pensait précédemment,
-il y a des enfants qui sont victimes de violences familiales durant le confinement,
-il faudrait faire repartir l’économie, en remettant les enfants à l’école, afin que les parents puissent travailler (même si cet argument est peu assumé officiellement).

Pour ce qui est du premier argument, on peut observer que ce n’est pas ce qui a motivé la décision du président du république : en effet ces « études » sont venues opportunément après son discours, annonçant la reprise des cours le 11 mai, amorçant ainsi une justification à postériori.

Ces mêmes avis publiés regorgent de l’emploi du conditionnel pour énoncer ces conclusions. Leurs auteurs semblent avoir peu de recul et, de ce fait, peu de certitudes. Comment pourraient-ils en avoir d’ailleurs, puisque ces conclusions ne sont pas retenus dans d’autres pays et que l’évolution de ce virus inconnu reste problématique à bien des égards. De surcroit ces mêmes avis recommandent les « gestes barrières » et une multitude de précautions à destination des personnels de l’éducation, pour finir par dire que finalement « le virus serait toujours présent en septembre » !

En fait les avis avancés posent bien plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Et au vu la cacophonie et les changements de cap à 180°, constatés depuis le début de cette crise, cela nous appelle à rester un temps soit peu circonspect. De plus l’apparition récente d’une forme de pathologie grave chez les enfants, peut-être liée au Covid-19, au Royaume-Uni mais relevée aussi ailleurs en Europe (en France, en Italie, en Suisse ou dans d’autres pays…) nous incite à la plus grande prudence et vigilance.

Concernant la question, très importante, des violences familiales, aggravées par le confinement, ou la précarité sociale des familles, nous y sommes bien évidemment sensibles, non pas pour nous en servir comme prétexte mais afin d’ y apporter des solutions. C’est pourquoi nous avions proposé, dès avant l’annonce d’une éventuelle reprise, d’élargir l’accueil fait aux enfants du personnel soignant, actuellement en vigueur dans certaines écoles, à ce public sensible. Nous sommes tout à fait favorables à l’élargissement d’une pareille mesure.

Concernant l’argument « économique », toutefois peu assumé officiellement, on ne saurait l’opposer à l’impératif sanitaire. Cette crise sanitaire a des conséquences économiques et sociales dramatiques, particulièrement en Corse, conséquences auxquels il faudra apporter des réponses fortes, sans doute jamais usitées jusqu’à ce jour. Il est cependant irresponsable d’opposer les deux impératifs, sachant que l’un ne pourra être traiter qu’une fois l’autre, au moins partiellement, résolu. User de ce type d’opposition est non seulement immoral, mais n’aura pour effets désastreux que de cumuler la catastrophe sanitaire à la catastrophe économique et sociale. Nous avons le devoir de relever ensemble les deux défis.

En conséquence nous ne considérons pas recevables les motifs invoqués, c’est pourquoi nous rejetons totalement la proposition de rentrée scolaire, même partielle, le 11 mai.
Nous émettons les griefs suivants pour nous y opposer :

– l’épidémie, même relativement contenue, est toujours très active et une telle mesure qui risque de ruiner les bénéfices de l’actuel confinement;
-la Corse est la plus touchée des îles de méditerranée, avec 635 cas et 63 morts pour 320 000 habitants (seuls les Baléares ont un taux de contamination voisin mais inférieur), ses infrastructures médicales supportaient très difficilement une seconde vague;
-l’Italie, l’Espagne, le Portugal (entre autres) et l’ensemble des îles de méditerranée ne reprennent pas l’école avant septembre. Il est à noter que le Portugal, avec un bilan épidémiologique très faible (moins de 500 morts alors que la France en a -au bas mot- plus de 24 000), ne reprend pas les cours avant septembre, tout comme des régions italiennes telles que les Molise (moins de 300 cas de Covid19 déclarés) ou la Basilicata très faiblement affectées.
-les conditions de reprise des cours ainsi présentées montrent une impréparation et une approximation impressionnante, par la même dangereuse pour les enfants, les enseignants et le personnel encadrant. En clair les conditions de cette reprise sont inapplicables, pour être un soit peu efficaces, et relèvent plus de l’usine à gaz que du dispositif fiable;
-le bénéfice pédagogique sera quasi nul, étant donné les conditions de précarité et de stress dans lequel s’effectuera cette rentrée pour les élèves et les enseignants. Et ce alors que l’enseignement à distance s’effectue de manière plus que correcte;
-le risque encouru de reprise de l’épidémie (eu égard -entre autres- aux possibles évolutions récentes constatées en Europe), celui de contamination des enfants, des familles, des enseignants, des personnels, étant donnée la complexité organisationnelle et logistique des mesures barrières nécessaires à la mise en place de cette reprise. De ce fait, celles-ci ne peuvent être ni effectives ni efficaces;
-les protections (masques, équipements…) indispensables, la massification des tests ne sont nullement garanties, ni en qualité ni en quantité suffisante, à cette date.

En conséquence nous appelons les parents à ne pas mettre leurs enfants dans les écoles le 11 mai. Nous appelons le président de l’exécutif, Mr Gilles Simeoni, le président de l’assemblée de Corse, Mr Jean Guy Talamoni, les élus de l’assemblée de Corse à délibérer afin que la reprise ne se fasse pas dans les collèges et les lycées de Corse avant septembre 2020.

Nous appelons les maires des villes et des villages de Corse, tout particulièrement ceux de Aiacciu et de Bastia à délibérer afin de ne pas ouvrir les écoles maternelles et primaires (sauf à élargir l’accueil des enfants de soignants, fait à ce jours, aux publics scolaires que nous avons précédemment cités). Tous ces élus sont aujourd’hui comptables, eux comme nous, de la santé et de l’avenir des enfants du peuple et la terre Corse. Il s’agit de choix graves qui engagent à une responsabilité lourde, quant aux conséquences futures, c’est pourquoi nous faisons cet appel solennel.

Nous appelons également, les syndicats enseignants, ceux des personnels, les autres associations de parents, les organisations lycéennes ou étudiantes à se mobiliser pour faire un front commun, face une crise sans précédent qui nécessite la mobilisation et l’investissement de tous.

Pà l’avvene di i nosci ziteddi, pà a saluta di tutti, l’undicci di maghju ci ni staremu in casa.
Le Président de l’APC

Denis Luciani

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