Le 31 mars 2010 [14h00] : (Unità Naziunale, www.unita-naziunale.org – Corse – Lutte Armée – Lutte Institutionnelle – Lutte de Masse) Suite aux articles de Corse-matin (art1, art2) que nous avons publié sur nos sites du portail Unità Naziunale, un lecteur nous demande de publier une tribune libre, la voici :
Le but de ce texte n’est pas de polémiquer sur l’utilité ou non du FLNC, mais de considérer de manière objective un article pour le moins étonnant qui n’aurait certainement pas vu le jour si les résultats du 21 mars avaient été autres)
Quelle ne fut pas la surprise des 51383 électeurs nationalistes aux dernières territoriales, ainsi que des autres lecteurs de ce journal (qui, jusqu’à il y a quelques semaines, était LE quotidien unique pour la Corse) en tombant sur la une de leur torchon préféré, arborant un titre pour le moins accrocheur : « Le nationalisme armé face au fracas des urnes« .
Et la sous-tribune d’enfoncer un peu plus le clou… « Les organisations clandestines doivent sérieusement s’interroger sur l’utilité de leur existence. C’est sur le terrain public que le mouvement national corse est le plus convaincant ».
Nous poursuivrons plus loin notre réflexion sur les articles en pages 2 et 3, ainsi que sur l’éditorial (rédigé par le même journaliste), mais arrêtons-nous encore quelques secondes sur cette première page. Juste pour le plaisir. Et commençons par observer la une, dont le choix pour le moins judicieux a du être soufflé par la muse Polymnie en personne !
Nous y apprenons qu’il existe un nationalisme armé (!), comprenez une doctrine nationaliste qui ne jure que par l’utilisation des armes, et qu’en plus ce nationalisme armé est opposé directement, et même frontalement, à une expression parmi tant d’autres de la volonté populaire, celle qui s’exprime avec fracas dans les urnes !
En fait, rien qu’en lisant ce titre, on peut déjà entrevoir quelle va être la teneur des articles qui s’y rapportent : de la bonne vieille politique de comptoir !
Mais revenons-en à nos propos, et arrêtons de céder à la tentation de fustiger un journaliste qui ne fait que son boulot de journaliste, après tout…
Les électeurs nationalistes se sont donc rendus aux urnes non pas pour adresser un message fort à leurs politiques, ni même à l’état, mais carrément au(x) FLNC !
Mais alors qu’en est-il des autres électeurs, les non-nationalistes ? Ont-ils positionné également leur vote non pas par réflexe « claniste » ou contestataire, mais par idéologie par rapport à l’existence de groupes clandestins ?
Bien entendu, les électeurs nationalistes, conscients de la haute instabilité de leur bulletin, enfermé comme chacun sait dans un paquet piégé estampillé « République Bananière »…heu, pardon, « République Française », ils sont partis se mettre à l’abri en attendant le grand BOUM, qui est survenu avec fracas vers 20h ce dimanche 21 mars.
C’est officiel, 51383 électeurs nationalistes viennent de plastiquer le FLNC. Evviva a lotta !!!
La sous-tribune confirme cette théorie farfelue, par l’emploi de l’impératif, un mode dont l’usage est assez peu répandu dans le journalisme « classique », car par définition il impose bien plus qu’il n’expose : » les organisations clandestines doivent « . Le constat qui suit et que j’ai cité au début de ce texte est assez alarmant : en effet, le mouvement national corse n’a jamais eu la prétention d’utiliser des groupes clandestins à des fins bassement électorales. Rappelons au passage que le « nationalisme armé » dont parle le journaliste doit être replacé dans un contexte plus large : il est une simple composante du mouvement national, et n’a jamais été un outil ayant pour vocation de convaincre les électeurs.
L’éditorial nous emmène encore plus loin en nous faisant allègrement emprunter de nombreux raccourcis, notamment sa première phrase « les urnes ont discrédité les armes ». Encore cette opposition, comme si les électeurs pensaient que le vote nationaliste était un moyen de condamner la lutte armée. Bizarre, non ? De la même manière qu’il serait malvenu de l’interpréter comme un soutien inconditionnel à cette lutte, il serait erroné d’y voir une quelconque condamnation, sachant en plus que 10% des électeurs ont voté pour un mouvement public ne condamnant pourtant pas la violence politique.
On peut aussi penser que l’auteur parlait des armes au sens large, auquel cas cela serait bénéfique pour la Corse que les armes se taisent, étant donné le nombre très élevé de personnes tuées par les armes ces dernières années. Mais dans ce cas, on ne voit pas très bien quel rôle joue la violence clandestine dans tout ça. Personne, et certainement pas les mouvements clandestins dont M. RAFFAELLI semble pourtant bien connaître le parcours, n’a considéré la lutte armée comme une fin en soi ni même comme un moyen unique de mener une lutte, et il est heureux que l’avenir de la Corse, quoi qu’il arrive, ne soit pas entrevu à travers les « fentes d’une cagoule » (qu’elle soit du FLNC ou du GIGN). Personne n’a jamais pensé non plus que la solution serait militaire, car dans ce cas la Corse aurait déclaré la guerre à la France depuis de nombreuses années. Nul ne doute d’ailleurs de notre victoire.
Jamais la parole publique n’a été aussi forte que dans les années 70-80, jamais le fracas des bombes n’a été aussi puissant. Et pourtant…à la fin de son édito, le journaliste se lance dans un argumentaire de « comptoir » en caressant dans le sens du poil les organisations clandestines (qui, espérons-le, seront sensibles à cette délicate attention) en considérant que le dépôt des armes serait une démonstration de leur force et non de leur faiblesse. L’édito se transforme en appel public au dépôt des armes…des clandestins. Il est vrai qu’il est bien plus facile d’appeler les clandestins au dépôt des armes que s’élever contre le grand banditisme !
Quand est-ce qu’un journaliste corse aura le courage de dénoncer la Violence, celle qui s’écrit avec un « V » majuscule, celle qui chaque année fait des dizaines de morts, endeuille des familles entières ? Celle qui est liée à des gens dits « respectables », des partis politiques, voire des élus ? La violence que l’Etat a laissée s’installer, au travers des archaïques clans qui portent leur lourde part de responsabilité dans la situation économique de l’île ? De la drogue et des mafias en tout genre qui exploitent la misère de notre jeunesse ? De la violence des milices étatiques qui multiplient les interpellations en fracassant des portes et en braquant avec leurs armes de guerre des gens désarmés ? De la violence des élus-patrons qui sont les promoteurs de leurs propres terrains qu’ils désanctuarisent dans leur puant PADDUC ? Des violences, il y en a des dizaines…et la violence clandestine est le cadet des soucis de la population.
On peut quand même féliciter ce grand travail journalistique qui reconnaît l’utilité de la lutte armée, une grande première !
Il est certes plus facile de reconnaître à postériori que la clandestinité a apporté quelque chose à la lutte de libération nationale, pour ensuite mieux affirmer qu’elle est obsolète, en se basant uniquement sur un constat… « électoral » !
Malheureusement, l’objectivité fait cruellement défaut dans la Pravda insulaire. La lutte armée a peut-être été le fer de lance de la protection du littoral, mais n’a été qu’un des très nombreux acteurs du Riacquistu, et on devrait faire attention à ne pas tout mettre sur le même plan.
Beaucoup de femmes et d’hommes ont participé à la renaissance culturelle des années 70, et parmi eux nombreux étaient celles et ceux qui condamnaient la violence, ou du moins ne la pratiquaient pas. Comme dans toutes les luttes, certains culturels avaient un discours plus affirmé que d’autres, allant jusqu’à soutenir publiquement l’action du FLNC. Cependant, le FLNC, et c’est tout à son honneur, a toujours su garder sa place et ne s’est pas immiscé outre mesure dans l’action publique menée par les culturels à l’époque, c’est pourquoi les militants clandestins n’ont jamais dansé le quadrigliu ni chanté de paghjelle après leurs conférences de presse nocturnes.
Si l’action du FLNC a été salvatrice pour notre littoral, on ne peut pas en dire autant de notre économie identitaire, ou alors j’ai du rater quelque chose ?
L’économie agro-pastorale est inexistante, la Corse peine à nourrir ses enfants avec des produits de qualité et abordables, les producteurs sont enfermés et étouffés dans le système économico-maffieux de la grande distribution sur lequel grandes enseignes et riches patrons corses règnent sans partage. Les consommateurs n’ont que l’embarras du choix pour aller se ruiner dans l’une des nombreuses grandes surfaces que compte la Corse, qui détient le record d’Europe du plus grand nombre de grandes surfaces par rapport au nombre d’habitants. Non, le FLNC n’a pas créé le concept d’économie identitaire, pas plus qu’il n’est arrivé à la promouvoir, et ça n’était pas son rôle d’ailleurs.
On nage en plein bonheur à la lecture des articles qui suivent, on y apprend qu’aller chez Clavier fera plus de bruit qu’un triple attentat à Bunifaziu, ce genre de calculs d’apothicaire a certainement du ravir les lecteurs !
Sur le foncier d’ailleurs, on note que le journaliste fait allusion au plus haut sommet de l’état, comme si c’était la panacée : ce qu’il n’a pas compris, et en tant que journaliste c’est plutôt inquiétant, c’est que la création d’un établissement foncier national, voire même régional, n’aura aucun effet sur la spéculation ! Les taxes instaurées feront fuir les riches au profit des très riches. Si elles augmentent encore, ces derniers fuiront au profit des richissimes. Il y aura toujours quelqu’un capable d’acheter un terrain en bord de mer pour y faire construire une belle villa ! Qu’elles aillent directement alimenter les caisses de l’état ou celles de la CTC, de telles taxes sont totalement injustifiables, cela équivaudrait à admettre que le littoral corse a un prix ! Ce que refusent avec force les nationalistes dans leur ensemble ainsi que les écologistes, le reste de la classe politique demeurant de manière générale plus prudente sur la question.
Les nationalistes ne doivent pas percevoir leur score comme un encouragement à soutenir la violence ? Corsica Libera, malgré des attaques fréquentes, malgré les positions étranges de ses amis nationalistes de Femu a Corsica sur la question, n’a jamais mis la clandestinité au centre de sa campagne. Elle n’a jamais non plus perçu les 10% obtenus comme un encouragement à soutenir la violence, ni à la condamner d’ailleurs, mais comme chaque liste en lice l’a fait : une adhésion à des idées, à un programme, à une démarche. C’est en tout cas dans ce sens que sont allées toutes les déclarations des nouveaux conseillers territoriaux Corsica Libera, alors à moins d’un scoop, c’est ce que les gens devront retenir.
L’état ne peut plus être sourd ? Prenons un exemple méditerranéen, celui de nos voisins Kabyles, qui ont pour principe de bouder les grands scrutins Algériens en pratiquant l’abstentionnisme (environ 10% de votants) : ces messages forts et répétés n’ont pas empêché l’Etat Algérien de rester sourd à leurs revendications. L’état français a toujours été sourd en Corse, et ça n’est pas nouveau, me direz-vous.
Ce ne sont certainement pas les journalistes corses qui feront changer les choses, car ils ont dans leur majorité fait partie pendant des années de la masse silencieuse, en oubliant leur devoir d’information. En chouchoutant les patriarches clanistes, en éludant les questions essentielles, ils ont failli à leur mission. Au lendemain des élections, sentant le vent tourner, ils emploient des expressions jusque là « interdites » telles que « mouvement national corse ». Sans tomber dans l’excès ni attaquer une profession qui essaie de faire son travail dans des conditions difficiles, n’oublions pas que les média corses sont détenus pour la plupart par des grands groupes financiers ou appartiennent à l’état. Il devient alors difficile de faire de l’information objective.
Mais alors, pourquoi d’un coup prendre des positions aussi tranchées ? Le groupe GHM a peut-être mandaté Corse-Matin afin de tenter une approche pour racheter le Ribombu ? La suite au prochain épisode…
Fafanellu