(Unità Naziunale Publié le 9 mars 2020) Suite aux annonces formulées hier par le Préfet de Corse et à la position exprimée ce jour par le Président du Conseil exécutif par voie de conférence de presse, je suis conduit, pour la clarté d’un débat désormais public, à faire part à l’opinion des dispositions que j’avais moi-même préconisées, sur un plan interne, dans le cadre des travaux de la cellule d’urgence.
Ces préconisations s’appuyaient sur la consultation de médecins, d’experts en gestion de crise ainsi que d’élus. Elles sont résumées dans deux lettres que j’adressais hier matin et ce matin au Préfet de Corse. Ces lettres faisaient suite à de nombreux échanges avec l’Administration d’Etat.
À cette heure, malgré la qualité et la fluidité de ces échanges, qu’il faut ici saluer, des divergences d’appréciation demeurent, en raison notamment de la soumission de la Corse à des directives élaborées à Paris et qui ne prennent aucunement en compte les spécificités insulaires. En effet, la différence de position entre les autorités françaises et celles de l’Italie toute proche ne parait pas de nature à rassurer l’opinion corse (on annonce par exemple qu’un quart des Italiens sont actuellement confinés).
Par ailleurs, la gestion au cas par cas, par les organisateurs, de l’annulation ou du maintien d’un certain nombre de manifestations ne semble pas lisible par les Corses, faute de critères suffisamment précis.
Par exemple l’annulation décidée des meetings de campagne électorale cette semaine a été appliquée de manière erratique.
Enfin, le 15, numéro de téléphone à joindre en cas de symptômes, est aujourd’hui largement indisponible car sous-dimensionné pour recevoir un si grand nombre d’appels. Cette situation ajoute aux difficultés et à l’inquiétude actuelles.
Le contexte étant ainsi rappelé, je publie donc ma position, telle que je la présentais ce matin au Préfet:
– Les crèches et les établissements scolaires doivent être fermés à l’échelle de l’île entière, comme le propose du reste la principale association de parents d’élèves, l’APC.
– La situation en Italie doit être prise en considération. Elle provoque une vive anxiété chez les Corses. Le contexte dans lequel les recommandations à destination des transporteurs, notamment maritimes, avaient été élaborées, a considérablement évolué : depuis, l’Italie a placé 15 millions de personnes en quarantaine, compte plus de 7000 cas confirmés et déplore 366 décès. Ainsi, eu égard non seulement au niveau de ces chiffres mais également à leur croissance exponentielle, il ne serait pas inutile de décider l’interruption des relations avec l’Italie.
– Considérant que les 18 lits dont disposent les hôpitaux de l’île dans le domaine de la réanimation sont déjà insuffisants en temps normal, il est à cet égard urgent d’accroitre leur nombre à un niveau déterminé par les services médicaux afin de pouvoir répondre dès à présent aux nouveaux besoins. En effet, l’incapacité avérée du système de santé à fournir à la Corse des tests de dépistage du Covid-19 sur l’île ne doit pas nous conduire à la même défaillance dans la phase suivante de propagation de l’épidémie. Un basculement dans une situation dans laquelle le corps médical serait amené à sélectionner les patients à soigner est inenvisageable et ne saurait être justifié par le caractère inattendu de l’épidémie. L’engagement sans faille des personnels de santé doit ainsi être accompagné d’une mise à niveau de nos structures hospitalières afin que l’épidémie soit sans conséquence sur les patients atteints d’autres pathologies.
Ces propositions, ainsi que celles du Président du Conseil exécutif, seront soumises, demain mardi 10 mars, à la réflexion de la Conférence des Présidents, à laquelle sont représentées toutes les sensibilités politiques de l’Assemblée de Corse. Celle-ci, matrice de notre vie démocratique, devra être entendue par l’ensemble des autorités publiques en charge de la crise que nous connaissons actuellement.
Président de l’Assemblée de Corse
Jean-Guy Talamoni