article de Corse Matin
Plus de soixante personnes se sont mobilisées hier matin sur le chantier d’un complexe touristique de 204 logements. Le mouvement dénonce la spéculation et la dépossession foncière favorisées par la défiscalisation.
Basta a speculazione. C’est derrière ce slogan que plus de soixante personnes se sont rassemblées hier matin aux Marines de Bravone, commune de Linguizzetta, à l’appel de Core in fronte. Objectif : dénoncer, sur le chantier même de la construction, l’implantation d’un complexe touristique de 204 logements. Ce projet, porté par le groupe d’investissement immobilier Peak to Peak, symbolise pour le mouvement nationaliste un mécanisme de dépossession foncière auquel il est fortement opposé.
Prévu avant le drame de Carghjese, ce rassemblement a également été l’occasion pour les militants de Core in fronte de rendre hommage à Maxime Susini (lire par ailleurs). Des membres du collectif Patriotti et des agriculteurs de Via Campagnola étaient également présents hier matin à Bravone.
« Face à ce projet, implanté au coeur d’un espace naturel remarquable, nous opposons une véritable logique de développement durable, soucieux des équilibres environnementaux et sociétaux, a argumenté le porte-parole de Core in fronte. Ce complexe se crée sur une zone humide comblée et est directement construit dans le lit de la rivière Bravone. »
Le mouvement dénonce aussi le fait que le programme soit vendu comme une résidence secondaire « les pieds dans l’eau « , avec une forte publicité liée aux avantages du crédit d’impôt de 30 %.
« Récupération de la TVA sur le prix d’achat et les frais d’exploitation, pas de taxe d’habitation, exonération d’impôt sur la plus-value après cinq ans d’activité, le groupe d’investissement vante un rendement spéculatif mirobolant, détaillent les militants. Ce genre de projet représente une para-hôtellerie qui concurrence directement le secteur. Il participe aussi activement au saccage de notre patrimoine naturel et à la dépossession foncière et immobilière qui devient de plus en plus criante. »
« Terra corsa per i Corsi »
Plus globalement, Core in fronte s’inquiète de la forte augmentation des autorisations de construction. « La Corse croule sous le béton ! Ces dix dernières années, la hausse du prix des terrains constructibles atteint le record de +150 %. L’île compte aussi plus de 40 % de résidences secondaires contre 10 % de moyenne en France et un maximum de 18 % dans la région Paca. »
Revenant sur le cas précis de Linguizzetta, les organisateurs du rassemblement estiment que le parc de résidences secondaires y est déjà largement saturé.
« Paradoxalement, c’est sur cette même commune qu’est porté un projet public d’accession à la propriété en résidence principale avec un label haute qualité de vie . Ce programme rural de 25 logements à prix abordables se trouvera lui aussi en difficulté par le fait d’une mise en concurrence avec un projet en bord de mer gigantesque. »
Pour Core in fronte, la question foncière et l’appel Terra corsa per i Corsi sont plus que jamais d’actualité.
« Les forces de l’argent, externes ou internes, sont à l’oeuvre. Ce phénomène est favorisé par les dispositifs de défiscalisation qui permettent la spoliation. Nous appelons l’ensemble des acteurs de la sphère immobilière, qu’ils soient maires, promoteurs, agents immobiliers, notaires, simples vendeurs particuliers ou intermédiaires divers, à prendre conscience de ce problème. Nous, nous n’accepterons plus ce type de démarche en Corse ! », ont prévenu les militants qui ont également fustigé « la complaisance des services instructeurs et surtout ceux de l’État« . Notamment dans ce dossier de Linguizzetta.
« Ce projet voit le jour alors que le permis de construire aurait dû être caduc puisque les travaux n’ont pas été entamés dans les délais. Il y a eu des faux en écriture et un silence sournois des services de l’État pour que l’on en arrive là où l’on est aujourd’hui« , a argumenté Paul-Felix Benedetti. Les militants de Core in fronte ont également réitéré leurs propositions « pour enrayer ce modèle résidentiel et cette spirale spéculative« . Et notamment un statut de citoyenneté de 10 ans en résidence permanente pour devenir acquéreur ; une taxe sur les résidences secondaires ; le gel de tous les PLU qui contiennent des programmes de résidences secondaires ; la mise en oeuvre de tous les dispositifs prévus par le Padduc.
« Nous demandons aussi que l’agence d’urbanisme, outil public entre les mains de la Collectivité de Corse, devienne un véritable opérateur et aménageur pour des programmes d’accession à la propriété de résidents corses. Cela dans le respect des équilibres sociaux et en obéissant à des impératifs de développement durable sur le bâti ou en privilégiant l’intérieur pour éviter les urbanisations anarchiques périurbaines et balnéaires », ont conclu les organisateurs de ce rassemblement.
L’hommage à Maxime Susini
« Nous avons maintenu cette action en mémoire de Maxime Susini qui aurait été à nos côtés aujourd’hui comme il l’a toujours été pour combattre la dépossession de notre terre. Per tè, cuntinueremu, piu chè mai. »C’est par ces mots que Paul-Félix Benedetti a ouvert le rassemblement pour rendre hommage au compagnon de route de Core in fronte, assassiné 48 heures plus tôt à Carghjese. Un peu plus tard, le porte-parole du mouvement a lui aussi rappelé la mémoire de Maxime Susini. « Nous dédions ce rassemblement à notre frère de lutte lâchement assassiné. Il était de tous les combats pour préserver la terre corse contre les appétits voraces de tous genres. »
La phrase « A Massimu » a également été inscrite sur les murs du chantier.