Ce dimanche 13 août 2017 Massimu Susini a lu un communiqué suite au rassemblement organisé par le « Collectif pour le respect de la loi et la démolition des villas de A Rundinara » à 11 heures sur le site de A Rundinara.
Bienvenue !
Bienvenue à tous les résistants présents aujourd’hui à A Rundinara.
Bienvenue !
Bienvenue à tous les gardiens de nos traditions aujourd’hui sous le ciel de A Rundinara.
Au moment où tant de personnes abdiquent de leur devoir, démissionnent de leurs tâches, abandonnent les luttes éternelles du Peuple Corse sur la Terre de Corse, vous êtes là.
Au diable les motivations individuelles, tous nous sommes là parce que nous devons être là.
Nous sommes là par respect pour nos aînés qui nous ont laissé la culture de la lutte pour l’intérêt collectif, pour nos vieux qui nous ont transmis l’amour de notre terre, de notre pays et de ses gens.
Aujourd’hui nous reprenons le flambeau. Nous le reprenons parce qu’il semble être tombé sur le bord de la route. De cette si longue route.
Et il est vital que quelqu’un reprenne le flambeau. Il est vital parce que nos conditions naturelles de vie sont en danger, et ce danger se fait toujours plus présent, plus arrogant, et toujours plus violent.
Pendant des années on nous a sermonnés sur le respect de l’état de droit. Pendant des années on nous demandé de respecter la loi, on nous le demande toujours.
Et voilà que nous avons sous les yeux la pire injure faite à l’état de droit, le pire irrespect envers cette loi censée être égale pour tous.
Le préfet, le procureur, le tribunal, l’opinion ont déclaré illégales ces constructions, pourtant elles sont encore là.
Elles sont encore là comme une blessure à la Terre de Corse. Elles sont là comme une injure à tous les corses. Elles sont là parce que l’argent compte plus que le droit, plus que l’état de droit ,plus que l’intérêt collectif. Et cela est craché à la figure de tous les corses. C’est nouveau. C’est inquiétant.
Nous sommes là devant une frontière. Nous pouvons basculer dans un autre type de relations sociales, cela aurait déjà été le cas sans votre présence ici, aujourd’hui. Mais ce n’est pas fini.
Nous avons le devoir, cette fois-ci pour nos enfants et les générations futures de mettre un coup d’arrêt à cette agression, à ces agressions qui, sinon, seraient suivies d’autres encore plus violentes.
Nous savons tous notre planète en danger du fait de l’activité prédatrice de l’Homme.
À a Rundinara nous en avons un exemple. Nous l’avons sous les yeux. Ce n’est pas en Amazonie ou à Bornéo. On ne peut pas faire semblant de ne pas le voir. C’est écrit noir sur blanc : c’est un site remarquable dans une zone inconstructible.
Cette construction n’a rien à faire sur ce site. La loi le dit, le tribunal le dit, les Corses le disent. Mais elle est encore là.
Elle est encore là parce que nous ne sommes pas égaux. La puissance de l’argent, les complicités (plus que l’amitié) font que M. Ferracci pense et fait comme s’il était plus égal que ses égaux en droit.
Il se trouve que nous ne pensons pas ainsi les relations entre les hommes, nous ne pensons pas qu’il ait des droits supérieurs aux nôtres. Ce serait contraire à l’enseignement que nous avons reçu, et contraire à la vieille civilisation qui est la notre.
Pierre Ferracci et ses complices nous expliquent que sa filiation avec Albert Ferracci, résistant et communiste, serait une circonstance atténuante.
Elle est pour nous une circonstance aggravante, car si Albert Ferracci était de ce monde, sa place serait , naturellement, dans cette manifestation.
Régulièrement les personnes usant de passe-droits pour construire dans des zones inconstructibles, dans des zones préservées, avancent une filiation avec un berger, un déporté, un résistant. Comme si cette filiation en faisaient des personnes avec des droits supérieurs.
Nous pensons au contraire que cela crée des devoirs supérieurs vis à vis de leur terre et de leurs frères humains. Si ce n’était pas le cas, ils insulteraient la mémoire de leurs ancêtres et la mémoire de la Terre Corse.
Aujourd’hui, à l ‘appel du seul Collectif pour le respect de la loi et la démolition des villas de A Rundinara chaque personne présente ici, s’est autodéterminée et agit comme une personne libre et souveraine.
Si certains abandonnent ces précieux attributs de la condition humaine, nous ne pouvons être que tristes. Mais nous déclarons solennellement que nous avons la légitimité du droit et surtout la légitimité d’être des enfants de cette terre, conscients de ce que nous lui devons.
Nous sommes tous là pour demander l’application du droit, sans passe droit, y compris celui venant d’un président de la République.
Nous en appelons à toutes les instances décisionnelles, administratives, judiciaires et politiques. Ces constructions doivent disparaître afin que le site soit remis dans sont état originel.
Pour cela, nous demandons que monsieur Ferracci soit exempté du paiement de l’amende de 1 millions d’Euros. Nous n’en faisons pas une question d’argent.
Monsieur Ferracci savait qu’il était dans l’illégalité, il a continué son saccage. La chaine décisionnelle, a fait semblant de ne rien voir. Nous avons affaire à une conjonction d’oublis qui culmine avec le jugement de la cours d’appel de ne pas ordonner la destruction et la remise en état du site.
Que s’est-il passé ? Et bien tout simplement l’officialisation d’un passe droit fondé sur le fait accompli. Triste paradoxe pour monsieur Ferracci, car ce type de politique est de tradition fasciste.
Mais là, on inflige à monsieur Ferracci une amende qui paraît énorme. Enorme à vous, énorme pour moi, mais qui en réalité n’est que de la poudre aux yeux en regard de la fortune de monsieur Ferracci. De ce fait on légitime le droit de bafouer la loi à partir d’un certain niveau de fortune.
Une sorte de système d’indulgences modernisé. Je paye pour que mes péchés futurs me soient pardonnés. Je paye beaucoup pour que mes très gros péchés futurs me soient pardonnés.
Une drôle de modernité que celle de nous infliger de vieilles recettes d’oppression.
Ce 13 Août 2017 doit sonner comme un NON décisif et définitif à l’agression dont notre terre est l’objet.
Nos conditions de vie sont en danger du fait de facteurs sur lesquels nous n’avons que peu de prise. Mais ici, à a Rundinara, nous pouvons modifier les choses.
Nous avons un poids et une légitimité. Nous devons les utiliser pour exiger la remise en état du site. Il n’y a pas d’autre alternative.
Si l’Etat n’assume pas ses missions vis à vis de nous tous, vis à vis de l’état de droit, il se délégitime et abdique de son autorité en Corse. C’est de sa responsabilité.
Chacun de nous et nous tous collectivement attendons une réponse claire :
L’ETAT DE DROIT EST-IL UNE FICTION OU UNE REALITE ?
Les conséquences de la réponse à cette question seront lourdes.
Nous adressons à présent à l’Exécutif de la CTC. Celui-ci se présente, en Corse, comme le concurrent de l’Etat pour la légitimité du pouvoir en Corse. C’est son droit, et d’ailleurs nous pouvons le comprendre face aux très nombreux dénis de justice que la Corse dans son ensemble a subit.
Seulement, cela ne suffit pas de revendiquer le pouvoir du fait d’une politique injuste.
Encore faut-il proposer et mettre en œuvre une politique juste. Les symboles et les déclarations d’intentions ne peuvent suffire. Il faut des actes, et le premier d’entre eux serait d’être avec nous tous, avec le peuple corse qui défend pacifiquement sa terre et ses conditions de vie.
Le second serait de systématiquement porter devant les tribunaux les atteintes à notre environnement, le non-respect de l’inconstructibilité des espaces naturels protégés. Cela n’est pas fait.
Si d’autres intérêts sont supérieurs aux intérêts collectifs et naturels du Peuple Corse nous n’en savons rien, mais nous constatons qu’ils ne paraissent pas être prioritaires.
Alors que faire ?
Notre rôle est d’alerter, d’agir par cette manifestation et de soutenir toute action, de qui que ce soit, visant à protéger nos espaces naturels, nos espaces de vie.
Nous adressons à ceux qui ont le pouvoir, ils sont responsables et ils doivent rendre des comptes.
Ils sont aussi responsables des suites que vont avoir leurs décisions. Nous, nous assumons nos responsabilités de citoyens.
Si nous sommes ici, sous ce soleil écrasant, c’est que nous pensons que la conscience civique est une réalité bien vivante, qu’elle a un poids et surtout une légitimité qui est la base même de la démocratie. Tout cela est fragile. Très fragile.
Cette manifestation marque un moment. Elle vient frapper du sceau de l’infamie un endroit qui a été détruit par orgueil et égoïsme. Il est encore temps de réparer les dégâts.
Nous le croyons fermement. Cela doit être fait sans attendre.
Si cela n’est pas fait, on peut évidemment penser que d’autres agressions plus violentes encore se feront contre la Corse.
Jusqu’à ce que notre peuple se lève à nouveau pour défendre par tous les moyens son existence et son territoire naturel.
Peut-être certaines voix lui feront-elles le procès qu’il ne respecte pas l’état de droit ?
Ce procès nous est fait régulièrement lorsqu’on relève la tête.
Mais cette fois ce sera le dernier procès qui nous sera fait.