Les nationalistes corses, qui dénoncent la lenteur des mesures de rapprochement des prisonniers insulaires détenus sur le continent et la spéculation foncière et immobilière, ont fait parler la poudre jeudi en plastiquant une villa neuve près d’Ajaccio durant une visite du ministre de la Justice Michel Mercier.
L’attentat, visant une maison surplombant la mer appartenant à des continentaux, a été perpétré à la mi-journée, à la fin de l’étape ajaccienne de la visite de M. Mercier qui avait inauguré dans la matinée le palais de justice rénové et visité la prison.
Le couple de propriétaires de la villa à un niveau construite dans le hameau de Costi-di-Villanova, à 15 km au nord d’Ajaccio, a raconté au ministre, qui s’est rendu sur place, avoir été bâillonné et ligoté par une dizaine de personnes encagoulées et armées, puis emmené en voiture.
Le commando a ensuite fait exploser une charge couplée à au moins une bombonne de gaz à l’intérieur. Une seconde bombonne qui n’a pas sauté a été neutralisée par les démineurs de la police.
« Nous étions arrivés depuis cinq minutes quand une dizaine de personnes encagoulées ont pénétré dans notre salon, nous menaçant avec des armes », a expliqué le propriétaire, Jean-Pierre Moulon, 56 ans, qui devait pendre la crémaillère jeudi soir.
Ce retraité originaire de Marseille revenait de faire des courses à Ajaccio avec son épouse. « Je pensais que cela ne m’arriverait jamais », a-t-il ajouté.
Quelques dizaines de minutes plus tard, le commando a relâché le couple sur la petite route serpentant dans des collines et menant au hameau. Pendant ce temps, la maison dont la construction est à peine achevée a sauté. Toutes les baies vitrées ont volé en éclats, la toiture est endommagée et l’intérieur déjà meublé a été dévasté.
L’attentat a été revendiqué par le Front de Libération nationale de la Corse (FLNC), selon un graffiti tracé à la peinture noire sur un mur latéral de la villa. « Liberta Pa I Patriotti Soluzione Pulitica FLNC », a-t-il été écrit (Liberté pour les patriotes, Solution politique).
M. Mercier qui s’est entretenu avec M. Moulon et les enquêteurs sur place a déclaré être « venu soutenir les victimes. » « Ce monsieur, a-t-il dit, allait prendre sa retraite ici (…) J’ai condamné ce matin la violence et les attentats. La République mettra tout en oeuvre pour retrouver les auteurs. Notre détermination est calme et sereine pour faire respecter les lois », a-t-il ajouté.
Les investigations ont été confiées à la section anti-terroriste du parquet de Paris.
M. Mercier était accompagné notamment du préfet de région, des plus hauts représentants de la Justice, de la police et de la gendarmerie en Corse et de plusieurs élus dont le député-maire (social-démocrate) d’Ajaccio, Simon Renucci.
« Les inscriptions (ndlr de revendication) ne sont pas le reflet de ce que pense la majorité de la population », a-t-il dit, ajoutant que « ce sont les électeurs qui décident ».
Evoquant la « main tendue » de l’Etat « dans le cadre d’une politique d’apaisement », avec les premières mesures de rapprochement en Corse de prisonniers, M. Mercier a déploré que « les jusqu’au-boutistes n’y trouvent pas leur compte ».
Les formations nationalistes représentées à l’Assemblée territoriale ont boycotté un déjeuner offert par M. Mercier à la préfecture pour dénoncer l’insuffisance des mesures prises à ce jour.
Le ministre devait visiter dans l’après-midi le centre de détention de Casabianda et le centre pénitentiaire de Borgo en Haute-Corse.