(Unità Naziunale Publié le 13 février 2019) La lutte de libération nationale n’est, n’en déplaise à certains, ni un épiphénomène, ni une résurgence d’un passé mégalithique et révolu, ni un rêve qui tourne parfois au cauchemar pour les chantres déclarés d’un improbable néonationalisme né ex nihilo.
Non, elle est le fruit de la convergence, et de la concertation, pendant 40 ans, de nos trois luttes principales, lutte politico-armée, lutte sociale et lutte institutionnelle.
Du savant dosage de ces trois luttes jumelles devait naître, après de longues étapes et au prix de réels sacrifices consentis, le nationalisme corse moderne tel que nous le vivons aujourd’hui.
Et ce beaucoup plus fortement encore depuis l’abandon de la lutte armée au profit de la seule lutte politique et institutionnelle.
Cette lutte, vieille de plus de quarante ans, a permis les succès populaires et électoraux que nous connaissons.
Ces succès reposent essentiellement sur l’équilibre politique des trois formations nationalistes autour de nos principes communs, de nos fondamentaux à savoir en priorité la terre, la langue, le peuple avec ses moyens de vie, sur sa terre.
Ce sont ces fondamentaux qui ont été l’axe fondateur de Per a Corsica lors de son accession, en tant que coalition politique, au pouvoir.
Ce sont ces fondamentaux qui ont toujours dicté la ligne politique de Corsica Libera, y compris lors de l’épisode des législatives de 2017 où nous avons démontré, en signe de sincérité, que, en ce qui nous concernait, nous n’étions pas là pour glaner des postes ou des fauteuils, mais pour bâtir une Nation demain souveraine.
Le message est passé au sein du peuple corse, mais il y a eu,semble-t-il, au sein de certains responsables un manque de cohérence avec la démarche Per A Corsica où l’on a vu lors des élections de Prunelli di Fiumorbu des soutiens mal orientés ou très bien déguisés.
Ces fondamentaux demeurent cependant notre préoccupation première au delà des aventures politiciennes des uns ou des autres. Et surtout au delà des effets d’annonce sur des chantiers certes importants mais moins essentiels que ceux qui devraient nous préoccuper en priorité.
Ils ont été, en cela, validés par le vote de plus de 67 000 corses soit 57% de l’expression démocratique.
Ce vote a donné mandat, en décembre 2017, à un exécutif uni, pour mener la politique qui est la nôtre, mettre en place une gestion saine et pérenne des trois institutions gangrenées par le colonialisme et le clanisme, ancrer nos fondamentaux dans le marbre du quotidien de notre peuple, à défaut de pouvoir les inscrire dans une constitution corse.
L’objectif initial de début de mandature était on ne peut plus clair, remporter justement cette majorité absolue pour mettre en place une politique ambitieuse et novatrice qui soit carrément aux antipodes de ce que la France et les clans nous avaient imposé jusqu’à présent.
C’est pour cela que les Corses nous ont élus, c’est pour cela qu’ils fondent leurs espoirs sur notre formation politique.
Ouvrir une nouvelle séquence pour la mandature Pè a Corsica
Les premières années de la mandature Pè a Corsica ont contribué à l’assainissement de la situation de nos institutions après des décennies de gestion calamiteuse. Elles ont également permis de fixer des caps en termes d’objectifs politiques qui restent désormais à atteindre (compagnie maritime publique, traitement des déchets…).
A l’entame de l’an IV de la première mandature nationaliste une gestion honnête et rassurante ne peut suffire à satisfaire les espoirs d’un mouvement qui porte avec lui la nécessité d’une profonde transformation sociale.
En tant qu’organisation politique responsable, nous sommes entièrement conscients des difficultés de la tâche qui est collectivement la nôtre, mais, pour autant, nous en savions la teneur en sollicitant les votes de nos concitoyens et en acceptant de respecter nos engagements.
Nous nous attendions bien évidemment aux gabegies rencontrées, aux pesanteurs issue de la fusion des trois collectivités, voire à des réticences et parfois venant de l’intérieur.
L’heure est maintenant venue d’ouvrir une nouvelle séquence de cette mandature où la vision politique devra prévaloir sur l’administration des affaires courantes.
Les insatisfactions profondes qui remontent du peuple ne peuvent nous laisser indifférents et nous nous devons d’amener nos partenaires à utiliser ensemble les moyens les plus appropriés pour y répondre.
Nous n’oublions pas que le peuple nous a donné mandat sur des objectifs politiquement clairs.
Nous n’oublions pas que cette mandature a été élue pour mettre en place dans un laps de temps de 10 ans, les conditions d’une autonomie législative pleine et entière, qui, à l’heure actuelle, sont loin d’être réunies. Un serment a été prêté, qui doit être renouvelé par tous. Nous ne le laisserons pas devenir inaudible.
Trois objectifs prioritaires : terre, emploi, langue.
Comme nous l’annoncions à l’occasion de la rentrée politique de septembre, la mandature nationale « Pè a Corsica » doit rentrer plus concrètement dans une phase de mise en œuvre du programme politique sur lequel elle a été élue. La phase de mise en route de la Collectivité de Corse étant, pour l’essentielle, dernière nous, nous proposons d’envoyer par des politiques publiques volontaristes le signal d’une inflexion plus franche autour de trois grandes thématiques autour desquelles s’est forgé le combat du mouvement national : la sauvegarde de la terre, la bataille de l’emploi et la promotion de la langue. Nous demeurons conscients qu’il est illusoire de protéger efficacement le foncier sans statut de résident, que la corsisation des emplois trouvera ses limites dans le cadre constitutionnel actuel ou que sans coofficialité, les initiatives au bénéfice de la langue ne pourront pleinement se déployer. Pour autant, les blocages institutionnels réels ne peuvent nous exonérer de pousser au maximum les curseurs sur ces thématiques. Dans l’attente d’avancées politiques et statutaires, les Corses attendent de nous une politique nationaliste de la terre, de l’emploi et de la langue. Nous en proposons quelques pistes.
La sauvegarde de la terre :
En fin d’année 2018, l’Assemblée de Corse a, par deux fois, posé les jalons d’une politique de réappropriation de la terre corse. Par le retour d’une partie de l’île de Cavallu dans le patrimoine commun des Corses et qui demande désormais à être concrétisée par un projet d’intérêt public. Puis, surtout, par l’activation, à l’initiative du Président de l’ODARC, d’un fonds foncier doté de plusieurs millions d’euros au bénéfice d’une politique de préemption sur les terres agricoles et de redistribution à de jeunes agriculteurs engagés dans une démarche productive. Le rachat du domaine de Casabianca en a constitué la première opération.
Afin de poursuivre significativement l’effort sur l’année 2019 nous formulons deux propositions applicables à droit constant :
– Les phénomènes de spéculation et de prédation qui menacent notre patrimoine foncier ne se limitent pas aux seules terres agricoles. Chaque semaine des pans entiers de nos richesses, parfois de notre mémoire commune, sont vendus au plus offrant. En se fondant sur la philosophie du « fonds foncier » prévu pour les terres agricoles, nous estimons que la Collectivité doit se doter d’une stratégie de réappropriation de la terre et du patrimoine bâti s’accompagnant de moyens financiers dédiés.
– Nous appelons l’ensemble de la majorité territoriale à la plus grande vigilance quant à la sauvegarde des ESA, Espaces Stratégiques Agricoles, fragilisés par l’annulation de la cartographie du PADDUC. Plus de 6 mois après le vote de l’Assemblée de Corse à ce sujet, le rétablissement de cette cartographie dans les meilleurs délais apparaît comme une impérieuse nécessité en ce qu’elle est un gage de sécurité juridique pour ces espaces. A ce sujet, l’Etat français, détenteur du contrôle de légalité, doit rendre compte de l’évolution des permis de construire délivrés dans ces zones. En cas de manquements de sa part, nous redisons que la Collectivité de Corse a le devoir d’agir par tous les moyens de droits pour freiner la disparition des terres agricoles.
La bataille de l’emploi : per i Corsi.
Le droit du peuple corse à travailler dignement sur sa terre est un droit fondamental.
Pour autant, les Corses, y compris de jeunes diplômés, continuent d’être exclus de l’emploi et, notamment, des postes d’encadrement au détriment de nouveaux arrivants. Cette tendance historiquement assumée par l’Etat français (cf. le rapport Glavany) se poursuit dans son administration et se trouve renforcée par des phénomènes économiques nouveaux avec l’installation de plus en plus fréquente de grandes surfaces et franchises à tous genres.
Le mouvement national aux responsabilités de la Corse se doit d’agir. Le concept de citoyenneté corse, basé sur dix années de résidence, que nous avons popularisé a vocation à s’appliquer à l’accès à l’emploi comme à l’accès au foncier. Alors que des gouvernements français ont accepté d’appliquer officiellement une politique d’ « emploi local » dans des territoires d’outre-mer (notamment à la Réunion), cette question ne saurait demeurer en marge du grand débat social actuel.
Il y a quelques mois, le Président de l’Assemblée de Corse avait lancé une démarche de « Charte pour l’emploi local ». De nombreuses entreprises et syndicats y avaient adhéré. Cette démarche a connu un coup d’arrêt suite à une guérilla juridique, assortie de menaces financières abusives, menée par la Préfecture.
Mais une politique pour l’emploi ne peut se concevoir sans l’élaboration et la planification d’une économie équilibrée, véritablement pourvoyeuse de valeur ajoutée et d’emploi. La politique de la France n’a jamais consisté en l’élaboration d’une économie pour la Corse, qui devait et doit demeurer uniquement un réservoir d’hommes et une réserve foncière à valoir…(leurre du plan Terrier demeuré un état des lieux, lois douanières, etc, etc…).
Cette tâche nous est donc aujourd’hui dévolue. C’est notre devoir ! La France avec sa politique néfaste a spolié la Corse de toutes ses potentialités. L’exemple d’un tourisme anarchique et subi, 31% du PIB… est édifiant en la matière ! Les 74% de l’offre réceptive actuelle sont captés et mis en marché par des propriétaires exogènes ( foyer fiscal hors de Corse ) subventionnés et protégés, car employeurs au noir d’une population nouvelle, venue enfler en trompe l’œil la démographique et grever le budget social de la Corse.
Il nous appartient d’inverser cette tendance, spéculative, mortifère pour le foncier, le patrimoine collectif ainsi que le tissu professionnel patrimonial familial existant. Il convient de maîtriser le tourisme en le planifiant harmonieusement, tout en tenant compte des justes préconisations du Schéma d’Orientation pour le Développement Touristique voté avec le PADDUC ( Annexe 8 ) et des applications du Statut Fiscal et Social de la Corse. Sans toutefois omettre de développer, voir de créer, les indispensables formations professionnelles qui ouvriront enfin aux générations à venir les différents secteurs d’activité concernés.
Cette démarche, s’inscrivant dans le droit fil de la corsisation des emplois revendiquées historiquement par le mouvement national, mérite d’être relancée en bénéficiant du soutien franc des institutions de la Corse.
Une stratégie et des moyens pour la politique de normalisation de la langue corse
L’Assemblée de Corse s’est vue opposée une fin de non-recevoir concernant la co-officialité. Si cette revendication devenue consensuelle au sein de la société corse ne doit pas être perdue de vue car elle conditionne les droits linguistiques des locuteurs et les devoirs assignés aux institutions, nous devons mettre en œuvre toutes les mesures et opérations listées nécessaires à sa diffusion.
De nombreuses mesures figurent dans la planification Lingua 2020. Certaines n’ont pas encore vu un début de commencement. Nous demanderons dès le vote du prochain BP, une augmentation du budget attribué à la langue. Il devient impératif de soutenir la professionnalisation des acteurs car si nous devons être intransigeants avec la qualité des services proposés, nous devons aussi permettre la soutenabilité des multiples initiatives associatives, collectives, parfois individuelles qui fleurissent et qui sont autant de miracles et de chances pour que vive la langue corse.
L’absence de Co-officialité ne signifie pas l’invisibilité de la langue corse. A l’image des propositions du Collectif Cusì présentées samedi dernier à l’Université, il nous appartient de structurer toute la politique linguistique, dans tous les secteurs, de façon à ce qu’au moment venu, lorsque nous obtiendrons la reconnaissance de nos droits linguistiques, les manuels, les méthodes d’apprentissages, les lexiques et les dictionnaires, les programmes de télévision, les émissions de radio, les entreprises comme les panneaux de circulation ou les GPS soient déjà en langue corse et en usage auprès du grand public.
Il nous faut par ailleurs créer un maximum de situation d’immersion de façon à donner du sens, de l’utilité et de l’opportunité à la langue corse. Partout l’immersion, en situation scolaire ou en situation sociale rime avec inclusion. Si nous voulons un jour pouvoir cesser de revendiquer l’usage de notre langue parce que le combat pour la normalisation sera gagné, il nous revient aussi dès à présent de changer de façon de faire, au niveau individuel comme au niveau collectif.
A cet égard, la Collectivité de Corse doit être exemplaire auprès des autres collectivités comme des corps intermédiaires, en montrant l’exemple, en montrant que la transition vers la normalisation est en cours, que nous réalisons en même temps la démonstration et la revendication.
A côté de ce travail technique, parfois technologique sur la langue, nous devons aussi construire un lobbying très fort sur Paris et sur Bruxelles afin d’améliorer la place de la langue corse dans tous les secteurs menacés par des réformes, des restrictions budgétaires ou des dispositifs juridiques favorisant le français sur toute autre langue, sauf l’anglais face auquel il a renoncé. Dans le contexte de mondialisation, si la France est la championne de l’uniformisation, elle est aussi la championne de la contradiction. Le Président Macron ne reconnait-il pas l’abdication du français sur l’anglais quand il entend promouvoir la France avec #Choose France ? La réforme du baccalauréat est par ailleurs saisissante et démontre combien d’un côté, l’idéologie monolingue ancrée au cœur de l’Etat est revancharde er s’applique sans pitié à l’égard des minorités linguistiques. Elle montre aussi combien les Corses sont attentifs et mobilisés par les enjeux liés à la politique linguistique. Répétons-le, nos victoires électorales ne sont pas un aboutissement, mais des étapes dans le combat politique qu’il nous faut mener encore et toujours.
Depuis l’accession des nationalistes à la tête de l’Assemblée de Corse, et à la suite des victoires électorales qui ont validé l’ancrage populaire et démocratique de l’idée nationale, l’Etat français, dans un réflexe prévisible, s’est replié sur lui-même, adoptant une aberrante position de déni de la réalité, et s’en remettant à un pouvoir préfectoral qu’il s’attache à consolider, voire à tenter d’accroître, de manière aussi arbitraire qu’anachronique.
En même temps, il a développé une stratégie globale et sournoise de mise au pas de la société corse, dont les manifestations les plus visibles ne se sont pas fait attendre: contrôles orientés en fonction des origines, voire des idées politiques, comme cela a été prouvé et dénoncé, sabordage systématique des initiatives bénéfiques à la Corse et son peuple, tant au plan culturel qu’économique, montée au créneau des autorités officielles pour limiter les prérogatives ou entraver l’action de la Collectivité de Corse, tout en la rendant responsable de problèmes qu’on l’empêche de régler. Face à cette offensive malsaine, qui n’étonnera vraiment que les naïfs ou les amnésiques, le mouvement national doit, plus que jamais, faire preuve de constance et de cohérence politique, en poursuivant avec sérénité et détermination l’œuvre émancipatrice entreprise. Mais il doit aussi se donner les moyens de fédérer toutes les énergies positives présentes dans la société corse pour contrecarrer ces velléités de déstabilisation ne visant qu’à décourager notre peuple, tout en lui faisant renoncer à ses revendications légitimes et fondamentales, pour lesquelles nous continuerons, quant à nous, à nous battre sans relâche.
Il est donc nécessaire et vital de consolider la démarche commune de Pè a Corsica, car les Corses ont validé, à plusieurs reprises, par leur vote, un programme et un projet qui ne correspondent pas aux vœux de l’Etat français et de ses relais dans notre pays.
Même si l’Etat français refuse de nous laisser inscrire en toutes lettres les textes de lois voulus par les Corses, nous devons en faire respecter l’esprit par tous les moyens dont nous disposons: c’est là un des devoirs de l’Assemblée de Corse, et c’est le devoir de chacun d’entre nous de l’y aider, car les refus adressés à nos représentants légitimes sont des refus faits au peuple lui-même. À Corsica Libera, les enseignements de Histoire et des décennies d’engagement, sur tous les terrains, au service exclusif de notre nation, nous ont appris que nous n’obtiendrons, in fine, que la ratification de ce que nous aurons su installer dans la réalité, ou arracher par une lutte politique qui ne saurait faiblir.
Cette intervention d’aujourd’hui se veut solennelle car il est pour nous hors de question d’éloigner le Peuple de ses choix fondamentaux, et de ne pas continuer à lutter pour faire respecter sa volonté, sur des questions qui engageront son avenir pour longtemps.
Elle est surtout guidée par l’espoir qui est le nôtre depuis la mise en place de Per A Corsica, à savoir agir uniquement pour servir les intérêts du Peuple Corse.
Ceci nous conduit à réaffirmer notre attachement indéfectible à la démarche Per a Corsica et ce dès les prochaines élections municipales, puis territoriales.
Per noi, più ch’è mai, ci hè un paese da fà, un paese da liberà.
CORSICA LIBERA
13 février 2019
Revue de presse
(RCFM) (Corse Net Infos)